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mardi 12 novembre 2024

Le sang des voyous – Loustal/Paringaux (BD)

 

Casterman (2006)


« Le sang des voyous », c’est noir de chez noir …  C’est du néo-polar BD à la sauce Jean-Patrick Manchette, brutal, cassant et acéré, typé années 50’s revisitées violence des années 2000.

«Le sang des voyous» prend place dans la France des années 50’s, du moins celle relayée par un certain cinoche d’époque ciblant le Milieu et sa faune. On se croirait en 24 images/seconde, en noir et blanc façon Godard ou Melville, devant "Le samouraï" ou "A bout de souffle", même si les planches BD signées Loustal sont en couleurs.

Truands et petites frappes, gueule en lame de couteau, clope au bec et fine à l’eau en bords de lèvres et de comptoir de bars mal famés ; maquereaux et tronches de gigolpince, cravates fines, gabardines et galures de feutre gris ou noir ; demi-sel aux couteaux à cran d’arrêt et pétards à balles creuses ; tapineuses de trottoir et entraineuses de boites de nuit, prostituées de chantier.

… et puis il y a Louis, tueur à gages en bout de souffle, de vie et de maladie, rongé par le crabe, à la recherche d’un passé filial malheureux à se faire pardonner avant que la Faucheuse ne le choppe. En bouche, tout du long du road-movie qu’il s’impose, le goût âpre de son sang et celui des autres, de ceux sous contrat, de qui n’aura eu que le tort de l’avoir floué ou d’être là au mauvais endroit et au mauvais moment. Sa dernière compagne : la morphine en intraveineuse, ampoules et seringue en verre, aiguille ébréchée, boite métal alu. Qu’importe la stérilisation quand l’échéance est proche, que le bout de la route est pour bientôt ...

«Le sang des voyous» c’est le Paris crépusculaire des banlieues industrielles ensommeillées ; celui des boulevards déserts sous l’œil blafard de rares réverbères maladifs. C’est aussi la France des néons rutilants d’un Paris nocturne racoleur ; celle des gares sous verrières où les proxos guettent les jeunes et jolies provinciales en quête de rêves, futures fleurs de bitume naïves et revenues de tout.

La France des années 50’s toujours : l’ambiance ensoleillée, méridionale et caniculaire de la campagne avignonnaise, oliviers bleu-acier frissonnant et champs de lavande cyanosée. Plus bas, la Provence côtière escarpée ; étroites corniches routières en lacets serrés à l’aplomb de la mer en contrebas ; petits ports de pêche et villes blanches greffés sur la courbe du littoral. 

Crever sous le soleil, par un bel été.

Il y a tout ce sang, écarlate et luisant, sur ceux qui n’ont rien vu venir et qui crèveront vite ; l'hémoglobine caillée et noire pour qui calanchera lentement. On paie Louis, il tue ; mais quand c’est pour son compte… le trajet des balles, de part en part sous les costards troués, n'est t'il pas toujours le même ?

«Le sang des voyous» : une narration graphique signée Paringaux que l’on dirait tirée d’un vrai roman, mots et phrases cousus ensemble, prose en tics d’écrivain ; mais aussi des images fortes, heurtées, écorchées vives, comme arrachées au papier ; des traits et couleurs griffés dans l’épaisseur du vélin blanc. Le tout en écho d’une fin de vie froissée et broyée qui réservera le pire à un Louis, désormais les bras ballants.

«Le sang des voyous»: une BD choc avec de gros morceaux de peine dedans.

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