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lundi 20 octobre 2025

Nouvelles de l’anti-monde - George Langelaan

 

Arbre Vengeur Ed. – Collection « Arbuste Véhément » (2025)

J’ai toujours été friand de nouvelles ; Fantastique et SF confondus ; de la short-story à la novella ; du strict minimum à celles dodues flirtant avec le format roman. Je les perçois comme de petites gourmandises à picorer à l’envie, des amuse-gueules dégustés à temps perdu entre deux gros romans chronophages. L’art en est difficile : une idée, une flèche en cœur de cible, quelques pages vite oubliées ou gravées à jamais dans la mémoire… c’est selon, et basta.

Celles qui, issues des Littératures de l’Imaginaire, n’ont pas été publiées depuis longtemps et se montrant introuvables dans leur version originale, se rappellent ponctuellement à notre bon souvenir sur le fil de rééditions courageuses, renaissent souvent comme de belles pépites à tort oubliées ou resteront anecdotiques, tout dépend de la pertinence du projet. Toutes ont fait, bon an mal an, le charme des « mauvais genres », collant à l’Histoire des Littératures de l’Imaginaire, servant de points d’ancrage chronologique en fonction de leurs styles d’écriture.

La réédition du recueil « Nouvelles de l’Anti-monde » s’offre t’elle un coup de jeunesse en pays de nouveautés ? Est t’elle judicieuse ? Sa dernière occurrence éditoriale date de 1973 pour une version originale en 62. Qu’en reste t’il ?

En 2019, une maison d’édition française (« L’Arbre Vengeur »), se propose de nous faire lire (voire relire), au cœur d’une de ses collections, (« L’Arbuste Véhément »), une antique et miraculeuse pépite romanesque fantastico-science-fictive.  Cynique et désespéré, « L’œil du Purgatoire » de Jacques Spitz attire notre intérêt en 2025 vers un autre titre du même catalogue, de même tonneau semble t’il, réédition itou, décalé et atypique tout autant, intemporel et si peu désuet : « Nouvelles de l’anti-monde » (1962 chez Robert Laffont) de George Langelaan (1908-1972).

La curiosité s’en mêle. Poussant plus avant, on découvre que le recueil qui nous cligne de l’œil aujourd’hui était apparu en 1966 (rééditions internes jusqu’en 1973) en Marabout aux Ed. Gérard, au cœur d’une double collection mythique et incontournable, jumelle s’il en est, Fantastique & SF séparés. Marabout F, surtout, s’était fait le chic quelques décennies durant de rééditer une myriade de nouvelles atypiques d’essence fantastico horrifique, d’origine belge le plus souvent, peu connues et d’excellente qualité. « Nouvelles de l’anti-monde » parut peut-être à tort sur le versant SF de la collection, mais quelle importance .. ! Le détour par « L’Arbre Vengeur « s’impose donc.. !

On trouve, au sein du sommaire, trois nouvelles qui eurent l’heur d’une adaptation ciné :

1        -« La mouche » devant la caméra de David Cronenberg (1986). Le long métrage fut pluri nominé et primé. A mi-chemin entre merveilleux scientifique, Fantastique et Horreur, la nouvelle est classique de la méthode Langerlaan.

2        L’idée irrévérencieuse de «Le miracle» servit, de toute évidence, de base non créditée au presque éponyme long métrage de JP Mocky « Le miraculé » (1987). Rendez-vous à Lourdes… où l’humour noir de l’épilogue fait sourire et ricaner. L’adaptation est libre, très libre.

3        «  Robots pensants », pour la télévision, qui revisite dans l’horreur, le thème de l’automate joueur d’échecs.

Dans « L’œil du Purgatoire » de Spitz, le héros perçoit ceux qui l’entourent, vision prémonitoire et merveilleux-scientifique aidant, tel qu’ils seront dans un délai temporel de plus en plus marqué. Les humains qu’il côtoie, de plus en plus décrépits, bientôt évanescents, de la chair vers la poussière en passant par la putréfaction et l’état de squelette, isolent le héros dans une solitude fatale. Le héros de « Temps mort » « Langelaan suit, un itinéraire similaire : autour de lui, le temps se rétracte, les humains se statufient, se pétrifient ; tandis que, pour lui, à l’inverse, les secondes deviennent des heures. Destin tragique assuré. Chef d’œuvre du recueil.

Pour le reste, sans chercher à citer tous les textes :

.Une main n’obéit plus à qui devrait la commander («L’ autre main»). Fantastique classique à bout de bras.

.« La dame d’outre nulle-part » préfigure les histoires d’amour par écrans interposés. 

.« Récession » qui, en boucle temporelle, de la mort vers la naissance, de la naissance vers la mort, de la vie perdue vers celle recommencée… offre l’immortalité sans conscience d’en bénéficier.

.« De fauteuil en déduction » qui, bien avant l’heure, utilise le twist final de Thierry Jonquet dans « La bête et la belle ». On voit venir de loin.

Etc…. 

Au final, 13 nouvelles oscillant entre SF, Fantastique et Horreur, assaisonnées quelques fois d’humour, suffisamment atypiques pour attirer l’attention en 2025. Nul doute que l’on y retrouve néanmoins le parfum d’une époque qui n’est plus, mais l’essentiel est de se dire que l’ouvrage mérite peut-être de devenir un classique.. !

Merci Babelio, Masse Critique, L'Arbre Vengeur Ed.

Marabout SF 252 (1973)

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