Van Der Graaf est un groupe de rock anglais appartenant à la vague
progressive britannique des 70’s, celle pionnière du genre, débordant d’amont
sur les 60’s et s’insérant d’aval dans les 80’s. Il devint un combo culte sur
le fil d’une petite dizaine d’albums inspirés et atypiques, s’attira les
faveurs d’une intelligentzia fidèle et exclusive, presque jusqu’au-boutiste,
n’émergea au grand jour que de manière diffuse et sporadique … avant de
splitter et de renaitre, sans acquérir, à l’égal de Genesis ou
de Yes, le statut de tête de gondole. Faute à certains petits
défauts embarqués (mais en étaient-ce vraiment ? puisqu’ils font tout
l’intérêt de ceux qui idolâtrent le groupe) ; ils sont comparables, par
exemple, à ceux attribués et reprochés à Gentle Giant : une
zique complexe, intello, perçue érudite, aux textes bavards à première écoute.
… et pourtant : à laisser le groupe tourner sur la platine, il avait de
quoi plaire, surtout si rien d’enchanteur n’émergeait la première fois. Son âme
n’était palpable qu’en y revenant, encore et encore.
Tout l’esprit et le sel de l’album s’affirment dès les trente premières
secondes écoulées du morceau initial. Tous les ingrédients typiques y sont
regroupés, l’un suivant l’autre puis s’imbriquant l’un dans l’autre : guitares
acoustique (bientôt électrique), violon, basse ronflante et dodue, batterie,
voix envoutante et reconnaissable entre mille ; ne manque que le saxo (sur
seulement deux morceaux). On est au parfum de ce qui va suivre, tout déjà
réduit dans ces quelques mesures. Le reste ne sera qu’affaire de développement,
de merveilles qui en découlent en pays de prog.
A mon sens, « The quiet zone / The pleasure dome » est le
chef-d’œuvre du combo, l’opus d’un groupe pourtant soldant ici son passé
(encore un beau live, « Vital », et puis basta s’en ira) …
mais qui saura renaitre à l’aube du millénaire naissant. Ce n’est pas,
pourtant, selon la critique, le meilleur LP de VDGG mais c’est
celui avec lequel j’ai le plus d’affinités, le sentiment d’enfin comprendre ce
qu’il s’y passe quand la complexité/la sophistication habituelle apportée à la
musique cède la place à une relative simplicité. S’y ajoute une zenitude palpable,
absente des opus précédents marqués d’une atmosphère sombre et inquiète. La
particularité du groupe est que les vocaux sont omniprésents sur la plupart des
albums. Ici, le chanteur (Peter Hammill) se glissant à son habitude dans
tous les registres, se montre pour une fois plus en retrait qu’aux premières
loges. A mon sens ses interventions (même si sa voix est particulièrement
belle) asphyxient souvent l’audition, imposent une quasi apnée à celui qui
écoute. « The Quiet Zone / The Pleasure Dome » échappe à cette
quasi constante, libérant de l’espace à la structure instrumentale dédiée non
pas tant à la guitare du leader (pourtant incontesté) qu’aux interventions
mélodiques inspirées du violon et à une basse bien ronde, bien poussée en avant,
boursoufflée, grondante. Un saxo intervient sur deux titres, sa présence affine
encore plus le particularisme du combo.
Je pose ce genre d’albums sur la platine-disque, ceux classés
rock-progressif, quand le besoin d’embarquer ailleurs qu’en territoire
blues-rock se fait sentir. Ce brusque virage musical vient me visiter de temps
à autre quand la note bleue me lasse de ses gammes pentatoniques routinières
lassantes.
Van Der Graaf m’est, en outre, groupe « saisonnier » ; je ne
l’écoute qu’en automne ou en hiver. Il livre une musique, me semble
t’il, arrachée aux riches couleurs d’octobre quand la Toussaint, en approche
lente, va marquer le changement de temps ; quand les arbres aux mille tons
se séparent de leurs feuilles comme autant de notes perdues sur la partition
des branches peu à peu dénudées ; lorsque le lent glissement vers l’hiver
s’amorce. Il y a beaucoup de mélancolie attachée à l’automne dans cette
curieuse perception musicale qu’offre le groupe : un été hélas désormais
presque enfui, une météo entre deux extrêmes, le poêle à bois contraint à un
feu doux hésitant et ponctuel … alors que le mobilier de jardin attend encore
ses housses protectrices et l’abri du cabanon. Une parenthèse temporelle peu à
peu se déploie ; un entre-deux se crée … et VDG s’y
insère, s’y glisse, dédiant le panel sonore foisonnant de sa musique aux
nombreuses nuances complexes de l’automne.
Bienvenue en pays d’octobre.
... où apparait un triangle de Penrose






Me fait penser aux tous premiers Génésis
RépondreSupprimerOui... ce LP ressemble, sur la forme, au Genesis premier, celui de Gabriel qui laissait part importante à l'instrumental. Ce n'est pas le cas des autres opus du combo où les paroles squattent une bonne part de chacune des plages. De plus VDGG appartient plus à l'underground qu'au mainstream.
RépondreSupprimerPeter Hammill, le chanteur/guitariste, était l'âme du combo. Entre le premier split et la reformation, il entreprit une carrière solo d'où émerge "Nadir's big chance", opus de même tonneau que ce que fit VDGG antérieurement.
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