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jeudi 30 octobre 2025

Van Der Graaf - The Quiet Zone / The Pleasure Dome (1977)

 


Le combo se nommait à l’origine (1967) Van Der Graaf Generator. Le dernier élément de son patronyme disparait en 1977 avec ce 8ème opus studio qu’est « The quiet zone / The pleasure dome ». Le nom de baptême dont se pare le groupe est, qui plus est curieusement steampunk avant l’heure, une référence à un appareil électrique, créé en 1930, produisant de l’électricité statique, le générateur de Van de Graaff du nom de son inventeur. 37 ans plus tard, en 67 (date de création de VDGG), la faute d’orthographe accidentelle d’un « f » sous-numéraire et la propension d’antan qu’avait l’univers rock à se parer de noms de groupes improbables et interminables, engendraient un combo rock culte. En outre, autre bizarreté, certaines lettres de son nom de scène furent quelques fois remplacées par des triangles de Penrose, objets impossibles dessinés en 1950. VDGG a souvent avancé en terres de mystères, sa musique s’en est fait l’écho. Et c’est tout son charme.

Van Der Graaf est un groupe de rock anglais appartenant à la vague progressive britannique des 70’s, celle pionnière du genre, débordant d’amont sur les 60’s et s’insérant d’aval dans les 80’s. Il devint un combo culte sur le fil d’une petite dizaine d’albums inspirés et atypiques, s’attira les faveurs d’une intelligentzia fidèle et exclusive, presque jusqu’au-boutiste, n’émergea au grand jour que de manière diffuse et sporadique … avant de splitter et de renaitre, sans acquérir, à l’égal de Genesis ou de Yes, le statut de tête de gondole. Faute à certains petits défauts embarqués (mais en étaient-ce vraiment ? puisqu’ils font tout l’intérêt de ceux qui idolâtrent le groupe) ; ils sont comparables, par exemple, à ceux attribués et reprochés à Gentle Giant : une zique complexe, intello, perçue érudite, aux textes bavards à première écoute. … et pourtant : à laisser le groupe tourner sur la platine, il avait de quoi plaire, surtout si rien d’enchanteur n’émergeait la première fois. Son âme n’était palpable qu’en y revenant, encore et encore.

Tout l’esprit et le sel de l’album s’affirment dès les trente premières secondes écoulées du morceau initial. Tous les ingrédients typiques y sont regroupés, l’un suivant l’autre puis s’imbriquant l’un dans l’autre : guitares acoustique (bientôt électrique), violon, basse ronflante et dodue, batterie, voix envoutante et reconnaissable entre mille ; ne manque que le saxo (sur seulement deux morceaux). On est au parfum de ce qui va suivre, tout déjà réduit dans ces quelques mesures. Le reste ne sera qu’affaire de développement, de merveilles qui en découlent en pays de prog.

A mon sens, « The quiet zone / The pleasure dome » est le chef-d’œuvre du combo, l’opus d’un groupe pourtant soldant ici son passé (encore un beau live, « Vital », et puis basta s’en ira) … mais qui saura renaitre à l’aube du millénaire naissant. Ce n’est pas, pourtant, selon la critique, le meilleur LP de VDGG mais c’est celui avec lequel j’ai le plus d’affinités, le sentiment d’enfin comprendre ce qu’il s’y passe quand la complexité/la sophistication habituelle apportée à la musique cède la place à une relative simplicité. S’y ajoute une zenitude palpable, absente des opus précédents marqués d’une atmosphère sombre et inquiète. La particularité du groupe est que les vocaux sont omniprésents sur la plupart des albums. Ici, le chanteur (Peter Hammill) se glissant à son habitude dans tous les registres, se montre pour une fois plus en retrait qu’aux premières loges. A mon sens ses interventions (même si sa voix est particulièrement belle) asphyxient souvent l’audition, imposent une quasi apnée à celui qui écoute. « The Quiet Zone / The Pleasure Dome » échappe à cette quasi constante, libérant de l’espace à la structure instrumentale dédiée non pas tant à la guitare du leader (pourtant incontesté) qu’aux interventions mélodiques inspirées du violon et à une basse bien ronde, bien poussée en avant, boursoufflée, grondante. Un saxo intervient sur deux titres, sa présence affine encore plus le particularisme du combo.

Je pose ce genre d’albums sur la platine-disque, ceux classés rock-progressif, quand le besoin d’embarquer ailleurs qu’en territoire blues-rock se fait sentir. Ce brusque virage musical vient me visiter de temps à autre quand la note bleue me lasse de ses gammes pentatoniques routinières lassantes.

Van Der Graaf m’est, en outre, groupe « saisonnier » ; je ne l’écoute qu’en automne ou en hiverIl livre une musique, me semble t’il, arrachée aux riches couleurs d’octobre quand la Toussaint, en approche lente, va marquer le changement de temps ; quand les arbres aux mille tons se séparent de leurs feuilles comme autant de notes perdues sur la partition des branches peu à peu dénudées ; lorsque le lent glissement vers l’hiver s’amorce. Il y a beaucoup de mélancolie attachée à l’automne dans cette curieuse perception musicale qu’offre le groupe : un été hélas désormais presque enfui, une météo entre deux extrêmes, le poêle à bois contraint à un feu doux hésitant et ponctuel … alors que le mobilier de jardin attend encore ses housses protectrices et l’abri du cabanon. Une parenthèse temporelle peu à peu se déploie ; un entre-deux se crée … et VDG s’y insère, s’y glisse, dédiant le panel sonore foisonnant de sa musique aux nombreuses nuances complexes de l’automne.

Bienvenue en pays d’octobre.



... où apparait un triangle de Penrose

... où apparait le générateur de Van de Graaff


3 commentaires:

  1. Me fait penser aux tous premiers Génésis

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  2. Oui... ce LP ressemble, sur la forme, au Genesis premier, celui de Gabriel qui laissait part importante à l'instrumental. Ce n'est pas le cas des autres opus du combo où les paroles squattent une bonne part de chacune des plages. De plus VDGG appartient plus à l'underground qu'au mainstream.

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    1. Peter Hammill, le chanteur/guitariste, était l'âme du combo. Entre le premier split et la reformation, il entreprit une carrière solo d'où émerge "Nadir's big chance", opus de même tonneau que ce que fit VDGG antérieurement.

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