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vendredi 21 février 2025

La patience de Maigret - Maigret – Georges Simenon

 

Réédition Livre de Poche n°14221 (2011)

« La patience de Maigret » (1965), 70ème tome de la série, est, à la suite de « Maigret se défend » (1964), le second volet de l’unique diptyque de la saga. Encore est-il parfaitement lisible en one-shot. Certains personnages, sur les mêmes lieux ou presque, coupables ou complices de crimes résolus il y a dix jours à peine, ont disparus du paysage, ont été arrêtés et sont incarcérés ; d’autres, déjà présents, jusqu’alors simples témoins, prennent désormais les premiers rôles sans avoir vraiment été les seconds couteaux du premier.

Une affaire chasse l’autre : celle initiale, celle de « Maigret se défend » est close ; une autre pointe son nez, occulte la première et ouvre de nouvelles perspectives.

« La patience de Maigret » est la résurgence thématique d’une enquête inaboutie qui traine, irrésolue, depuis une vingtaine d’années, dans les cold cases du Commissaire. Elle concerne, en background des deux affaires, une longue série impunie de vols de bijoux que Maigret n’a jamais pu décrypter. Des hold-ups successifs jusqu’à la refourgue en passant par le recel et la retaille des pièces tout reste irrésolu : aucun indice, à peine des soupçons qui portent sur deux personnages d’importance dont l’un vient de mourir.

Maigret enquête sur l’assassinat de Manuel Palmeri, une de ses vieilles connaissances du Milieu. Il vient d’être tué chez lui, dans son fauteuil roulant, d’une balle dans la nuque. C’était un vieux « truand à papa » respectueusement imprégné des anciennes lois du Milieu, un caïd infirme, victime il y a deux ans d’un règlement de comptes qui l’a laissé sur le carreau de ses anciennes activités maffieuses (mais va savoir ?). Le commissaire le suspecte depuis des années de jouer les prolongations et le fait surveiller de filatures à peine discrètes en téléphone sur table d’écoute ; mais cela n’a pas empêché son assassinat. Le caïd s’est toujours montré prudent dans ses rapports avec la police, lâchant du lest de temps à autre ; malin et l’air de rien, il s’était fait discrètement indic ponctuel, balance à minima, en échange d’une certaine tranquillité policière. Maigret le respectait néanmoins, voire l’admirait, l’estimait à l’aulne des vieilles règles du Milieu que le truand se faisait un point d’honneur à mettre en avant. Son violent décès impose à Maigret de trouver le coupable et, quelque part, de venger un mort, presque un ami ….

« Pourtant, il y avait tout au fond de … [Maigret] …, si ce n’est de la tristesse, tout au moins une certaine nostalgie. La mort de Manuel Palmeri n’était pas de celles qui endeuillent la société. »

Aline Bauche, sa jeune compagne, une ex-tapineuse rangée du trottoir sous le vernis craquelé d’une femme honorable ; elle se veut aide-soignante au chevet d’un être diminué, garante honnête de ses finances en cours (et il y a du pognon.. !). Aline appelle tendrement « papa » l’homme qu’elle aime malgré son handicap. Maigret est fasciné, voire secrètement enclin à certains sentiments amoureux, mais il sait qu’il ne franchira jamais le pas vers les aveux ; leur relation est trouble ; empreinte de la distance entre le chasseur et sa proie potentielle. L’un est tendre mais, job oblige, inflexible ; l’autre haineuse et à deux doigts parfois de retrouver ses manières et son parler d’antan.

«_Tu as tort, papa, de recevoir le commissaire. Les flics je les connais, et ils m’en ont fait suer. Celui-ci ne vaut pas mieux que les autres. Un jour tu verras, il se servira contre toi de tout ce que tu lui laisses te tirer du nez » 

Simenon, Maigret et le Milieu. Une plongée en compagnie de ses pontes, de ses caïds rangés des voitures, demi-sels, porte-flingues, maquereaux, barmans, portiers de nuit … Le tout noyé dans le microcosme d’un immeuble parisien de rapport où s’agglomèrent quelques strates de la société !... Rentiers, voyageur de commerce, prof d’éducation physique, bonniches … etc.  Vue en coupe d’un immeuble parisien de la fin des années 50’s ; proprios et locataires tour à tour sur la sellette ; l’un deux est peut-être coupable à moins que …

« C’est ainsi que le commissaire avait réussi la plupart de ses enquêtes : en montant des escaliers, en reniflant dans les coins… [ ] … en posant des questions inutiles »

Maigret instille la peur et confine ses suspects, le huis-clos s’amorce.

… la suite appartient au récit … conduisant le commissaire à une terrible colère empreinte de vengeance.

Deux jours en juillet pour mettre un terme à une enquête qui traine depuis deux décennies … c’est la patience de Maigret.

PS : en 1994 la TV adapte « La patience de Maigret ». Bruno Cremer est aux premières loges. Agnès Soral, dans un registre cousin de son rôle dans « Tchao Pantin », endosse l’habit d’Aline. Elle y fait merveille malgré un tout assez décevant car largement infidèle à l’orignal papier. Cette version succède à celle de 1984 avec Jean Richard, bien pâlotte et inutilement teintée d’humour. Pas d’adaptation ciné ; pourtant l’intrigue s’y prête, même si elle est facilement décriptable.

Sur le fil de mes lectures, un Maigret suit ainsi l’autre. Et je ne m’en lasse pas. C’est un gage de qualité. Celui-ci montre un Maigret entre cœur et raison, le plus difficile des rôles.

Re-PS : Tournent, tournent les génériques TV. A chaque fois une belle réussite. Quelques notes à peine qui se tatouent sur les tympans…

Jean Richard

Bruno Cremer

3 commentaires:

  1. Le seul Simenon que j’ai lu est celui qui porte mon nom de famille pour titre. Drôle hein. Un bon polar. Moi qui ne vais plus trop ces dernières années au cinéma à mon petit désespoir, j’ai vu bizarrement le Maigret avec Depardieu qui est l’adaptation de « Maigret et la jeune morte » et j’ai passé un excellent moment !

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    1. Citation: "Le seul Simenon que j’ai lu est celui qui porte mon nom de famille pour titre." >>> Lognon, Saint-Fiacre, Gai-Moulin, Bergerac, Majestic, Picpus, Picratts, Vichy, Concarneau, Donadieu, La Souris, Lacroix, Bébé Donge, Bob ?

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