Accueil

Accueil
Retour à l'Accueil

samedi 19 janvier 2019

Liberty Bar - Georges Simenon (Maigret)





Réédition "Le Livre de Poche" - 1975



Réédition "Omnibus" - 2015

Quand, finissant un roman, je ne sais pas vers lequel désormais aller, je me tourne souvent vers Simenon et son Maigret de commissaire parisien. Comme m'offrant un interlude, une sorte de courte récompense, qui me laissera le temps de focaliser sur un titre qui, là-bas, sur les rayons de ma bibliothèque me cligne de l'oeil et m'aguiche de ses couleurs flamboyantes et de sa 4 de couverture prometteuse.

Un Maigret, c'est invariablement court.

Le contenu propose des phrases simples, comme les brefs "plic-plocs" d'un caillou lancè en ricochets successifs sur une eau claire et plane. Chaque rebond n'est qu'un fragment d'un tout et chacun est le garant de la cohérence de l'ensemble. Je suis à chaque fois frappé, étonné, admiratif face à la force induite par l'agencement économique des mots, par cette radinerie exubérante et féconde, par ce désir de faire court, concis, efficace. Simenon me parait obsédé par l'envie d'user des mécanismes et recettes de construction de la nouvelle.

Et, au final, il semble y avoir toujours plus en ces courts romans que ce que Simenon y a mis. Comme un contenu qui déborde d'un contenant. La sensation d'avoir eu entre les mains un roman court et plein qui cale toutes les envies qu'on avait hâte d'y trouver en commençant à le lire.

Cà va peut-être paraître idiot, décalé, incompréhensible: mais lire un Maigret c'est pour moi comme écouter un des premiers albums de JJ Cale: court car ne dépassant jamais les 40 minutes via de brèves plages nombreuses et d'inspiration diverses; simple car marqué par des rythmes dansants immédiatement identifiables, voix typique, faussement nonchalante et décontractée. Et au final, en fin d'écoute, au bout d'à peine plus d'une demi-heure, j'ai l'impression d'avoir vécu des heures en compagnie de la musique, rempli de plus de notes que JJ Cale n'a jamais voulu m'en offrir.

Maigret me donne ce même effet.

Plutôt qu'en usant d'un bref résumé d'amorce je présenterai le roman, pour une fois, sous un autre angle.

Je souhaiterais m'appesantir un instant sur le background géographique et historique entourant le récit. Le roman prend pied, à l'exception du savoureux court dialogue final entre Mr et Mme Maigret (il vaut à lui seul le détour), entre Cannes et Antibes. "Liberty Bar" est paru en 1932, c'est à dire à deux pas à peine des premiers congés payés de 1936. C'est l'été, la canicule pèse, le tourisme aisé est là, bel et bien, effronté et inévitable. Il donne tout son poids à ce bord de mer qui bientôt ne sera plus comme avant. A l'image de ce William, richissime touriste australien qui ne supporte plus ses troupeaux de moutons aux antipodes, qui se paie du bon temps sur les yachts du port, avec de petites pépées, des javas jusqu'au bout de la nuit. Jusqu'à plus soif. A l'exemple aussi de sa maîtresse et de sa mère dans une riche villa donnant sur la Méditerranée. Il y a la foule des baigneurs aisés, un maharadja et sa fille qui ne font que passer mais qui plantent un décor opulent. Une multitude de détails qui tissent un fond huppé, insouciant...mais si fragile et factice.

Et derrière: les petits quartiers, sombres et étriqués, la faune qui y rode, maquereaux, putes et opportunistes. La mort prépare sa faux, ce sera un couteau planté dans le dos de William.
Et c'est là que Maigret intervient comme un coin de bois à enfoncer brutalement entre deux mondes, entre yachts et ruelles sombres.

Mais le commissaire a promis de ne pas faire de vagues car parait t'il, William est un ancien espion.

5 commentaires:

  1. C'est un Maigret que j'ai bien apprécié, peut-être car le commissaire est un peu moins monolithique et moins à son aise question climat. Et comme tu le dis, malgré une brièveté, Simenon parvient à dépeindre un monde, son époque. On sent qu'il est un brin nostalgique des petites ruelles et son cortège de "laissés pour compte".
    Et ce dialogue avec sa femme est un régal.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je me demande si, ne lisant pas pour ma part les épisodes dans la chronologie de parution, Maigret ne s'épaissit pas au fur et à mesure que le lecteur pénètre dans la série. Mon avis est subjectif, pure intuition, mais je parierais qu'il y a quelque chose de cet ordre.
      En ce domaine "Polars-U" nous serait précieux.
      Dans "Maigret à Vichy", sous l'étuve d'août, au titre de ce qui le déroute et l’exaspère au plus haut point, on trouve le rédhibitoire chapeau de paille blanc auquel il ne parvient pas à se faire et son statut d'homme inébranlable miné par la nécessité de boire les petits verres d'eau aux fontaines miraculeuses. Qu'il les boive cul-sec çà lui rappellera des souvenirs.

      Supprimer
    2. Qu'appelles-tu "s'épaissir" avec le temps.
      Quand j'avancerais un peu plus dans la série (je lis dans l'ordre ce en ma possession), je verrais peut-être une évolution.

      Supprimer
    3. Oui, tout à fait..! Plus la série avance en numérotation, et quelquefois sans souci de la chronologie de carrière du commissaire, plus son personnage me semble travaillé. Même si certains tomes comme "Maigret à New-York" me semblent échapper à la règle (mais c'est une autre histoire où les USA semblent échapper à Simenon, ce qui déteint sur la crédibilité de Maigret)

      Supprimer
    4. C'est normal, en un sens, que Simenon maitrise plus encore son personnage central. Au vu de la série, le tome 17 est parmi les premiers. Pour autant, ça laisse pas mal de tome avant pour se faire la main.

      Supprimer

Articles les plus consultés