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mercredi 15 janvier 2025

Tendre Violette 03 Malmaison – Jean-Claude Servais + Gérard Dewamme (BD)

 

   
Réédition Casterman (1986) + Prépublication du premier épisode/6 dans le mensuel (A Suivre) n°66 (1985)

« Malmaison » est un roman graphique signé Jean-Claude Servais (dessins) et Gérard Dewanne (scénario). C’est le 3ème tome (sur 7) d’une série BD titrée « Tendre Violette ». Il fut, à l’origine, disponible en pré-publication N&B sous forme de feuilleton dans le mensuel (A Suivre) du n°66 au n°71, puis en album original (1984) chez Casterman dans la collection « romans (A Suivre) ».  Les rééditions seront (judicieusement ?) colorisées. Le noir et blanc possède le charme essentiel du travail graphique brut initial. La couleur resserre le regard sur les centres d’intérêt ; la lecture s’en trouve certes facilitée mais perd le charme de l’intention première.

Lecture faite, pour la présente chronique, via deux supports : une réédition de 1986, presque l’original, et le recueil n°12 du magazine (A SUIVRE) qui contint, de mois en mois, l’intégralité-feuilleton des 6 prépublications. Les deux versions sont en N&B…

Graphiquement, le ton est au grand spectacle, panoramique le plus souvent ; c’est une ode à la campagne du début XXème siècle ; la nature telle que dessinée par Servais s’y impose dans toute sa splendeur ; je suis très sensible au style de Servais qui nous plonge avec bonheur (presque sérénité) dans tous les détails de chaque vignette. Quant aux humains croqués, visages souvent en gros plans, ils parlent souvent d’eux-mêmes sans phylactère associé ; on y lit des pensées qui n’ont pas besoin d’explications, des tourments qui n’attendent que d’être exacerbés. Regards pénétrants, intrigants, énigmatiques, habités par une folie latente ou le désir de vengeance qui ne dit pas son nom, terrorisés par ce qui guette dans l’ombre au cœur de croyances ancestrales surgies de la nuit des temps. A l’opposé : faciès heureux et bienveillants, tendres et amoureux, en accord avec une vie simple. La dichotomie bien/mal est prononcée bien que certains personnages avancent masqués de l’un vers l’autre… la tragédie se dénoue entre ombre et lumière.

Les auteurs de la BD, à l’issue du diptyque inaugural (« Julien » puis « La Cochette), nous avaient, sans trop nous étonner, laissés sur des espoirs d’une suite. Le scénario embarqué comportait, semble t’il, des trous intentionnels où pouvaient s’insérer des éléments à suivre. Servais et Dewanne re-convoquent donc l’héroïne (bientôt enceinte) ; Lucye la guérisseuse et accoucheuse, intrigante et mystérieuse, ouverte aux choses de l’au-delà et aux moyens de les convoquer ou de les repousser ; Bourguignon le beau tailleur de pierre itinérant revenu d’Italie avec une passion pour la photographie (trois de ses clichés ramènent au tirage les fantômes d’un drame au bord du lac et au pied de l’abbaye proche). S’insèrent dans l’intrigue des personnages nouveaux : un médecin ténébreux, son valet à tout faire, nabot disgracieux au comportement trouble et malveillant, un haï de tous.

Philtres ancestraux sans nul doute magiques, tisanes curieuses aux recettes étonnantes, spiritisme obscur entre lumière et obscurité, silhouettes humaines en réduction dansant dans les flammes d’un feu de cheminée … tout folâtre dans un Fantastique léger proche de celui du XIXème siècle campagnard.  

Dominée par une grossesse compliquée, Violette perd son rôle principal et subit les événements ; les nouveaux venus, autour d’elle, s’agitent et imposent leurs ambitions malveillantes ou protectrices, tissent une atmosphère tendue et mystérieuse.

Qui pour suivre la grossesse ? Le toubib et son intriguant valet nain, ou la guérisseuse Lucye ? Deux conceptions opposées de la médecine, côte à côte, face à face, en ennemis éternels, KOs à points comptés. Le bébé nait … Qui, des deux, ou ensemble, à son propre profit, pour espérer en Violette enceinte un vecteur maléfique ? Il y a un parfum d’« Un bébé pour Rosemary » d’Ira Levin dans les prémisses et la conclusion du drame en cours.

… La suite appartient au récit… et révèle bien des surprises.

lundi 13 janvier 2025

Pierre Joubert - Retrospective 1960-2000

Lecture en cours et chronique à venir

Retour en Nostalgia-land..!

 

 
  
 A gauche, "Un parfum d'Ylang-Ylang" (BM) et, à droite: "Mystère au Kremlin" (KC)

vendredi 3 janvier 2025

Maigret se défend – Maigret – Georges Simenon

1964. Réédition 2009 en LdP n°14319

 

Convoqué par le Préfet de Police, Maigret apprend qu’une plainte pour tentative de viol vient d’être portée à son encontre par une jeune fille issue d’une famille très influente. La veille, celle qu’il a cru à tort, sous une identité différente, pauvre provinciale perdue dans la capitale et qu’il a guidé vers un hôtel respectable, est en réalité une étudiante à la Sorbonne peu assidue, habituée des snobs caves à jazz privées qui fleurissent dans la capitale, fille à papa dans toute sa splendeur, adepte de soirées huppées, de tapages nocturnes et de grosses cylindrées.

Maigret se sait innocent et entend le prouver, surtout si, d’emblée, sa hiérarchie lui interdit d’enquêter sur son affaire. On cherche manifestement à le mettre sur la touche, ses supérieurs lui tournent le dos et se rangent à la cabale venue d’encore plus haut. Une machination ? Oui, mais qui en est le commanditaire ? Qui pour le calomnier ? Et pourquoi ?

Est-ce le jeune préfet lui-même, jaloux de l’exposition médiatique dont profite Maigret et ses méthodes d’antan, alors que les siennes, modernes, qu’il juge futur naturel de la profession restent sans échos de prestige, sans publicité pour sa carrière ?

Est-ce Palmeri, un ex maffieux à la retraite ? Le truand joue sans doute encore les prolongations dans le Milieu via une série de vols de bijoux récurrents que Maigret ne parvient pas à décrypter. Cela fait 20 ans que cela dure. Palmeri, un caïd sur la touche, un homme diminué, en fauteuil roulant suite à un règlement de comptes il y a quelques années ? Un être fini ?

Est-ce sa compagne, Aline ? Une ex tapineuse au parler parfois fleuri, virant peu à peu à la femme respectable, voire même d’un certain prestige. Eux deux, un couple mystérieux et atypique, tendre et attachant ; tout l’un pour l’autre ; lui qu’elle appelle « papa » et qui l’a sauvé du trottoir ; elle qui n’était rien et devient tout entre amie, maman, amante et auxiliaire de vie.

Une étrange amitié semble lier Palmeri (un tantinet indicateur) et Maigret. On sent entre eux que tout oppose, à demi-mots, sur le fil de non-dits librement consentis, une admiration réciproque et un respect de classes entre un truand à l’ancienne mode et son antithèse policière. Deux hommes face à face, deux mondes opposés qui se rejoignent quand même à la croisée des parallèles.

Un dentiste taiseux, austère, disgracieux, peu amène ; sa laide assistante sans doute un tantinet amoureuse de lui.

Interdit d’enquêter sur son propre cas, Maigret se défendra, bec et ongles, jusqu’à se voir contraint à l’arrêt maladie, malgré les filatures et les écoutes téléphoniques dont lui et son équipe seront les objets; il frôlera la mise en retraite anticipée (affront suprême) et lèvera un lièvre inattendu, une parfaite ordure tout autant qu’un pauvre type balloté par un fragment subi de son passé. Le commissaire se sortira du piège l’amertume aux lèvres, désabusé, désormais conscient du fossé abyssal qui le sépare de sa hiérarchie opportuniste, prudente et craintive qui ne l’a pas soutenu.

« Maigret se défend », paru en 1964, est un épisode atypique de la série. Maigret y subit désormais, en tant que présumé coupable, ce qu’il nomme « l’autre côté du bureau ». Il se met dans la peau de tous les criminels qui sont passés aux aveux face à lui. Il devient à son tour « L’homme nu » confronté à son propre destin, à son innocence qu’il doit prouver C’est, en outre, le tome initial d’un diptyque qui, en background, met en scène une série de hold-ups dans des bijouteries parisiennes et de la Côte d’Azur. Certains personnages reviendront au générique, il y avait en eux de quoi alimenter une suite qui n’en est pas vraiment une … et peut se suffire en one-shot.

Mme Maigret est de la partie, confiante et protectrice, toujours de bons conseils logiques sur le fil de bons petits plats amoureusement concoctés. Son mari n’est pour rien dans tout cela, ce n’est pas son genre. Janvier et Lucas travaillent en sous-mains à l’établissement de la vérité, éternellement fidèles à leur boss de toujours. Pardo, l’ami docteur généraliste apporte ses connaissances médicales et ses conseils d’hygiène de vie que le Commissaire ne respecte pas, petits blancs sur le zinc et petits plats chez l’Auvergnat).

Un épilogue qui fait froid dans le dos, surprenant, simple, logique et implacable. Rien que pour çà, déjà.. ! A noter que la résolution de l’énigme tient plus à l’intuition de Maigret qu’à la multiplication d’indices à détricoter. J’aime le trouver ainsi quand il se met à l’unisson des gens qu’il côtoie.





jeudi 19 décembre 2024

« Les vieux fourneaux » – Lupano & Cauuet (BD) + « Les vieux de la vieille » - Gilles Grangier (Film)

 Réédition 2017 chez Dargaud Ed. (VO de 2014)


 

Ce qui suit est la double-chronique couplant mes ressentis d’une BD, somme toute récente, et d’un long métrage d’un autre temps qui avait enchanté mes jeunes années. Le second est une adaptation d'un roman de René Fallet (non lu).

Lisant la BD, j’ai tout de suite pensé (peut-être même dès la une de couverture) au pitch cousin de « Les vieux de la vieille », un long métrage de Gilles Grangier en 1960. En noir et blanc ciné, Jean Gabin, Pierre Fresnay et Noël Noël y tiennent, au cœur de la France profonde d’après-guerre, les rôles inoubliables de trois paysans septuagénaires, célibataires ou veufs, sur le chemin de la maison de retraite qu’ils appellent désormais (et bêtement) de tous leurs vœux. Copains comme cochons depuis la petite enfance, casse-pieds rigolards et éternellement pinailleurs, imbuvables systématiques, grossiers récurrents, ressasseurs jusqu’à plus soif de vieilles histoires de tranchées, rinceurs de dalle à l’alcool invariablement gai, diablotins mesquins et colériques, renâclant à offrir le merci à qui ils côtoient, chapardeurs pour le seul plaisir de courses-poursuite dans les vergers et les champs, gueulards incorrigibles et sentencieux, fêtards à la chopine de vin rouge greffée sur le gosier, cherche-midi sans répits ni remords, moqueurs et médisants, railleurs et espiègles. Bref, trois concentrés de vie, boostés l’un l’autre dans l’envie d’encore déconner avant que la vie ne finisse. Le trajet vers l’Hospice sera long, pavé d’engueulades, de bagarres, de bitures, de farces pendables et immatures, de souvenirs gaillards évoqués dans la nostalgie rieuse ou les remords masqués, de grivoiseries tendres … Trois ancêtres, pire que des gamins à tirer les sonnettes et à shooter dans le cul des vaches, insupportables petits vieux râleurs, presque méchants. Trois chenapans pour le prix d’un… le village les souhaite désormais chez les Sœurs, à l’eau claire et privés de tabac, bientôt de retour au village la queue entre les jambes.

Dans « Les vieux fourneaux », trois autres petits vieux de même tonneau que ceux ci-dessus évoqués, sont caricaturés à l’extrême et vont enchanter les lecteurs (Qu’est-ce que j’ai pu rire .. !). Ils montent à l’avant-scène du premier tome (2014) d’une série de huit (en 2024) et de 2 long-métrages (2018 et 2022, non visionnés). « Ceux qui restent » titre l’épisode ; et il s’agit bien de cela : ce sont les ultimes rescapés de leur génération face aux instincts hégémoniques de la Grande Faucheuse. En 2D, ils resteront saufs pour la postérité, au titre de ces héros de papier qui ne meurent jamais vraiment. Désormais éternellement incorrigibles, bouillonnant de vie et infatigables, grands gueulards insatiables, révolutionnaires d’un temps presque enfui, passéistes épuisants à ressasser leurs menus exploits de jadis, donneurs de leçons à baffer, chahuteurs impénitents et bois-sans-soif incorrigibles… etc. N’en jetez plus.

 Bienvenue en pays de Troisième Age. Jeunots, c’est peut-être ce qui vous attend, plus tard, si vous prenez la vie du bon côté. Vieillards, laissez filer certains règlements de comptes justifiés : «Vous êtes inconséquents, rétrogrades, bigots. Vous avez sacrifié la planète, affamé le tiers-monde … épuisé les ressources … vous êtes la pire génération de l’histoire de l’humanité ».

Pierrot, un anar tout-terrain toujours en activité. Un vieux à foutre le boxon partout. Un homme tel qu’il fut jadis, indépendant et entendant le rester jusqu’au bout de ses jours, combattif et vindicatif, éternel dénonciateur universel, prosélyte insatiable.

Antoine, un ancien syndicaliste, désormais à minima sur la brèche mais qui n’en pense pas moins, grognon et passéiste, vaincu et terrassé sur le tard (sa femme a jadis couché avec leur ex-patron, il vient de le découvrir, ce jour, à son enterrement). Il cherchera, le temps d’un road-movie endiablé à avoir son boss en bout de fusil et à assouvir un crime passionnel. Une surprise l’attendra à l’arrivée.

Mimile, calme et flegmatique, en Ehpad par facilité, aujourd’hui de sortie car d’enterrement de Lucette, la femme d’Antoine son pote (« Quel p***** de caractère, que cette femme-là.. !). Il est embarqué, un peu malgré lui, le temps du road-movie qui s’amorce jusqu’en Toscane, lieu de résidence du PDG adultère. C’est un ancien rugbyman tatoué sur tout le corps, un aventurier assagi et pantouflard, un globe-trotter en chambre d’Ehpad, entre dentier et TNT télévisuelle.

Sophie, la petite-fille d’Antoine, enceinte jusqu’aux oreilles, un caractère bien trempé, le portrait de sa grand-mère.. !

« Les vieux fourneaux » : Le portrait, sans complaisance mais assaisonné de beaucoup de tendresse, d’une vieillesse repoussée par l’allant social offert à une vie sans dépendance. Un prix à payer néanmoins, celui du regard jeté par sa descendance sur certains de ses agissements antérieurs.

Graphiquement très soignée et détaillée, la BD s’offre un scénario aux petits oignons, crédible malgré son effervescence juvénile improbable, des dialogues surprenants, taillés au cordeau, souvent jubilatoires et gentiment provocateurs, des grincements de dents vite oubliés dans l’emballement général. Le tout offre du bon temps à qui le lit, un rire jaune libéré d’un sujet d’importance qui tutoie la déchéance de la fin de vie.

 Vrai, j’ai kiffé et attend de dénicher la suite avec une impatience non dissimulée.

mardi 17 décembre 2024

Red Hot Chili Peppers – B.Figuerola + C. Cordoba + F. Vivaldi + S. Degasne (BD)

 

« Petit à petit » ed. (2024)

 

En 1991, quand est sorti le cinquième album des Red Hot Chili Peppers, « Blood, Sugar, Sex & Magik », je constatais être passé à côté des quatre précédents opus et, plus globalement, au large d’un combo californien au renom justifié que je n’avais jusqu’alors que peu perçu.

J’étais, à l’époque (et le suis toujours), blues-rock addict quasi exclusif ; n’en décrochais que fort peu ; n’acceptais que de temps à autres des échappées hard, prog, krautrock et jazz ; ignorais presque tout du funk tout court, dont celui punk-metal-rap des RHCP qui, parait t’il, bousculait alors les codes et revitalisait le rock. Je laissais filer le tapage radio qui boostait le groupe, basta j’en avais vu d’autres. Il me fallut un emprunt de l’album en médiathèque, quelques années plus tard, pour venir à son écoute globale attentive.

Et là, ce fut la claque, « The Big Baffe In The Noze ». S’y trouvait tout de ce que mon rock ronronnant ne me proposait presque plus : de l’énergie rock à foison et en urgente nécessité ; une grosse basse prégnante, dansante, ronde et ronflante, comme au bon vieux temps d’un hard-rock la mettant soigneusement en avant, ouvrant au lead son rôle rythmique natif ; une guitare psyché qui fuzzait fuzzait ; une batterie qui cognait cognait (souvent) à contre-temps et cette voix qui rappait rappait et démontait tout de ce que je croyais savoir du genre.

Tout cela : une bouffée d’air frais, une surprise bienvenue, des envies de headbanger. Le CD tournait à donf sur la platine, je finirai par l’acheter, viendrai dans la foulée vers l’album suivant « One hot minute » (1995) avant de voir mon enthousiasme peu à peu s’éteindre, mouché par des opus désormais plus clames, trop mélodiques à mon goût et moins ébouriffés et barrés. Je revins alors vers mes vieux démons blues-rock.

N’empêche, RHCP n’aura chopé un temps, guère lâché dans l’enchantement qu’il suscitait en moi. J’y ai trouvé un renouveau rock échappé d’habitudes d’écoute trop ghettoïsées.

Maintenant, de tout ce que j’ignore naturellement du groupe, une BD inattendue vient me proposer la mise à jour. « Petit à petit », l’éditeur, et « Docu-BD », sa collection dédiée au rock dissèquent l'histoire de RHCP via des graphismes modernes et colorés, ingénieusement inspirés des comics US. La dite collection n’en est pas à son coup d’essai : AC/DC, Led Zep, Queen, le Floyd et quelques autres sont déjà passés à la moulinette des vignettes et des phylactères, des bulles et des onomatopées.  

Il en ressort un combo mâché par d’incessants changements heurtés de line-ups, miné par les désastres physiologiques dus à de lourdes consommations de drogues dures, ses menaces de splits réglés dans l’amitié réciproque que se porte l’un l’autre les membres initiaux du groupe, son allant constant vers une modernité musicale conservant des schémas musicaux classiques. Les auteurs laissent remonter une singularité rock échappée des cendres synthétiques eighties, loin des synthés, proche des fondamentaux basse, batterie, guitare ; une plongée corps et âme dans l’hédonisme inné de Los Angeles, accrochée mordicus au versant funk de la musique, ouverte à d’autres horizons musicaux. Le propos et la manière chope ces artistes dans l’instant, heureux ou aux abois, boosté par leur passion, minés par leurs démons mais toujours vivants ((still alive and well ... pour quelques-uns)

40 ans de carrière, sur le fil du succès planétaire, une réputation de groupe furieux et appliqué, tourné vers le live, un don de soi sur scène, un penchant vers l’impro, des shows inspirés et sur-vitaminés.

Ces quelques jours tournés vers la BD et la présente chronique me furent une plongée en retour vers un combo qui m’avait quelque peu échappé par déficit d’ouverture à d’autres horizons musicaux que le blues. Je vais me rattraper, il n’est jamais trop tard pour bien faire, j’ai commandé « Californication » et « Mother’s Milk », pour commencer…

Long live rock n’ roll.

Merci Babelio, Masse Critique, les auteurs (Figuerola, Cordoba, Vivaldi & Degasne), l’éditeur « Petit à petit ».


dimanche 8 décembre 2024

Tendre Violette (Tomes 01&02) – Servais + Dewamme (BD)

 

Rééditions 2000

« Tendre Violette » est un copieux roman graphique franco-belge signé Jean-Claude Servais (dessins) et Gérard Dewamme (scénario) paru en 1982.

L’action se situe début XXème siècle dans la Meuse. Certains détails laissent penser que l’on n’est pas loin du premier conflit mondial. Un été campagnard ; la vie rurale en ces temps-là ; des touches de modernisme (une auto pétaradant de par les chemins, son conducteur, à l’air libre, emmitouflé de vêtements chauds, casquette et épaisses lunettes de conduite). Violette, dont on va suivre la destinée le long de 10 chapitres, une jeune, belle et libre sauvageonne, attend que se gorgent de sang les sangsues (pour le pharmacien) sur ses jambes nues, debout et robe retroussée, dans la vase d’une mare…

Servais donne le ton d’emblée, il sait dessiner la nature ; il en comprend les mécanismes et sait restituer la beauté de cette campagne du nord qu’il apprécie, verte, riante et ensoleillée ; ces bois et ces champs aux détours des chemins, ces croix de pierre à leurs croisées, les mares et les étangs; la brume du petit jour et le pourpre des crépuscules ; hêtres et pommiers en futaies et vergers, vaches dans les prés clôturés ; fermes et villages aux creux de vallons ensommeillés ; ruelles grossièrement pavées ; messes et fêtes dansantes dominicales. Une vie d’antan, de cartes postales jaunies ; des maisons serrées les unes contre les autres ; des gens pour y vivre, hommes de gros velours vêtus, femmes en longues robes noires et fichus. Et parmi eux, il y a Violette, la sauvageonne, qui, au fond des bois et dans sa masure seule, même une vie qui ne plait guère aux bigotes, aux notables hautains et méprisants qui la guignent et qui croient que tout leur est dû, aux gras paysans, à l’épicier-herboriste concurrent et aux sœurs qui dans leur couvent l’ont enfermée et cherchent à la mâter.

Violette est jeune, belle et désirable mais ne s’en laisse pas compter. Elle se montre libre, autonome, heureuse … mais pauvre. Qu’importe, la vie n’est qu’une fête même si souvent … tout n’est pas rose. Elle couche avec qui lui plait ; à son goût le beau et riche baron chatelain qu’elle refuse d’épouser (malgré le polichinelle dans le tiroir qu’il lui a collé), le jeune tailleur de pierre issu du compagnonnage qui s’en ira sur son tour de France. Elle se donne à une clandestinité tarifiée auprès de notables taiseux et hautains sur fond d’épouses jalouses et vengeresses.

Violette, un parler cru mais libre, un goût prononcé pour le vin au goulot, une vie dans les bois, lièvres au collet, une connaissance ancestrale de la flore, une certaine complicité avec la faune (un chat sauvage qu’elle seule approche), tisanes, baies sauvages et truites de braconnage vendues lors du marché hebdomadaire.

Un assassin dans les bois, un juge égorgé, une patte de loup pour brouiller les pistes, un couteau de surineur.

Des prétendants peu délicats et sûrs de leur faits que Violette rabroue. Une « guerre des boutons » entre villages voisins, des gendarmes qui enquêtent …

Et quand le Fantastique s’en mêle : le sabbat attend le point du jour pour que Satan et les villageois lâchent enfin leur proie et que Violette, enfin, s’ensauve : feux sous les arbres dans l’obscurité, pentagramme, chat noir et bouc sacrifié, druide, suppôts de Satan de pacotille … La suite appartient au récit.

(A SUIVRE) fut, de 1978 à 1997, un magazine BD mensuel, adulte d’intention, qui se spécialisa dans le 9ème Art dit d’«auteur» en ouvrant (entre autres) ses pages au roman graphique. Le cadre jusqu’alors restreint des 48 pages standards limitait les libertés de narration et de dessin. Le format retenu ouvre alors l’espace et attire créateurs et lecteurs. Jean-Claude Servais fut un de ces artistes maison (Gallimard) au service du projet (Tardi, Comes, Manara, Pratt… etc) ; tous y prépublièrent de bien beaux récits aux succès garantis et à la postérité offerts. « Tendre Violette » voit le jour dans la revue sous forme de feuilleton (10 chapitres) de 1979 à 1981 ; la parution en album suit en 1982, les rééditions ultérieures verront le volume initial scindé en deux parties qui seront colorisées.

C’est une belle réussite (des suites verront le jour) qui met en avant un scénario bien mené, touchant et tendre, un certain romantisme amer sur le fil de relations amoureuses décevantes, des situations qui flirtent avec le roman de terroir, le policier et le Fantastique, des personnages secondaires bien plantés, une héroïne attachante et vraie avec laquelle le lecteur entre en empathie …

Sur le fil de chapitres en one-shots, la récurrence de personnages tour à tour principaux puis satellitaires, l’ensemble prend la tournure d’un fix-up autour du destin de Violette. L’assemblage des évènements est crédible même si, parfois, de petites incohérences et non-dits non résolus émergent.

Servais et Devamme nous convient à un catalogue de vieilles cartes postales, celles d’un temps jadis maintenant effacé, paysages verdoyants, bourgs sous la neige, l’orage ou la pluie, petits métiers, notables endimanchés… Autant de dessins fidèles à ce que fut la réalité d’antan, de clichés quasi photographiques surgis du passé. N&B à prépublication et première édition, colorisation à réédition alors que l’on aurait pu s’attendre à des virages sépia à la manière photo de l’époque. C’est beau et le regard enthousiaste se perd, fouille les détails, cherche les ficelles du dessin, croit comprendre alors qu’il ne va que de surprises en surprises graphiques.

           Violette est belle et désirable. Servais la respecte. Rien en elle, ou si peu, de ces filles de papier promptes à montrer plus qu’il n’en faut. L’intrigue est au service de son féminisme, de l’histoire qui lentement ou brusquement avance ; on est loin de l’héroïne comme banal prétexte affriolant. D’autres épisodes attendent. J’aurai plaisir à revenir vers la douce et libre Violette, d’autant que des points d’ombre jusqu’alors à peine effleurés voilent encore son passé. Servais et Dewanne n’ont pas tout dit. (A SUIVRE).

 


mardi 3 décembre 2024

(Sans titre)


 

_Dis, Tonton, tu lis quoi là ?

_ Un recueil de nouvelles SF de l’Age d’Or US.

_ Ray Bradbury, Van Vogt, Simak, Sturgeon…

_Tu vas pas me dire que tu connais çà du haut de tes 7 ans ?

_Au CP on en cause. Des vieux de la vieille, j’m’ doute.. Grave fanés les mecs et leurs romans. Cà doit sentir les chrysanthèmes à donf entre les pages.

_Ben voyons. !

_ La préhistoire du genre que je te dis. Des dinosaures en DLU. Mitées les pages, à jeter, on y sent la naphtaline entre les mots.

_Tu déconnes. « Les chroniques … Cristal et  Demain les chiens» c’est immortel, sans artifice de droguerie ni fleuriste à nostalgie annuelle.

_Un truc d’Ehpad, oui. A lire en déambulateur et vitamine D per os.

_Ben voyons. Et dis-moi, ta génération montante elle propose quoi rayon SF ?

_Elle remplace pas, elle évacue, elle poubellise…..  Elle disperse, elle ventile … et renait par l'I.A.

_L’I.A. ?

_Oui, elle fait tout, tout mieux. Nouveaux ses thèmes SF. Éblouissante sa façon d’écrire. Les Hugos à venir seront …

_... de La SF pondue au tetra-octet linéaire ; l’affect humain n’interviendra plus. De la littérature sans âme, mécanique qui grippe et ferraille.

_Tiens-toi à la page, 3ème âge que tu es, le 4ème, te viendra et il sera trop tard. L'I.A au service du roman c’est comme le livre-papier maintenant omniprésent. Déforestor fallait le blacklister. L’empêcher de scier du bois sur pied dans la jungle amazonienne. De plus, que des bénefs dans la liseuse : finis le jauni et les moisissures, l’odeur de poussière et celle d’imprimerie, l’index mouillé qui tourne les pages, l’encombrement à donf d’un roman et à fortiori de toute une bibliothèque. Toute la SF dans une carte SD, des ebooks poids-plumes comme des confetti ou des flocons de neige.

_Vive le Roman Libre..! 

_T'entends Tonton, çà sonne à la porte. C'est Fahrenheit 451 à tous les coups..!

 

 

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