Melmat Cat Ed. (2024)
Le Golem de Prague, aka « l’Informe » ou « l’Inachevé », est, parmi les plus anciens du genre, une figure humanoïde, populaire et imaginaire, issue du folklore et de la mystique juive du XVIème siècle. C’est un être artificiel, un géant de glaise, né de l’argile malaxée entre les mains habiles de son créateur, un rabbin.
Il s’inscrit, plus tard, au 19ème siècle, au rang des créatures fantastiques de la littérature romanesque de même nom. Gustav Meyrink en emprunte la thématique et en fait un roman éponyme qui eut son heure de gloire.
Le Golem, personnage fictif, est privé de parole et de libre arbitre. Il n’obéit qu’à son maitre. Son but : l’assister et le protéger des pogroms, lui et la communauté à laquelle il appartient. Il n’en échappera pas moins à son créateur et sèmera la terreur dans Prague endormie.
On note, ici, un cousinage de naissance et de destin avec le monstre de « Frankenstein » de Mary Shelley. Le roman anglais devient « enfant du Golem », s’inscrit dans la postérité de la créature originale.
Sur le front d’argile du Golem est gravé « émeth » (« La Vérité » qui donne la vie). La première lettre effacée, le mot devient « meth » et signifie alors « La Mort » … la créature est alors renvoyée au néant. On entrevoit ici son Tendon d’Achille, son point de faiblesse, son seuil de destruction, le levier par lequel le désactiver.
Il y a, ici, voisinage de palier avec certains super-héros des Comics US du XXème siècle. « La chose » par exemple (pour le peu que j’en sais et comprend), qui vécut une existence de pierre au rythme, face à ses ennemis, de ses forces mais surtout de ses faiblesses.
Ainsi donc, à la convergence de certains genres (Fantastique littéraire avec Meyrink, Science-fiction écrite avec Frankenstein, BD pulp avec certains super-héros, adaptations ciné muettes ou parlantes … etc ) se trouvent autant de « Mauvais genres » (le plus souvent) au service des Enfants du Golem. La créature y acquiert un caractère universel.
L’ouvrage d’Anik Cohen et d’Aymar Batetana Casanova sauvegarde le fond historique et s’aventure dans une forme résolument moderne. Après une incursion médiatique sur une Web-TV expérimentale où « Golem Experience » s’essaie au format vidéo, les deux auteurs revisitent, en 2024, le thème de la créature de glaise en usant de la forme étonnante du street-art et du roman-photo. Le dernier format, cousin de la BD et du cinéma, narratif à minima, est populaire. Le N&B est utilisé dans la tradition éditoriale du genre. Les personnages, en habits modernes, sont façonnés sous logiciels infographiques. Un Golem expérimental émerge, né du mariage de la tradition de son fond et de la modernité de sa forme. Il surprend. Il faut, pour comprendre le propos, en dénicher la logique interne qui nait au rythme de la lecture. A chacun de juger de sa pertinence. J’y ai trouvé ce que je n’attendais pas. C’est une belle surprise.
Merci Babelio, Masse Critique, les auteurs, l'éditeur.