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mardi 20 mai 2025

Golem Expérience – Anik Cohen et Aymar Batetana Casanova (roman graphique)

 

Melmat Cat Ed. (2024)

Le Golem de Prague, aka « l’Informe » ou « l’Inachevé », est, parmi les plus anciens du genre, une figure humanoïde, populaire et imaginaire, issue du folklore et de la mystique juive du XVIème siècle. C’est un être artificiel, un géant de glaise, né de l’argile malaxée entre les mains habiles de son créateur, un rabbin.

Il s’inscrit, plus tard, au 19ème siècle, au rang des créatures fantastiques de la littérature romanesque de même nom. Gustav Meyrink en emprunte la thématique et en fait un roman éponyme qui eut son heure de gloire.

Le Golem, personnage fictif, est privé de parole et de libre arbitre. Il n’obéit qu’à son maitre. Son but : l’assister et le protéger des pogroms, lui et la communauté à laquelle il appartient. Il n’en échappera pas moins à son créateur et sèmera la terreur dans Prague endormie.

On note, ici, un cousinage de naissance et de destin avec le monstre de « Frankenstein » de Mary Shelley. Le roman anglais devient « enfant du Golem », s’inscrit dans la postérité de la créature originale.

Sur le front d’argile du Golem est gravé « émeth » (« La Vérité » qui donne la vie). La première lettre effacée, le mot devient « meth » et signifie alors « La Mort » … la créature est alors renvoyée au néant. On entrevoit ici son Tendon d’Achille, son point de faiblesse, son seuil de destruction, le levier par lequel le désactiver.

Il y a, ici, voisinage de palier avec certains super-héros des Comics US du XXème siècle. « La chose » par exemple (pour le peu que j’en sais et comprend), qui vécut une existence de pierre au rythme, face à ses ennemis, de ses forces mais surtout de ses faiblesses.

Ainsi donc, à la convergence de certains genres (Fantastique littéraire avec Meyrink, Science-fiction écrite avec Frankenstein, BD pulp avec certains super-héros, adaptations ciné muettes ou parlantes … etc ) se trouvent autant de « Mauvais genres » (le plus souvent) au service des Enfants du Golem. La créature y acquiert un caractère universel.

L’ouvrage d’Anik Cohen et d’Aymar Batetana Casanova sauvegarde le fond historique et s’aventure dans une forme résolument moderne. Après une incursion médiatique sur une Web-TV expérimentale où « Golem Experience » s’essaie au format vidéo, les deux auteurs revisitent, en 2024, le thème de la créature de glaise en usant de la forme étonnante du street-art et du roman-photo. Le dernier format, cousin de la BD et du cinéma, narratif à minima, est populaire. Le N&B est utilisé dans la tradition éditoriale du genre. Les personnages, en habits modernes, sont façonnés sous logiciels infographiques. Un Golem expérimental émerge, né du mariage de la tradition de son fond et de la modernité de sa forme. Il surprend. Il faut, pour comprendre le propos, en dénicher la logique interne qui nait au rythme de la lecture. A chacun de juger de sa pertinence. J’y ai trouvé ce que je n’attendais pas. C’est une belle surprise.

Merci Babelio, Masse Critique, les auteurs, l'éditeur. 

 



mercredi 30 avril 2025

GA-20 + Dirty Deep – Le FIL, Saint-Etienne, 24/04/2025

 

GA-20

Dirty Deep

Il y a peu, en bout d’un surf erratique sur le Web, je suis tombé sur un combo rock qui m’était, jusqu’alors, totalement inconnu ; mais sur lequel j’ai flashé illico. Son nom, GA-20, originaire de Boston. Quelques trailers vidéo associés laissèrent remonter un blues-rock à mon goût : étonnant et rare, atypique dans sa fureur électrifiée et saturée, tonitruant, gorgé de nitroglycérine, entrainant, énergique et gouailleur. En quelques mots : ces mecs avaient les deux doigts dans la prise ; condition sine qua non d’un rock digne de ce nom. Un album de leur discographie eut l’heur de me plaire dans ses intentions. Il lui aura suffi de quelques détails en une de pochette pour attirer définitivement mon attention et déjà me convaincre :

L’opus était signé d’un power-trio (plutôt bon signe car obligeant, sur scène, à d’excellents musicos, très techniques et inspirés … !) pour le moins atypique : deux guitares, une batterie et basta, pas de basse. L’hérésie intrigante, supposée mais infondée, d’une 4-cordes aux abonnés absents attire l’oreille et questionne : « Comment font-ils sans ? ». Le rock ne s’est que très rarement passé de l’instrument et ce avec des fortunes le plus souvent contraires. 

Le 33 tours montrait en outre, en 1 de couverture, la photo d’une main gauche, doigts écartés, un bottleneck autour du 5ème et, en bord droit, une belle hexadactylie, celle d’un auriculaire surnuméraire, resté embryonnaire. M’est tout de suite remonté en mémoire Hound Dog Taylor, son style à la guitare speedé par l’utilisation constante et frénétique d’un goulot de bouteille (ou d’un tube en inox). Je n’ignorais pas sa polydactylie : il avait sectionné d’un coup de couteau l’une des excroissances un soir de beuverie. Le musico black était connu pour ses line-ups privés de bassiste. Ce mec m’avait plu durant les 70’s. Ses albums étaient des coups fourrés qui embobinaient, hargneux et pugnaces. Je notais, de plus, son nom dans le titre (« GA-20 Does Hound Dog Taylor: Try It...You Might Like It! »). Le doute n’était plus permis. J’avais sous les yeux un album-hommage bourré de covers dédiées à un bluesman noir qui, malgré ses compétences techniques sommaires, lardait ses shows et ses albums de refrains entêtants et accrocheurs qui soulevaient son public sans coup férir.  

Live, GA-20 est t’il à la hauteur du défi inattendu de ressusciter un bluesman noir désormais un tantinet, et à tort, oublié. Comment résister à les voir et les entendre sur scène ? … d’autant que, l’occasion faisant le larron, GA-20 était programmé au FIL de Saint-Etienne ce jeudi 24/04/2025. J’y suis allé sur la foi d’un album … sans savoir que le groupe avait bien d’autres cordes à son arc.

Accompagnés ils furent, en première partie enthousiasmante (il y a du futur en eux) par les strasbourgeois de Dirty Deep. Quelques trailers alléchants (et autres bouts de live revigorants) les précédèrent, disséminés de ci-de-là sur le Net en amuse-gueules prometteurs. Dirty Deep : un autre power trio d’electric blues qui lui, n’a pas fait l’impasse sur le pouvoir rythmique d’une basse bien ronde ; un guitariste assis, harmonica parfois en bouche, ou perché sur le comptoir du bar. Des morceaux « goûteusement » blues, tendus sur haute tension ; quelques tonalités arabisantes ponctuelles bien amenées et plaisantes ; un rappel indien à cappella. Dirty Deep : beaucoup plus qu’une première partie, un show que l’on n’oublie pas et que l’on redemande.

GA-20, venu à l’avant-scène, se passe donc ostensiblement de bassiste … et fonctionne à merveille, comme si de rien n’était. Étonnant pari que celui proposé. Les règles du jeu sont claires d’emblée, paraissent vite naturelles et innées ; le public adhère, l’enchantement commence. Le combo crée un son qui lui est propre, un univers différencié mais fidèle aux racines d’une certaine forme de blues. Les trois musicos, habiles à l’ouvrage et inspirés, marquent leur territoire, il y a eux et les autres dans le marché de niche qu’est ce genre de blues. Chaque guitariste prend tour à tour sa part de rythmique quand l’autre s’embarque en solo. Le tout s’impose en un chassé-croisé incessant où l’auditeur joue, sans cesse, au « qui joue quoi ?». Étonnant et ludique manège. C’est ainsi que s’imposent les bonnes soirées : par l’inattendu et la nouveauté qu’elles offrent dans la tradition d’une musique éternelle respectée.

Au-delà des attendues reprises de Hound Dog Taylor arrivent ce que je n’attendais pas : quelques fausses bluettes comme issues des 50’s et 60’s, assaisonnées de riffs et de soli à l’avenant, teintées de styles oubliés qui ne demandent qu’à renaitre. Elles jouent à remonte-temps et offrent quelques instants nostalgiques. J’ai adoré.

Et puis, surtout, en cœur de show, nait un moment de grâce. Seul en scène, Cody, le premier guitariste, reprend un blues lent signé Sam Lightning Hopkins, presque à cappella, si ce n’est surligné, à minima, par de courts phrasés bluesy pertinents. Frissons. A mon sens l’apex serein d’un show dédié à la nitroglycérine.

Puis, le même, en solo, descendu de scène, maintenant au plus près de,son public, serrant les mains, lâchant des flèches bluesy au gré de ses ressentis.

 GA-20, au final, puise ses influences au cœur d’un blues électrique immortel qui n’a de cesse de partir et de revenir, sans cesse revisité par les générations de musicos qui s’y succèdent. GA-20, c’est aussi le rhythm n’ blues chahuteur des 50’s et 60’s, restitué avec force énergie et respect.

GA-20 doit son nom à l'amplificateur de guitare fabriqué par Gibson de 1950 à 1961. Tout un symbole.. ! Un élément de plus à la congruence de signes favorables qui, si vous aimez le blues ….

Merci à Jean-Paul Pichon & 4Pat pour les vidéos et photos. Je n’ai jamais été fichu de prendre des clichés de scène corrects.

 


 
 







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