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dimanche 17 mai 2020

Ces garçons qui venaient du Brésil - Ira Levin



J'ai Lu n°906 (1979)


En 1977 sort en France "Ces garçons qui venaient du Brésil" d'Ira Levin dans la foulée rêvée de "Un bébé pour Rosemary", "Un bonheur insoutenable" et "Les femmes de Stepford".  Trois romans qui, d'une manière ou d'une autre, ont creusé leurs sillons vers le succès, même si le dernier reste un tantinet à la traîne en restant méconnu. Mention spéciale pour le premier en tant que chef d'oeuvre dystopique aux côtés de "1984" et "Le meilleur des mondes". Ils essaiment, tous trois, en territoires science-fictif et fantastique. Avec "Ces garçons qui venaient du Brésil", Levin s'essaie au thriller qui décoiffe, le tout mâtiné SF (eugénisme, immortalité via clonage...).

1974.
Au Brésil, dans la jungle à la frontière avec le Paraguay: une grande habitation de type européen, très isolée, très protégée, loin de tout si ce n'est par avion. Josef Mengele s'y terre loin des griffes de la justice internationale. "L'Ange de la mort", qui expérimentait trente ans plus tôt sur les jumeaux d'Auschwitz, est sur le point de lancer une opération spéciale, programmée dans les moindres détails depuis des années. Elle se doit d'être, au vu des circonstances, discrète mais efficace. De sa réussite dépendra la naissance d'un nouveau Reich. Rien que çà..!

"Six SS partent demain en mission..."

Quatre-vingt quatorze hommes de part le monde, de soixante cinq ans, tous apparemment inoffensifs, des petits fonctionnaires lambda, mariés à des femmes beaucoup plus jeunes qu'eux doivent mourir à des dates très précises. Il s'agit de donner l'impression d'accidents fortuits, aucun lien ne doit être détecté entre eux.

Vienne. Yakov Liebermann (version romancée du très réel Simon Wiesenthal ): "Le chasseur de Nazis" qui traque les criminels ayant échapper aux procès de Nuremberg. Il est, par la bande, au courant de certains éléments du projet SS mais en ignore la finalité. Que commence la traque ... quand personne ne semble croire à l'impossible.

Deux destins vont s'entrechoquer à la convergence des parallèles. D'un bureau viennois étriqué, poussiéreux et surchargé de dossiers pour l'un; d'un restaurant asiatique à Sao Paulo où d'anciens nazis se remémorent leur passé SS pour l'autre; jusqu'à un chenil où les crocs de dobermans scelleront le destin de l'un d'eux.

La suite appartient au récit...

La situation, ainsi présentée en 4 de couv, est pour le moins originale. Son côté barje et complètement barré racole et rameute le client. Il lui semble y avoir du lourd. Le potentiel lecteur, incrédule comme devant un titre de presse people, se laisse prendre au syndrome du "Plus c'est gros plus çà passe". Ce pitch incroyable soulève à merveille son désir d'en savoir plus. L'appât, soigneusement mitonné, est efficace et redoutable. L'achat se fait, les premières pages d'un long premier chapitre tournent et tiennent toutes leurs promesses. Cible ferrée, fébrile dans l'attente de la suite, reste à garder le lecteur hameçonné tout du long du roman.
Et c'est là que tout se complique: l'enquête frénétique menée par Lieberman, d'Allemagne aux USA, apparaît rapidement improbable dans les raisons qu'elle a d'être menée. N'y croit bientôt plus que celui qui veut y croire. Racoler brillamment sur le devant de scène une figure mythique du nazisme et un clone de chasseur de nazis célèbre ne suffit bientôt plus, l'effet s'émousse et laisse apparaître des effets trop théâtraux au titre de fantasmes d'après-guerre depuis trop souvent utilisés (le banquet nazi toutes svastikas déployées avec Miss SS 1974 de sortie par exemple).

"Ces garçons qui venaient du Brésil", en 2020, m'est relecture d'un roman qui m'avait jadis enthousiasmé dans la foulée du film éponyme de F.D. Schaffner en 1978, un OVNI ciné pétaradant, décapant et au casting de rêve. J'en avais tourné fiévreusement les pages à son époque de parution chez "J'ai Lu" en 1979. Je ne lui reproche pas aujourd'hui les ingrédients qui m'avaient tant plu quarante ans plus tôt, en un mot le fond, mais la forme mis en œuvre; les moyens d'écriture en sont datés. Autres temps autres modes, le thriller depuis cette époque s'est amélioré, s'est inventé des scénarios tout aussi fous mais sous des plumes encore plus inventives et efficaces, pour lesquelles l'entretien du suspense relève plus de la méthode d'écriture que d'autre chose. Tout est dans la forme, le roman de Levin manque cruellement des moyens narratifs actuels.

N'empêche subsiste un bon et agréable moment de lecture sous le sceau de l'incrédulité, du dépaysement historique fantasmé, d'une action menée a bride abattue. Je ne pense pas que Levin y ait mis d'autre prétention.

Pourtant ... versant science-fictif, le roman à l’œuvre de son thème principal, le clonage, se veut très prudent et offre un point de vue déontologique très restrictif, voire définitif. Se sera le sujet de la première mise en abime ... alors que la seconde, comme l'autre lame d'un rasoir jetable, installera une trouble atmosphère via sa fin diaboliquement ouverte ...  que l'on peut voir venir de loin.

14 commentaires:

  1. En commençant à lire ta chro, j'allais te demander pourquoi ce roman n'avait pas été réédité.. et puis en finissant j'ai eu ma réponse.. il a mal vieilli..
    ça me rappelle le policier de Asimov que j'ai lu il y a qqs mois.. pas mal mais vieillot dans le style :-D

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    1. Oui..! Une sacrée bonne idée de départ, du genre qui scotche aux pages tournées. Je ne spoile pas plus que ne le fait la 4 de couv, et c'est peu par rapport à ce que le récit montre par la suite. Et puis, çà coince dans la manière, le prévisible que l'on ne devrait pas voir venir... Ma première lecture (j'avais vu le film avant) de 1979 tip top et celle de 2020 en deçà de ce que j'espérais. Etonnant. Mais tout cela est subjectif et un autre avis apportera peut-être le contraire...?

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  2. Je ne sais pas si c'est une bonne idée de relire.. qd on a apprécié une lecture, autant la garder dans le souvenir...
    Dernièrement, javais aussi essayé de relire " Madrapour", de Robert Merle, que j'avais bq aimé, il m'avait fait réfléchir, c'était une lecture philosophique marquante. Mais en voulant relire; je me suis ennuyée et impatientée dès les premières pages.. car je connaissais le déroulement et le fond du truc :-D bref, j'ai laissé tomber!
    c'est pq je relis rarement..

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    1. Oui. C'est aussi le sentiment que je retire de l'expérience. Une bonne lecture n'est t'elle pas au final la bonne adéquation temporelle de rencontre entre un roman et un lecteur, à un moment précis, pour un besoin et une raison précise (qui ne dira même pas son nom) ....? Hors çà, la rencontre ne se fait pas, mal ou pas aussi bien; en cas de relecture si un paramètre manque ou est en faiblesse, l'instant magique n'est plus là pour faire étincelle.
      En 1979, "Ces garçons qui venaient du Brésil" m'a plu car étant dans la manière de son époque, en accord avec les codes alors en activité, ceux en état de me plaire; en 2020 il ne l'est plus et ma perception change.

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    2. Autre facteur: la nostalgie qui maquille souvent très mal les relectures.
      Ma prochaine lecture "Les disparus de Saint-Agil" (1935) de Pierre Very devrait être un double marqueur d'une relecture d'il y a là aussi une quarantaine d'années.
      1. Quelle empreinte de la nostalgie, qui plus est sur une intrigue qui met l'accent sur une période entre enfance et adolescence ?
      2. Quelle empreinte via une manière encore différente d'écrire un simili-thriller ?

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  3. Depuis la mort d'Arnaud, je te sens l'envie de lecture nostalgique, non?

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    1. Tout à fait. Un homme se retourne sur son passé de lecteur. Arnaud et sa Cie me furent marqueurs quantitatifs d'importance. La mort de l'auteur a tourné une page, je ne peux pas relire son énorme cycle. Je me tourne alors vers d'autres: Very fonctionne très bien en relecture, chronique copieuse à venir.

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  4. Encore une fois : pas lu le livre ; vu le film.

    Un peu terne, loin des réalisations les plus fameuses de Franklin J. Schaffner (Patton, La planète des singes, Papillon...), mais je trouvai quand même Laurence Olivier très bon en chasseur de nazis vieillisant.

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    1. J'avais vu le film en salle à sa sortie, il était porté par un bouche à oreille qui poussait à aller s'en faire une idée. L'éloge, que ceux qui l'avaient vu en faisaient, tournait autour d'un scénario étonnant et foutraque à cheval entre thriller sanglant, SF déjantée, Fantastique moderne et Histoire. Je n'ai jamais revu le film depuis. Il m'avait intéressé par son côté speed (pour l'époque) et par le fait qu'il maniait des clichés, qui n'en étaient pas encore, autour d'Une Histoire presque revisitée. A lire des critiques récentes il apparait désormais comme une série B (voie pire) bien dense et bien foutue, taillée pour le divertissement, le frisson (la scène des chiens) et l'étonnement. Je pense que les nouvelles critiques n'ont pas tord au regard d'un autre temps.
      J'ai beaucoup d'affection pour "Papillon" dont l'essentiel mérite est de n'avoir aucun temps mort à l'image du roman de Charrière qui fonce tête baissée dans les évènements. Je l'ai vu et revu avec un incessant plaisir renouvelé. En serait t'il à l'identique du roman ? J'ai bien envie de tenter l'expérience.

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    2. _ « L'éloge, que ceux qui l'avaient vu en faisaient, tournait autour d'un scénario étonnant et foutraque à cheval entre thriller sanglant, SF déjantée, Fantastique moderne et Histoire. »

      Ce mélange est intriguant ; c’est essentiellement ça qui m’a attiré.

      _ « Je n'ai jamais revu le film depuis. Il m'avait intéressé (...) par le fait qu'il maniait des clichés, qui n'en étaient pas encore, autour d'Une Histoire presque revisitée. »

      L’Histoire, d’éminents nazis l’auraient volontiers réécrite à petite échelle, loin de la mère patrie – et de la défaite qui se rapprochait – en Amérique du Sud...

      (ex. du beau-frère de Nietzsche : https://www.nouvelobs.com/la-boite-a-bouquins/20200221.OBS25146/des-nazis-dans-la-jungle-le-projet-delirant-de-la-s-ur-de-nietzsche.html )

      Les fantasmes d’autres SS n’était pas beaucoup plus délirant que le postulat du roman de Levin.

      _ « le frisson (la scène des chiens) »

      Souvent dans les films avec des nazis, l’image de la gente canine n’est guère positive : le chien n’est pas le meilleur ami de l’homme qui n’a pas sa carte du Parti !

      (Quant au l’idée selon laquelle le Führer aimait les chiens, elle est passée de mode : il semblerait qu’il ne leur portait attention... que devant les caméras)

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    3. @Jim, citation:"(Quant au l’idée selon laquelle le Führer aimait les chiens, elle est passée de mode : il semblerait qu’il ne leur portait attention... que devant les caméras)" >>>> Au rayon animal de compagnie, il semblerait que Saturne, le crocodile d'Hitler, soit mort récemment au zoo de Moscou. Plut au ciel que l'inverse ne se soit pas réalisé.
      @Jim, citation: "ex. du beau-frère de Nietzsche" >>> J'avais lu, il y a peu, un roman en FNE de Claude Rank, intitulé "Croix de fer, épées,diamants" dont le cadre sud américain restitué (post WW2) est très semblable à celui envisagé par la soeur et le beau-frère de Nietzsche (pré WW1). Les noms des localités, entre autres et par exemple, prennent une couleur teutonne.
      @Jim, citation: "Les fantasmes d’autres SS n’était pas beaucoup plus délirant que le postulat du roman de Levin." >>>> Tout à fait.

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    4. « Au rayon animal de compagnie, il semblerait que Saturne, le crocodile d'Hitler, soit mort récemment au zoo de Moscou » Oh ! Je ne la connaissais pas , cette bête-là.

      Ces dictateurs, ça ne leur suffisait pas d'em****er l'espèce humaine !

      PS : je rallonge des hippopotames d'Escobar ^^ :
      https://www.sciencesetavenir.fr/animaux/biodiversite/les-hippopotames-d-escobar-plus-a-leur-place-que-prevu_142890

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    5. Comme quoi des hippopotames poudrés...
      https://www.youtube.com/watch?v=2gGZpGoHJV0

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  5. Bien vu !

    Avec la danse des heures qui suit : https://www.youtube.com/watch?v=0Y2X3mdHhbM, on invite les crocos à la fête et l'on boucle la boucle. ^^

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