Accueil

Accueil
Retour à l'Accueil

mardi 5 mai 2020

La Défroque – G.J. Arnaud



Fleuve Noir Special Police n°1044 (1973)

Allez, un petit détour romanesque au fil de l’eau, celle abondante du Fleuve Noir et de sa collection Special-Police (1947-1989). « La défroque », paru en 1973 (n°1044), est un des 2075 ouvrages de la série (excusez du peu ... !).  G.J. Arnaud en est l’auteur (ne pas confondre avec son presque homonyme Georges Arnaud du cultissime « Salaire de la peur »).
L’écrivain qui nous occupe pour l’instant est, hélas, décédé il y a peu à l’âge de 91 ans. Cette chronique se veut hommage à l’écrivain et en satellite à la collection.
J’en suis venu à lire G.J. Arnaud grâce à sa Compagnie des Glaces qui m’avait bluffé par sa longévité inventive (98 tomes étalés sur 3 cycles). Je n’étais pas allé plus loin que sa production en FNAnticipation+FNCie des Glaces, ignorant tout ou presque de ce qu’il avait pu écrire dans d’autres « mauvais genres ».
G .J. Arnaud était littérateur populaire, de gare disait-on au regard de ce qui était rapidement consommable entre départ et arrivée sur les quais et dans les wagons de la SNCF. Arnaud était poule pondeuse en tant qu’auteur maison du Fleuve. Il ne s’est jamais satisfait d’un contrat qui le sécurisait et qui aurait pu le pousser à la facilité, il s’est toujours attaché à rendre honnête copie à chaque nouvelle parution. 400 romans environ à son actif (27 romans l’an dans sa plus prolifique année de production), pour la plupart d’espionnage ou policiers. Sacrée bibliographie quand même, ce à quoi s’ajoute celle sous pseudos (au pluriel et collectifs quelques fois).

« La défroque ». Hyères au début des 70’s, son marché à la criée dans la vieille ville. C’est le plein été caniculaire de la Côte d’Azur.
Luigi et sa sœur Grazia, sont émigrés italiens de fraiche date, peu intégrés dans la communauté locale varoise. Le couple vit chichement. L’homme loue à la criée sa force musculaire et son diable qu’il surcharge des fruits et légumes des autres. Ses clients sont les vendeurs des quatre saisons qui ont eu la malchance de garer trop loin leurs camionnettes.
Luigi fut l’auteur, à Digne, il y a quelques années, d’un crime resté impuni qu’il confia pour pénitence à un prêtre. Le curé, dans son confessionnal, n’entendit que sa voix, ne vit pas son visage. Le poids des aveux pèse sur les deux hommes, celui de l’imprudence de parole pour le premier, celui du secret à ne pas trahir pour l’autre.
Digne est loin, cela aurait été de l’histoire ancienne si ce n’est que … le prêtre apparait à la criée d’Hyères. L’homme frôle Luigi, s’excuse et lui sourit.
Corti et sa femme Fabienne vivent dans une communauté rurale hippie, ils cultivent des fruits et légumes dans le dur des cailloux, le manque d’eau, sous le soleil qui brûle tout et le regard indifférent ou amical, curieux, moqueur et inquiet du voisinage paysan. Corti s'est recyclé dans un autre vie car quelques temps auparavant.
 
la suite appartient au récit

G.J. Arnaud nous offre un chassé-croisé violent entre deux êtres que le secret de la confession unit et que les conceptions de vie opposent. Deux clans en duel à mort, entre respect de la tradition et de la religion pour l’un quitte aux meurtres, espoir en une vie meilleure pour l’autre quitte à la naïveté et aux désillusions pour l’autre.
Le roman, d’honnête moyenne, se laisse lire et apprécier. Tout coule de source, le style est facile et limpide. On lit et on oublie vite en se disant qu’on a passé un bon moment. Contrat rempli, ce qui était promis à l’ouverture a été donné : le train entre en gare et le mot « fin » sous les yeux invite à passer à autre chose. L’intrigue et le suspense sont bien menés comme attendu. Le tout souffre malheureusement d’une coloration typiquement française des polars de la fin des 60’s début des 70’s qui met trop facilement dos à dos, en stéréotypes et clichés peu argumentés, le mouvement hippie et le traditionalisme d’une société encore repliée sur son passé. Le trait n’est pas assez marqué, les différences s’estompent et l’intérêt s’efface sous les yeux d’un lecteur du XXIème siècle. Dommage…

Chose étonnante, « La défroque » montre dans son caractère one-shot les mêmes mises en œuvre d’auteur que dans l’immensité de la Compagnie des Glaces, G.J. Arnaud avance de la même manière dans ses tics d’écrivain sur le court et le très long terme. Je pense, que sur les deux terrains il avait chopé un rythme, une méthode d’écriture applicables dans les deux cas, celui qui était demandé à tous les auteurs-maison du FNA. Arnaud était dans le moule.

PS : S’il est une spécificité de la collection, qui lui vaut désormais d’être reconnue entre cent, c’est celle de son iconographie de premières de couverture si typiques. Longtemps les illustrations furent confiées à Michel Gourdon qui donna à la collection sa marque de fabrique, sa patte graphique, celle recherchée par les collectionneurs d’aujourd’hui. Son travail est titanesque : 3500 illustrations pour le Fleuve, jusqu’à parfois 20 couvertures par mois durant les 60’s. Le peintre ne lisait pas tout de ce qu’il illustrait (tu m’étonnes), se laissait très souvent guider par les auteurs qui lui décrivaient une scène d’importance de leur roman à paraitre et dont il s’inspirait. Il s’était fait spécificité de représenter la femme dans ce qu’attendait le lectorat Fleuve Noir de ces décennies-là, majoritairement masculin ; mais tout resta soft sous l’œil de la censure éditoriale qui ne lui refusa, parait-il, qu’une couverture. Drôle d’époque où les enjeux en termes de tirages ouvraient tous les possibles.

4 commentaires:

  1. Il faudrait que je découvre cet auteur, et notamment la Compagnie des Glaces. Il arrive à se réinventer pendant 98 tomes ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je n'ai lu que le premier cycle (62 tomes + 1 bizarrement référencé 61bis) ce qui est déjà pas mal. Une chro perso special Cie des Glaces est accessible ici.
      https://laconvergenceparalleles.blogspot.com/2020/04/deces-de-gj-arnaud.html

      Pour répondre succinctement à ta question: oui et non. Il faut se laisser porter par le premier tome et sentir si poursuivre au-delà est profitable, mais surtout ne pas se laisser trop imprégner par le renom de littérature de gare qu'avait l’œuvre globale d'Arnaud, ce qu'avait imaginé l'auteur vaut mieux que çà.

      Mais je ne suis pas objectif en l'affaire, cette Cie des Glaces a accompagné une partie de ma vie.

      J'ai souvent pousser à lire celles et ceux qui m'ont posé la question et les réactions ont été diverses et variées, celle la plus courante étant "62 tomes quand même, c'est pas de la nouvelle maxi short-short à la Jacques Sternberg ou à la Fredric Brown..!"

      Supprimer
  2. 27 romans / an . Ouch, ça fait un roman en 2 semaines.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. https://www.varmatin.com/litterature/gj-arnaud-ecrivain-francais-le-plus-prolifique-est-decede-dans-le-var-506368

      Supprimer

Articles les plus consultés