Novedi Ed. 1981
Jeremiah et Kurdy en éternels vagabonds à la
recherche de qui, un temps, les embauchera, parcourent une Terre post-apo qui,
d'épisode en épisode, révèle une nouvelle facette. Peu à peu, dans le corps du
cycle, se dessine un monde complexe et varié, crédible car argumenté, riche de
ce que chaque épisode lui apporte.
"Un cobaye pour
l'éternité" est un cinquième tome (1981), dans la lignée des précédents,
presque en one-shot, si ce n'est que certains personnages perdurent dans
l'ombre (Tante Martha) ou sont en promesse de récurrence à venir
(Stonebridge) grâce aux potentialités que l'on y perçoit (un bon méchant ne fait jamais de mal en BD) .
Hermann ne
chamboule pas les fondamentaux de la série, on ne change pas ce qui marche ... mais
innove.
S'il nous montre toujours, façon western, des chevaux harassés
par une longue marche, des cow-boys chapeautés de stetsons cabossés, des
ceinturons porte-flingues aux révolvers jamais avares de bavardages, des
gourdes rondes pendues au pommeau des selles ...
S'il nous livre encore les soleils couchants qui ensanglantent
les Grandes Plaines, la poussière des chemins et la pluie à grands seaux jetée
sur les égarés ...
S'il n'oublie pas l'Avant, cette "Grande Lessive" qui a essoré la Terre d'une grande part de ses
occupants, en nous offrant au fil des paysages traversés les ruines et reliquats
de l'ancienne technologie: les silhouettes en dentelles déchirées de pylônes
électriques posés en ligne inutile sur l'horizon, un wagon sur un monorail
suspendu délabré, un canal bétonné non dragué de ses ferrailles abandonnées,
une zone industrielle désaffectée et une gare de triage où la rouille impose
son lent travail de sape ...
Hermann innove en
mijotant un scénario de pure SF. Il y sera question d'un des thèmes bateaux du
genre, que je ne dévoilerai pas ici, si ce n'est l'effleurant en révélant une
clinique hospitalière mais pas tant que çà, un médecin aux allures de Dr.
Moreau (H.G. Wells), des ampoules en verre scellées autour d'un précieux
liquide ambré, des patients qui patientent et d'autres qui meurent, une héroïne
(de passage) bien belle et attachante mais pas tant que çà ... enfin tous les
ingrédients au service d'un récit où se mêlent un amour déçu (tu m'étonnes), des vies ruinées,
des vies recommencées, des richesses accumulées et détruites ... et une Terre
qui ne fait rien pour oublier ses anciens travers.
Graphiquement, le versant SF se pare de longs couloirs
blancs immaculés, de néons éblouissants, de machineries médicales high-tech et
de tout une quincaillerie électronique d'interphones bip bipant à tout va, de
chambres d'hôpital grand luxe et... même, d'une piscine autour de laquelle
s'ébrouent des corps jeunes et encore insouciants.
Hermann me
bluffera toujours: il est seul aux manettes et sert vignettes et textes de
phylactères avec une maestria à l'égal du classique duo dessinateur/scénariste
omniprésent en BD. Il y a quelque chose de profondément logique dans sa manière
d'avancer dans le récit, l'histoire coule de source une fois la manière de
l'auteur décryptée. Que du bonheur...!
Marrant ce contraste entre époque du passé et l'autre futuriste..
RépondreSupprimerQuand tout s'effondre, on revient tjs aux anciens schémas, et on recommence, de manière linéaire :-D
Judicieuse remarque. C'est très souvent une tendance post-apo. Le moyen-age y a sa grande part. Les scénari réinvestissent les mêmes ornières bourbeuses du passé. Hermann, via le graphisme, pousse le lecteur à dénicher, comme en jeu (on y tombe plaisamment dedans comme dans un jeu de piste), les artéfacts d'un monde éteint et via les scénari s'ingénie à montrer que, quoi qu'il soit nécessaire de repenser, l'homme filera toujours vers les mêmes erreurs.
SupprimerJe suis curieux, dans le fil de ton propos, de connaitre les raisons qui ont poussé l'auteur vers un mix western/SF. J'ai quelque part un "Cahier de la Bande Dessinée" special Hermann qui doit bien aborder le problème. A suivre
https://www.youtube.com/watch?v=lq2KOV2yBBY&feature=youtu.be
SupprimerA 5'23" Hermann explique que, désirant se passer de scénariste, il s'inventa son propre monde possible au détour de la découverte qu'il fit du roman de Barjavel, "Ravage". Ce qui explique la genèse de la part SF de Jeremiah.
Quant au western on entrevoit une continuité graphique de ce qu’il avait su bien rendre jusqu'à présent: la nature, les grands espaces … les hommes neufs qui l'habitent et qui s'y construiront sans manichéisme.
https://www.youtube.com/watch?v=qzJUlL1Ir6o
RépondreSupprimerUn bien beau diaporama (accessoirement bien mis en musique) qui centre tout l'art d'Hermann.