Pour présenter Jean-Claude
Forest, le (un temps) scénariste de cette série, il suffit d'accrocher son nom
à celui d'une des plus célèbres héroïnes de BD, Barbarella, pour qui il réalisa aussi la part graphique. Cette
fille de papier, en 1962, surprenait le lectorat par son univers futuriste,
débridé et fantaisiste. Il n'en reste pas moins que 4 des 10 premiers tomes des
"Naufragés du temps"
constituent un autre pan important de sa bibliographie où il reprend ses idées
science-fictionnesques déjantées et atypiques.
Il s'y acoquine avec Paul
Gillon, le dessinateur, qui finira seul la série. Ce dernier y apporta sa
patte irremplaçable.
La série s'amorce en France, en 1964 et en feuilleton dans
le premier numéro du magazine Chouchou, le
temps de 9 numéros; puis en 1974 en
album.
"Celui qui dort
parmi les étoiles"
1990. La Terre subit le Grand
Fléau: de gigantesques spores (E.T. ?) explosent en basse atmosphère, tuent
et menacent la survie de l'humanité. L'idée germe et prend corps d'un couple, Christopher et Valérie en Adam et Eve des temps modernes, mis en état
d'hibernation dans deux cocons de cristal en orbite elliptique terrestre. Les
oeufs de survie frôleront la Terre tous les 125 ans jusqu'à ce que le Berceau puisse à nouveau "protéger leurs
existences et celles de leurs enfants".
2990. la Terre et les hommes, contre toute attente, ont survécu, le Grand Fléau s'en est allé. Les Hommes
sont désormais en capacité de s'affranchir des distances interstellaires et
s'apprêtent à coloniser d'autres planètes hors Système Solaire. Christopher est récupéré vivant dans
son cocon. La capsule de Valérie a
disparu des écrans-radars un siècle plus tôt. "Les hommes de
l'avenir sauront t'ils recueillir les survivants du passé ?".
Le Grand Fléau, mille ans assoupi, amorce
une seconde vague; les hommes doivent quitter le Système Solaire. Christopher ne peut s'y résoudre en
Adam abandonnant Eve.
"Son visage est le dernier visage de femme qu'il m'a été
donné de voir au XXème siècle. Je crois qu'elle était belle..."
Une jeune scientifique de 2990, va l'aider à
retrouver Valérie. Son prénom; Mara pour qui s'amorce une longue
histoire d'amour contrarié ... sortez les mouchoirs.
Le postulat de départ est posé. Il est classique, fut sans
doute novateur pour l'univers BD de l'époque, même si on pense au roman "La nuit des temps" de Barjavel (1969) qui lui-même ... Mais l'essentiel des influences à l'oeuvre n'est
pas tant dans ce syndrome "au bois
dormant" que dans la description fouillée, graphique et écrite, de
mondes tels que Jack Vance en avait
dévoilé dans ses romans et nouvelles. Sur le fil d'idées inspirées faune et
flore se posent des dessins novateurs de toute beauté. Les personnages vont
visiter un système solaire plus rêvé que réel, mais si crédible et réaliste. C'est,
ici, ce qui devait plaire en 1974 (et plait encore sans réelle nostalgie): une
relative fraîcheur de thème, une forme hors sentiers battus ... un fond au
second plan qui n'avait guère d'importance.
Une multitude d'étrangetés spatiales: lieux pour le moins
pittoresques, faune, flore, humains et E.T. associés (même si on a affaire ici
à de banals rats en guise de petits hommes verts), s'étale sous les yeux du
lecteur étonné et ravi. S'amorcent des rencontres surprenantes d'une planète à
l'autre. Se tisse, peu à peu, un étonnant bestiaire visuel de space-opera, d'êtres tour à tour menaçants
ou sages, burlesques ou plausibles, absurdes ou réalistes. On entrevoit une faune de l'espace qui, on l'espère
s'étoffera d'autres spécimens au cours des épisodes ultérieurs.
On rencontre par exemple:
_ ces étonnants Métalopodes:
mille-feuilles de lamelles métalliques agglutinées, glissant les unes sur les
autres et amorçant les silhouettes mobiles de fantômes menaçants.
_ Des simili dauphins, aux ailes/voiles de raies-manta,
capables de transporter dans une poche dorsale leur progéniture et
accessoirement nos héros vêtus de scaphandres.
_ Des vaisseaux E.T. comme de lourdes chauve-souris
mécaniques (presque semblables aux ornithoptères du Dune de David Lynch)
accrochées, au repos, tête en bas, aux falaises surplombant les océans de
Venus.
_ Un fleuve annulaire satellisé autour de Limavan, satellite de Saturne. Son nom:
Thanator, le Fleuve des Morts,
"aux eaux
noires et transparentes comme l'espace", sur lequel flottent
des atolls-chrysanthèmes, les péniches des morts et des trains de cercueils
conduits par des"carons" qui font passer le Styx.
_ Des robots qui ressemblent aux R2D2 des Starwars à venir.
_ Sur Venus, sans doute terra-formée car devenu océan, des
villes flottantes fouettées de vents de méthane et de soufre, drossées par
temps de tempête ...
Ce fut me concernant une relecture, une redécouverte amusée
et emballée d'une BD qui n'a pas pris une ride (ou si peu si l'on prend la peine de re-contextualiser une BD parue il y a plus de 40 ans) et qui, sous les yeux du lecteur
retrouve tout ce pourquoi elle fut créée: la surprise, l'étonnement, le dépaysement ... en un
mot l'émerveillement.
En un mot je conseille.
J'ai lu et relu cette série, jadis... Ses 10 tomes doivent traîner dans des recoins actuellement inaccessibles de ma BDthèque! Les vignettes que vous avez choisies illustrent bien que certains albums (dans certaines éditions, tout au moins) sont plutôt en bichromie qu'en "couleurs" [quadrichromie]). Il ne me semble pas que parmi les planètes fréquentées par Christopher dans ses errances figure la planète Mars, dommage.
RépondreSupprimerL'édition que je possède (du moins celle concernant les deux premiers tomes) est en bichromie (verte pour le 1, ocre pour le 2). Elle est en "BD Hachette Bande Rouge" et date de 1974 et 1975. Pour les 7 autres çà change: quadrichromie et "Les Humanoïdes Associés, collection Eldorado". Le 3 est de 1989 ... etc
SupprimerCitation: "Il ne me semble pas que parmi les planètes fréquentées par Christopher dans ses errances figure la planète Mars, dommage." >>>> Oui, j'ai vu que votre blog y consacre un article:
http://dasola.canalblog.com/archives/2021/02/28/38829630.html