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lundi 8 février 2021

Mourir la nuit - Anne-Cécile Huwart

 


Ed. Onlit 2019

 

Morts rapides, morts violentes ; alcools et drogues, sadomasochisme ; préméditations ou coups de sang; rues basses et beaux quartiers ; meurtriers, journalistes et policiers ; empreintes digitales, recherche d’ADN et caméras de surveillance ; juges et accusés, enquêtes et procès ... 

Tout du polar ? Plus que çà : « La littérature du réel ».

Tiré de faits avérés, patronymes maquillés, « Mourir la nuit » est une invite romanesque retraçant deux faits divers authentiques.

Bruxelles 2014.

Au petit matin d’une froide nuit d’hiver, deux corps sauvagement mutilés se retrouvent côte à côte en salle d’autopsie. Deux meurtres, deux coupables, deux affaires sans rapport l'une avec l'autre. La violence assénée est le seul dénominateur commun. La mort a réuni deux hommes sous le scalpel et le regard attentif et professionnel d’un médecin légiste. La vie, pourtant, avait tout fait auparavant pour séparer deux destins opposés, ils n’auraient jamais du se rencontrer, n’ayant presque rien eut en commun. Ils appartenaient, l’un et l’autre, à deux modèles sociaux parallèles sans attente de convergence.  L’un, SDF, migrant polonais, marginal ; l’autre, de la haute bourgeoisie, aisé, âgé, intellectuel, homosexuel, socialement bien intégré. Le contraste entre eux est appuyé ; la dichotomie se fait fossé franc et définitif, se fera moteur du récit.

Anne-Cécile Huwart, une jeune journaliste belge, freelance apparemment très déterminée, propose sans sensationnalisme, une longue et patiente immersion accréditée dans le système judiciaire belge. On sent, sans conséquence sur la lecture, des variantes avec celui français. Via les deux enquêtes criminelles et les procès qui s’en suivirent, elle rend compte du défilé chronologique des évènements au regard de son propre ressenti et de celui des différents protagonistes : enquêteurs, témoins, inculpés, condamnés, victimes collatérales…. etc, et par là même la réalité difficile du quotidien de la Crim’ bruxelloise.

Deux assassinats sans ressorts communs. Le lecteur en est le premier étonné s’il s’attend au télescopage rocambolesque et inattendu des deux affaires. Mais peu importe quand le propos du livre n’est pas de déterrer pour le fun romanesque des destins entremêlés comme traditionnellement le polar en propose, de trouver une passerelle complexe d’un meurtre à l’autre. La raison d’être du bouquin est ailleurs. Dans la volonté de témoigner, par voie de reportage écrit, de l’authenticité de faits avérés et de la machinerie admistrative bien huilée qui se met en branle autour des deux cas. Au-delà des scènes de crimes, d’enquêtes et de procès, l’auteure aborde les vies de celles et ceux qui, passifs ou actifs, tournaient autour des drames avant pendant et après. La clé de voute étant l’enquête policière elle-même, ses acteurs et les raisons qui poussent des professionnels à s’investir tant dans la recherche de la vérité, que la victime soit riche ou pauvre. L’auteure nous propose ainsi délibérément ce qu’elle nomme « littérature du réel ». Le voyage est inhabituel et peut se trouver un lectorat.

Les moyens littéraires utilisés sont à la convergence atypique :

_du compte-rendu journalistique type, en simple écho factuel des rapports routiniers d’enquêtes, ceux des autopsies, des auditions; de ce que montre les caméras de surveillance, les épluchages téléphoniques, les informations bancaires, les relevés d’empreintes et d’ADN, les retranscriptions de procès. Le rendu stylistique en émerge sec, précis et froid, il apporte un effet de réel, renforce la crédibilité du témoignage.

_du roman policier classique, de procédure et d’énigme, tissé de lentes avancées patientes. Le fil rouge des indices devenus preuves se déroule lentement, presque sereinement dans l’idée simple que la méticulosité est une force implacable. On est néanmoins plus près de Maigret que des Experts, d’avantage à l’affût des failles psychologiques que des preuves matérielles. L’auteure cherche à sa manière « L’homme nu » de Simenon, tourne autour de l’âme profonde des suspects et des protagonistes collatéraux (sans l’oublier les états d’âmes des enquêteurs, des juges et des jurés … de ses propres ressentis de Candide de service), décortique et explique les ressorts humains souterrains à l’œuvre de situations qui ont dérapées jusqu’à l’irrémédiable. Le style se fait plus emphatique et proche de l’âme de chacun des acteurs.

En abordant la lecture de « Mourir la nuit », je ne m’attendais pas (ne lisant qu’en diagonale rapide les 4 de couverture) à cette cohabitation réussie d’une manière littéraire empruntée au roman (rien que le titre et l’illustration fleurent bon le polar) avec un témoignage journalistique vivant.

Vrai j’ai aimé. Cette chro pour vous en convaincre.

Merci à Babelio, Masse Critique, les Ed. Onlit, l’auteure : Anne-Cécile Huwart



 


3 commentaires:

  1. si qui est intéressant c'est le fait que ce soit tiré de faits réels, et qu'on découvre le processus de l'enquête jusqu'à l'aboutissement.. c'est du concret quoi :-D

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    1. Tout à fait. De la découverte des cadavres jusqu'aux sentences d'assises: des faits, des hommes, des moyens. Mais au-delà de cette vision technique (on en perçoit les limites, souvent économiques)l'auteure renvoie une étude psychologique des raisons et des actes (tout autant des enquêteurs, des juges et jurés, que des inculpés et bientôt condamnés.

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  2. Très bonne chronique mais pour autant, je ne parviens pas à m'intéresser à ce titre. Mais j'aime bien la couv.

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