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mercredi 8 septembre 2021

Dylanographie - Nicolas Livecchi

 

 Les impressions nouvelles (2021)

 

Dylan, l’homme : 80 ans le 24 mai 2021. Toujours là le bougre, still alive and well : un disque l’an dernier encore, en plein confinement.

Dylan, l’artiste : 6 décennies pleines d’une carrière protéiforme. Un touche-à-tout de génie : de la chanson au cinéma, de la poésie à la peinture, du folk au rock en passant par le gospel, le blues et la variété, de song-writer inspiré à interprète des standards d’autrui, du protest-song marginal à l’universalité du Nobel de littérature en 2014, du militantisme engagé des 60’s au mysticisme chrétien ... etc.

Il y a mille et un Dylan … et mille et une vies associées. Et toujours la même silhouette, éternelle : le cheveu bouclé, le chapeau, la gratte sèche ou branchée sur le 220 (c’est selon). Et toujours la même voix (que certain(e)s ne lui pardonnent pas … et pourtant)

Dylan. Celui du Minnesota de sa naissance, celui du mythique Greenwich Village, celui de Woodstock en refus de ses « trois jours de paix et de musique », celui enfin de New-York … et de partout ailleurs, dans le Monde, sur les tympans de ceux qui l’écoutent (et quelquefois le vénèrent).

Dylan. Celui encore et entre autres dans les bras de Joan Baez. Celui interpellé « Judas » alors que passant de l’acoustique à l’électrique il se fit huer par les puristes du folk ; celui chahuté par la vague MTV et l’inévitable passage obligé par le clip video ; celui anecdotiquement confronté aux disques de Noël si prisés aux USA ; celui des compilations ou best of dans lesquels on retrouve des inédits ( ?); celui à l’épreuve des bootlegs* (il fut le premier piraté ; était-ce un insigne honneur, un désastre absolu ou un mal nécessaire au regard de ce qui sort aujourd’hui de ses archives libérées, pépites inattendues ou rebuts inécoutables ?) ; celui au service des chansons écrites pour et par les autres ; le premier a oser un double album studio (« Blonde on blonde ») …

Dylan. Celui des LPs et des CDs coups de maitres, des chansons éternelles, des refrains qui tournent s’en vont et reviennent, des lyrics qui bourdonnent et s’accrochent aux mémoires. Celui aussi, hélas, de quelques LPs désastreux, fruits d’erreurs ponctuelles, de timings décalés, de contenus insuffisants, de coups d’épée dans l’eau. Celui, en satellite, d’une kyrielle de DVDs et de livres à un monstre sacré consacrés.

Dans certains pays, ses droits d’auteurs sombrent peu à peu dans le domaine public. Ils sont, pour certains, au-delà des 50 ans légaux après leurs mises sur le marché. Dylan déballe alors tout, désarchive à tout-va, comme d’une corne d’abondance, depuis quelques années. Des milliers de références diverses voient le jour. De la perle absolue à la rareté anecdotique de fond de tiroir, des inédits, des outtakes**, des orchestrations différentes et non retenues, des covers*** studio, public ou de sessions informelles. Y’a qu’à trier, y’a qu’à piocher. Cà abonde ; trop peut-être, on s’y pedr, on s’y noie. Que faire de tout cela ? Comment s’y retrouver ?

C’est là que Nicolas Livecchi avec « Dylanographie » intervient, en défricheur acharné d’une discographie labyrinthique tant officielle, qu’officieuse et même pirate ; l’auteur y abat un boulot titanesque en fan génétique de Dylan qu’il est (sa voix, la première fois, prétend t’il, il l’a entendu dans le ventre de sa mère). Il ne vise pas l’exhaustivité, elle lui semble utopique. Plus de 200 notices commentées, érudites ; 176 disques et coffrets, 46 livres et films. Le tout richement illustré de pochettes d’albums et de couvertures de livres et de DVDs. Le but affiché (pari réussi) est de cartographier le paysage dylanien, de viser l’essentiel dans sa multitude, de proposer et de conseiller. La progression est chronologique par période (folk, rock, country, bohème, gospel, blues) ; à chaque étape s’insèrent les disques officiels (studio et live), ceux désarchivés et une palette de bootlegs* sélectionnés. L’ouvrage plaira aux collectionneurs, aux profanes, à celles et ceux, qui un temps, ont abordé Dylan avec plaisir, sans pousser plus avant et que le désir d’y revenir taquinent.

L’œuvre discographique explorée est pléthorique, presque surhumaine, se montre jungle inextricable. Elle est multi-supports, progressant de pair, au fil des décennies, avec l’évolution des techniques de prise de son:  le long des serpentins des master-tapes sur bobines, au creux des sillons dans les galettes noires vinyliques, dans les octets numériques du format CD et DVD, dématérialisée dans la gigantesque bulle marchande du Net. On s’y perd. Dylan lui-même n’y retrouverait guère ses petits. On s’y trompe, on en oublie, on y trouve doublons, triplons, quadruplons …

Entre l’officiel, l’officieux, le pirate, l’archivé au titre de ce qui n’a pas été retenu, oublié, laissé pour compte apparait le portrait d’un homme attaché à son art, avec la volonté incessante de s’y adonner sans répit, de trouver plaisir à ce qu’il chante.

De Dylan, les albums que je préfère sont ceux de sa période « bohème » (« Planet Waves », « Blood on the tracks », « « Desire », « Before the flood », « The last waltz ») et « gospel » (« Slow train coming », « Saved », « Shot of love »). Mon Dylan à moi n’est pas tant folk, guitare sèche et harmonica que gratteux sur 220 et The Band en background. Question d’âge, de génération, de premier contact via tel ou tel album. Au-delà de ces périodes de prédilection « Dylanographie » m’a permis d’aborder par la théorie d’autres facettes de l’artiste vers lesquelles désormais je vais me tourner stéréo entre les tympans.

Le Zim. Un monstre sacré, un monument, un homme, une star, une idole, un mythe, une référence, un long bout d’Histoire du rock et du monde autour de lui, un marqueur social et politique, un être engagé ou introspectif, voire mystique, un catalyseur, un artiste unique. Une voix singulière, posée sur des chansons qui flottent dans l’air du temps, en phase avec l’instant, celui d’antan, celui de maintenant, celui d’un éternel présent.

« Dylanographie » lui rend hommage à sa façon et c’est très bien.

·         * Bootleg : disque illégal proposant l'enregistrement d'un concert (via le public, la table de mixage ou un canal FM) ou d’une session studio qui ne sera pas reprise sur discographie officielle.

·         ** Outtake : prise alternative, non finalisée, non utilisée d’un morceau ... L’original est celle gravé officiellement.

·         *** Cover : reprise discographique d’une chanson par un artiste autre que son créateur d’origine.

 



 Ma préférence à moi:


 

 

 

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