Accueil

Accueil
Retour à l'Accueil

mercredi 2 février 2022

De la contrainte à l’oubli – Colette Dahais

 


Roman. Ed. du Petit Pavé (2021)

 

Durant la Seconde Guerre Mondiale les « Malgré-nous » désignèrent ces 134 000 alsaciens, mosellans et luxembourgeois qui furent incorporés de force dans l’armée régulière allemande (la Wehrmacht). L’expression parle d’elle-même. Redevenus allemands par décret, les hommes furent soumis à la conscription en vigueur de l’autre côté du Rhin. Alors que leurs cœurs battaient une tout autre chanson patriotique ...

L’auteure, Colette Dahais, nous livre l’autobiographie de l’un deux, son père, né à Sarreguemines en 1926. Sur l’insistance de ses filles, avant de décéder en 2008, il s’était confié à un dictaphone, témoignant de ses années de guerre et des conséquences ultérieures sur sa vie : l’homme de nationalité française enfin retrouvée allait rester toute sa vie un « Malgré-nous ». Post mortem, retranscription des bandes sur papier il y eut, augmentée de considérations historiques généralistes sur l’époque traversée. Le tout se présente en « Je narratif », ce qui engendre une étonnante construction tout à la fois romanesque et documentaire. La structure employée met la voix et les mots d’un père défunt en convergence constante avec la prose de sa propre fille. Le concept reste perceptible, comme en filigrane, tout du long de la narration mais ne gêne en rien la lecture. Au contraire, elle conforte même le récit dans sa double singularité souhaitée : le devoir de mémoire face à l’Histoire et la persistance mémorielle familiale intergénérationnelle.

Je ne suis pas venu vers cet ouvrage par hasard. Et pourtant, je ne suis pas originaire du Grand Est et n’y ai même jamais vécu.

J’ai connu un malgré-nous. C’était un taiseux de nature qui, de son passé, ne s’épanchait qu’aux forceps. Surtout quand il s’agissait d’évoquer cette part de lui-même un temps au service guerrier d’une cause qui n’était pas la sienne. A 16 ans en 1943 on ne traverse pas de tels événements, d’autant plus forcé et contraint, sans cicatrices indélébiles, sans réticences à laisser ressurgir le cauchemar imposé. Rien, après coup, ne s’extériorise facilement. Le cicatrisant n’a jamais pris. Tout reste figé, les mots ne viennent pas, comme englués. C’est de la rétention mémorielle réactive. Le passé est plus fort que le présent et impose le silence. Le peu lui échappant laissait présager des blessures plus profondes, inextricables, difficilement extériorisables, désormais évaporées avec son décès. N’empêche, ce peu remémoré me poussa à en savoir plus. Ainsi donc, entre autres précédentes rares lectures sur le sujet, me voici tout naturellement au rendez-vous de ce « De la contrainte à l’oubli ».

Leurs trajectoires, à tous deux, sont sensiblement identiques. Je ne les comparerai pas. Leurs ressentis d’après-guerre sont, par contre, totalement similaires. Les Malgré-nous ont été confrontés au désintérêt d’une nation pour ce qu’ils furent, pire même au déni de quelques-uns concernant leur patriotisme supposé, à l’oubli de leur sort dans les manuels scolaires.

 Contrairement à l’auteure, je n’ai aucune trace matérielle du peu à moi confié. Ma propre mémoire se dilue en outre au fil des années. Reste ce que vient de m’apporter « De la contrainte à l’oubli ». Ce m’est presque un trésor retrouvé.

L’avant-propos précise : « Quel que soit le domaine de ses confidences, si, vous lecteurs, avez encore la chance d’avoir à vos côtés un parent, un ami, une connaissance, pouvant témoigner d’une époque révolue, prenez le temps de l’écouter. C’est un grand privilège. Un jour il sera trop tard. » 

4 commentaires:

  1. Oui, tu as raison... étrange qu'il ne soit pas fait mention de cette part d'Histoire dans les manuels scolaires, comme si c'était quelque chose d'honteux.
    Ces hommes et adolescents ont vécu un double drame. La guerre c'est déjà un drame, mais être contraint de changer de camp c'est rajouter une couche de drame.
    16 ans c'est bientôt l'âge de mon fils... je ne veux même pas imaginer une telle situation.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Cf le début du court reportage suivant, pour expliquer, peut-être, cette rétention , quand déjà avant ... durant 14-18, qui avait succédé à 1870, l'Histoire des Malgré-nous avait eu un précédent.
      .
      https://enseignants.lumni.fr/fiche-media/00000001696/les-alsaciens-ayant-combattu-dans-l-armee-allemande-en-1914-1918.html

      Supprimer
    2. Durant la seconde guerre mondiale l'Annexion n'étant pas l'Occupation, l'Alsace-lorraine, à nouveau, devint allemande.

      Supprimer

Articles les plus consultés