Accueil

Accueil
Retour à l'Accueil

dimanche 4 septembre 2022

Knock – Jules Romains

 

Réédition Folio 60 (1995)

 

Knock m’est, de prime abord, Louis Jouvet incarnant le personnage au cinéma en 1951 (un remake de 1933, l’acteur était déjà au générique). Ce fut à l’origine une pièce de théâtre signée Jules Romains (1923). Jouvet sur les planches, dans le rôle déjà, à la fois acteur et metteur en scène, s’immergea dans le personnage et en restitua une représentation incontournable.

Une haute et sombre silhouette sur les planches ou au cinéma ; en longs habits noir-corbeau, chapeau melon ébène, petites et rondes lunettes cerclées d’acier fin ; un regard féroce, tranchant et intrusif qui sondaient les âmes au plus profond de leurs moindres failles ; un phrasé implacable, rythmé et percutant ; un port de tête hautain et dédaigneux semblant porter sur le monde morgue et désillusion.

Knock c’est aussi Jules Romains qui, en trois actes taillés pour la scène, livre des dialogues efficaces, des répliques entrées dans la légende (« Est-ce que çà vous chatouille, ou est-ce que çà vous gratouille ? »), des situations drôles et succulentes ... Sommes-nous pour autant en pays de comédie ? Pas tant que çà .. ! La pièce est une belle mécanique théâtrale qui, en peu de mots (c’est l’affaire d’une lecture de deux heures tout au plus) laisse en mémoire un ressenti agréable et souriant mais aussi et surtout donne à réfléchir sur nos rapports avec la médecine.

1923. Saint-Maurice (de Lignon, Haute-Loire ?; Jules Romains, né à Saint-Julien Chapteuil dans le 43, glisse dans le corps du texte une allusion à Luchère près de Pont Salomon, 43 itou). Le gros bourg campagnard vit en autarcie, seul, bien seul, dans les hautes rondeurs isolées du Massif Central. On y vit à l’ancienne autour du maire, du médecin généraliste, de l’instituteur, du pharmacien, du garde-champêtre battant tambour, du peu qui reste d’une vieille aristocratie locale ruinée ... au final, tout un petit monde s’agite, replié sur lui-même, dans une micro-société représentative de la France profonde d’avant-guerre.

Le Docteur Knock - mais l’est t’il vraiment quand, par instants, plane dans ses propos l’ombre d’un certain charlatanisme ? - vient de racheter la clientèle du médecin généraliste local. Il compte imposer sa vision de l’Art de soigner autrui quand, de toute évidence, « les gens bien portants sont des malades qui s'ignorent ! ». Son succès repose plus sur ses talents oratoires et sa force de persuasion que sur ses diagnostics cliniques hasardeux. Sur le fil rouge de « consultations gratuites » (Tu m’étonnes) il doit convaincre un canton de s’aliter, un pharmacien de travailler davantage, un instituteur de tenir des conférences hygiénistes …

… la suite appartient au récit.

Knock est venu et tout change.

Jules Romains dissèque les méthodes du nouveau venu. Celles manipulatrices à l’épreuve du Petit Peuple sur lequel les grosses ficelles psychologiques fonctionnent à merveille. Celles mielleuses cherchant à susciter les faveurs et l’intérêt financier de certains notables. L’auteur montre les bouleversements induits par l’arrivée d’un étranger investi d’un savoir jugé, peut-être à tort, incontestable. La grande force de la pièce est aussi de disséquer les mécanismes psychologiques particuliers qui nouent un patient à son médecin traitant, de la complicité à la soumission aveugle et irréfléchie.

Le Docteur Knock va bouleverser nombre de traditions et habitudes enracinés d’un gros bourg campagnard ; des changements d’importance, voire même vitaux vont s’instaurer ; mais au réel profit de qui ?

Sous couvert de comédie, un monde à venir semble s’ébaucher et verrouiller le passé. Knock mégalomane ? Oui. A l'égal, semble t'il, de celui qui, Outre-Rhin en 1924 pointe le bout de son nez avec des théories bancales ?

Knock est t’il le simple témoin de passage d’une pratique médicale à l’ancienne vers celle, plus affairiste, que semble anticiper/dénoncer Jules Romains à l’orée des années 20’s ? N’est t’il qu’un simple charlatan ? Un allumé de la santé à tout prix ? Un peu de tout çà sans doute. Je n’ai pu trancher et ce n’est pas la fin, dystopique en diable, qui va m’aider.


 

3 commentaires:

  1. Je l'ai vu jadis au théâtre... Pas avec Jouvet, bien sûr, mais le scénario n'a rien perdu de sa beauté, ni les répliques de leur éclat!

    RépondreSupprimer
  2. Toujours soucieux d'éclectisme, j'ai tenté de me lancer dans les pièces de théâtre mais non, ça marche pas, j'aime pas lire le théâtre.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Sur ce coup-là: le bouquin était bêtement sous mes yeux, en sortie récente de BAL. Je savais qu'il m'y faudrait peu de temps de lecture (çà se lit vite). Et ... je ne regrette rien. Le tout était à la hauteur de mes attentes.
      Le théâtre en lecture, je n'en suis que peu friand itou. Mon truc est d'y accoler la vision imaginaire de la structure vignettes/phylactère d'une BD. Cà aide à illustrer l'aridité en descriptions et explications.

      Supprimer

Articles les plus consultés