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mardi 4 février 2025

Fiction Special n°10 (157 bis), 14 Histoires d’horreur (1966)

 

Opta Ed. (1966)
 

Chez Opta Ed., de 1959 à 1984, en parallèle à la revue française « Fiction » dédiée à la SF et au Fantastique, paraissent, à titre d’anthologies satellitaires, 34 numéros thématiques spéciaux, numérotés à part (sauf les deux premiers qui n’en portent aucune mention).

1959, la revue-mère de Fiction, « The Magazine Of Fantasy and Science-fiction », est américaine. Elle impose, pour l’heure, à son greffon hexagonal, d’inonder ses sommaires d’une très large majorité de textes états-uniens. Alain Dorémieux, alors rédac’ en chef, confronté à la difficulté éditoriale d’insérer dans la série initiale un n° « Special France », va contourner le problème. Il lance en satellite un hors-série, non numéroté, titré « Science-Fiction française ». Le succès induit l’encourage, le pousse à publier peu à peu, annuellement puis de semestre en semestre, toutes nationalités d’auteurs confondues, une collection de numéros spéciaux. S’y montreront de petits rejetons anthologiques délicieux sur des thématiques SFF diverses. Certains numéros, plus que d’autres, sont recherchés sur le marché de l’occaz (les illustrations frontales signées Forest, Moebius, Caza ou Druillet sont naturellement et particulièrement prisées). J’en possède quelques-uns (dont ce Spécial « Histoires d’horreur ») ; le plaisir pris à les feuilleter et accessoirement à les lire se démarque de l’intérêt plus historique suscité par la lignée axiale de la revue qui se fit vocation de suivre la SF en marche, l’actualité du genre de mois en mois, de coller à ses avancées, voire ses reculades en des temps maintenant anciens.

Parues avant 1966, les 14 nouvelles regroupées sous le titre « Histoires d’horreur » se font, pour la plupart, les échos maintenant lointains et affaiblis de ce qui faisait (sans doute) frissonner de peur le lecteur français de littérature Fantastique de l’époque. Les choses, depuis, ont bien changé, nos coronaires de 2025 ne se serrent plus aussi facilement et les nouvelles ci-incluses apparaissent, maintenant, davantage comme des bonbons sucrés/épicés/salés d’Halloween que gorgées de nitroglycérine explosant sous la dent.

Allez-va : avec Sturgeon, Matheson, Bloch et Cie (les vieux de la vieille, quoi.. !), un goût de « c’était-mieux-avant »  impose sa marque, histoire de nous grattouiller/griffouiller de nostalgie dans l’espoir de nous recoller à nos terreurs d’antan. Le résultat, en 2025, est mitigé ; certaines nouvelles passant par la trappe du daté, prennent un gros coup de vieux dans le museau ; d’autres, à défaut d’immortalité sont encore au goût du jour … Mais çà ne durera pas, l’immortalité repassera, elle est affaire de générations à venir qui chassent/gomment/effacent les précédentes. Rien d’étonnant en somme.

Ces nouvelles proviennent toutes de Weird Tales, référence pulp US s’il en est en matière fantastico-horrifique, et sont présentées sobrement par le bon sens discret et la sobriété d’Alain Dorémieux.

Certaines nouvelles se sont exclues d’elles-mêmes du présent compte rendu du fait de leur carctère anecdotique de fond et/ou de forme ou l’impossibilité que j’ai eu à en finir la lecture ; elles ne seront que tout banalement citées voire, au mieux, brièvement commentées en raison d’un détail significatif.

01/Robert Bloch - Manuscrit trouvé dans une maison déserte (1951): Les horreurs lovecraftiennes battent la campagne, la nuit, jusqu’au paroxysme de celle d’Halloween. Écharpes de brume sabrant la pleine lune, gargouillements et hurlements ... L’auteur reprend ici à son compte les mécanismes thématiques et stylistiques du Maitre, actionne les grosses ficelles comme le firent un temps certains auteurs, en collectif-hommage (Bloch, Derleth… etc), s’inscrivant ponctuellement dans la mouvance posthume de HPL. Bloch recycle ces « Ils », « Ceux » et « Eux », en italiques dans le texte, ces Shoggoth, Arkam, Innsmouth et consorts qui infestèrent les nuits de générations et de générations de lecteurs. Le tout est bien dans l’esprit, moins dans la forme qui pêche par trop de rapidité d’exécution. Le plaisir des retrouvailles est là, néanmoins. On suit ici, via le journal intime d’un enfant de douze ans, sa plongée dans l’entre-deux lovecraftien. Bave verte suintant des puits, feuilles frémissantes en forme de bouches avides, formules magiques que je n’ose recopier ici. C’est de la re-création, ni plus ni moins. Bloch s’y montre simple faiseur mais, quelque part, ça marche.

                02 -William Hope Hodgson – L’homme-taupe (1949). Une entité discrète et angoissante, à visage et vêtements d’homme ; qui, dans les prairies, fouille telle une taupe, cherche à convaincre les enfants d’aller faire un tour dans les galeries souterraines qu’elle creuse. Anecdotique.

03 - Harold Lawlor - Allée du paradis (1950). Noosfere ne recense que deux entrées à ce nom d’auteur, ce sont les deux nouvelles incluses dans le présent recueil. Petite incursion chez une accidentée de la vie qui, dans une pension spécialisée, regroupe autour d’elle des pensionnaires à son image physique … Classicisme fantastique ; sans plus d’intérêt.

04 - Allison V. Harding – Brouillard (1945) : Le fog, comme élément classique Fantastique, à l’assaut d’une demeure familiale assaillie par une malédiction générationnelle. Rien de percutant. Vieille de forme et de sens. Rien de notable. Profit et perte.

05 - Robert Bloch – L’apprenti-sorcier (1949) :  second récit, ici, sous la plume de Robert Bloch. L’auteur y délaisse l’univers lovecraftien inaugurant le présent recueil. L’anthologie y retrouve un territoire d’enfance, celui d’Hugo, un jeune simple d’esprit en cavale de sa tutelle, naïf et influençable ; son destin s’entremêle à celui d’un couple d’illusionnistes de cirque et de théâtre qui l’exploite … le retour de bâton leur sera sanglant. Sans Fantastique inclus, conduit par un simple soupçon d’étrangeté réaliste, le récit vaut par la simple brutalité gore de son épilogue. Bloch tel qu’on l’entend, à deux doigts d’un humour très noir qui ne dit pas son nom.

06 - William Hope Hodgson – Le verrat (1947):

07 - Harold Lawler – L’autre côté de la porte (1949) : une nouvelle en territoire d’insolite, courte, datée, désuète, anecdotique. Un grand tableau peint ; plein cadre une pièce d’appartement, une porte entrebâillée, au-delà et jusqu’à l’infini une enfilade d’autres pièces et d’autres portes, incluses les unes dans les autres comme une poupée-gigogne ; à chaque fois une poignée.  Pousser, enjamber le cadre …

08 -Théodore Sturgeon – Compagnon de cellule (1947): La nouvelle cueille l’auteur sur son versant Fantastique (bien qu’avec Sturgeon la frontière avec la SF ait toujours été poreuse et ténue). Il y aborde le thème usé de la gémellité, récurrence Fantastique s’il en est. Deux prisonniers de droit commun dans une même cellule ; l’un d’eux se montre rapidement schizophrène … mais pas que, ce qui fait le sel Fantastique de l’intrigue. Welcome in Freak’s land où à l’inverse de « Cristal qui Songe », la difformité se positionne du côté obscur de la Force. On entrevoit un cousinage avec deux personnages, le frère et la sœur de Dr Bloodmoney (P.K. Dick) ; mais là où le lecteur ressentait de l’empathie positive à leurs égards nait l’angoisse et la peur. Le traitement est brillant, les ingrédients au menu émergent en douceur, mine de rien ; la mise en abime, minutieusement préparée, surprend ; elle est redoutable, implacable et définitive.

09 - Richard Matheson – La maison du crime (1953) : deux frères, l’un peintre, l’autre écrivain, achètent à bas prix une vieille demeure prétendument hantée. Un tableau représentant une belle dame d’un autre temps ; sa présence invisible, immatérielle et insidieuse ; les effleurements d’abord légers de ses doigts froids et humides sur les nuques et les joues ; du mobilier remué et chahuté ; sous les portes des lueurs bleutées effacées/gommées dès qu’entre-aperçues ; la rivalité déchirée entre deux frères à l’épreuve de la chair attirante d’un fantôme (un grand moment). L’impression, peu à peu, que la maison elle-même, en entité unique, concoure au malaise. Matheson revisite un thème bateau, la peau de banane glissante, les clichés de la maison hantée, du fantôme malfaisant et tentateur. L’artillerie classique est de sortie, mais pas que… Matheson crée une pate fantastique épaisse qui, crescendo, use/frotte comme d’une toile émeri les nerfs du lecteur. Une belle réussite.

Rééditée, entre autres en 1978, en « Autres temps, autres mondes, anthologies », collection mythique cartonnée de chez Casterman et préfacée par Alain Dorémieux lui-même. CF « La maison des damnés » (1974), roman qui revint aux ingrédients premiers de la nouvelle jusqu’au paroxysme. Cf, dans la foulée, au film qui en fut tiré.

                10 - Robert Bloch – Enoch (1946) : Encore Bloch..! Trois fois déjà au sommaire. Nous suivons Seth, un cinglé dixit les villageois, un benêt dit-on dans le meilleur des cas ; il vit seul dans sa « cabane des marécages » depuis que sa mère a été …. Tout se résume à une courte citation qui ne divulgâche rien mais promet beaucoup ; Seth raconte : « Enoch …[ ]… Il me demande de tuer des gens pour lui. Enoch, l’être qui vit au sommet de ma tête. Je ne peux pas le voir. Je ne peux pas l’attraper, je ne peux sentir que sa présence, et l’entendre, et lui obéir. ». Welcome in schizo-land et « je narratif ». C’est court, quelques pages et basta. Ça grince quand Enoch a faim, susurre et ordonne à l’autre part de lui-même (encore que, va savoir) de battre la campagne et de tuer la victime désignée. Frissons garantis, tout est dans la prose et l’art de la manier ; les mots sont simples et frappent juste ; directs, uppercuts et KO debout en mise en abime ... Quelques pages et tout est dit.

11 - Theodore Sturgeon – Le professeur et l’ours en peluche (1946) : après « Compagnon de cellule », Sturgeon bis repetita. 9 pages et basta. Sturgeon et l’enfance, une constante récurrence.

Un bambin s’endort lentement, rêve bientôt, dans les bras de son ours en peluche. Qu’ont-ils à se dire, dans cet entre-deux-mondes ? Et si ce n’était pas ce que l’on croit ? Qui d’entre nous, adultes, pour s’en souvenir alors que tout, de ses instants privilégiés, s’efface avec l’âge qui vient ? Et si un deal malsain entre Bébé et Nounours s’était imposé. La peluche lui montre son futur en échange de ses connaissances à venir. Mais plus encore et ce n’est pas beau beau. Et c’est par ce qui n’est pas dit ici que l’horreur surgit.

Une idée géniale ; quelques pages et tout est joué. Le lecteur est aspiré, même si, en définitive l’auteur n’a fait qu’effleurer le potentiel de ce qu’il a entrevu. Theodore Sturgeon et l’enfance, une récurrence, une source inépuisable d’enchantements mais aussi, comme ici, de malaise trouble. Bref, un chef d’œuvre.

12 – Allison V. Harding – L’homme-éponge

13 – Milfred Jackson – Le cactus   

14 - Allison V. Harding – Le fantôme de la mer

Pas facile de chroniquer un recueil de nouvelles SF multi-auteurs, de trouver le chemin de la sobriété et d’éviter les erreurs factuelles. Prière de me les signaler, je corrigerai.

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