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dimanche 13 mai 2018

On achève bien les chevaux - Horace Mc Coy


 
 
Les USA pendant les années trente. Peu de temps après le crack boursier de 1929. Une époque durant laquelle, plus qu'à toutes autres, le contraste entre pauvres et riches est le plus marqué. C'est le temps des "Raisins de la colère": les uns crèvent pendant que les autres applaudissent, gros cigares entre les dents, bedaines bien pleines. C'est aussi l'époque du mirage hollywoodien: des milliers de jeunes chômeurs se rêvent en stars du 7ème art, tentent leur chance, survivent un temps de figurations en figurations, oublient rapidement tout espoir, abandonnent leur jeunesse au fatalisme, à la misère et au quart-monde.

Mais il leur reste une dernière chance: "Les marathons de la danse"

Gloria et Robert ont abandonné le mirage des plateaux ciné. 1000 dollars au couple qui dansera le plus longtemps. 80 couples au départ. La compétition peut durer des semaines. Et c'est de prime à la survie dont il s'agit. De fatigue, de douleurs, de sommeil, de blessures, d'épuisement, d'abandon, d'humiliations ... la mort n'est rien, elle fait partie du jeu.

L'enfer est sur le parquet, dans le moindre pas de danse répété à l'infini.

Une heure et demie à danser ou du moins à bouger, à s'économiser. Dix minutes à se reposer. Jour et nuit. L'abandon sans gain ou la victoire.

"Gloria et moi avions été prévenus par des vieux routiers que la seule façon de tenir le coup jusqu'au bout c'était d'utiliser au mieux les pauses de dix minutes grâce à une méthode très précise: apprendre à manger son sandwich, tout en se rasant et en se faisant soigner les pieds, apprendre à lire les journaux tout en dansant, apprendre à dormir sur l'épaule de sa ou de son partenaire."

Tenir, toujours tenir, échapper au sommeil, aux crampes, aux états d'âme, aux rivalités haineuses entre couples... 

... Pour au moins manger. 

Le "je" du texte, au bout de quelques semaines, se vante même de prendre du poids. 
L'obsession, sans cesse en tête, de décrocher un sponsor. En échange d'une pub dans le dos: quelques vêtements et surtout des chaussures neuves.
L'espoir qu'un producteur, dans le public, vous remarque...
Prime de 100 dollars offerte, en sous-main, par les organisateurs, au couple acceptant de se marier sur les planches. Le public applaudit, rit, pleure à ces unions où chacun en est venu à détester l'autre.
Des âmes bien-pensantes se liguent pour que cesse le marathon. On leur graisse la patte.
Chaque couple attend la chute, l'abandon du voisin.

Toujours plus de clients curieux, ils paient pour venir renifler la misère, la souffrance et l'humiliation.

S'en suit une longue litanie d'aménagements de règles, de nouveautés... jusqu'aux conséquences dramatiques qui en découleront. 
Mais ceci appartient au roman.

Ce que j'en pense:
Le style narratif est pauvre, sec, minimaliste, dépouillé à l’extrême, quasi sténographique. Il privilégie les dialogues. Et pourtant la magie opère quand on comprend que l'important réside dans ce qui n'est pas dit. McCoy est là, en spectateur attentif, soucieux de la description soigneuse des faits. Il ne prend jamais vraiment position. Et c'est là, entre les lignes, que se glisse le refus, la peur de cet American Way Of Life là, l'indignation du lecteur.

Ce roman est plus qu'un chef d’œuvre, c'est un miracle.

Ps: en 1970, Sydney Pollack nous livre sa version cinématographique. Jane Fonda sera Gloria, Michael Sarrazin Robert.



21 commentaires:

  1. ça semble être une lecture qui remue.. je me sens oppressée rien qu'à lire ta chronique nom de Zeus!

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  2. Court le roman, très court. Un tout petit livre. Vite lu. Mais qui reste longtemps en mémoire. Très longtemps.

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  3. J'ai voulu chercher des images ou des vidéos d'époque pour illustrer. Il en existe. Elles sont insoutenables. J'ai renoncé.

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    1. J'ai regardé qqs images sur le net... l'être humain est complètement givré...

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    2. je ne connaissais pas ce bout d'histoire...merci pour le partage..

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  4. ... comme quoi, ainsi, à une époque pas si lointaine, la société moderne a prouvé qu'elle ne valait guère mieux que celle de la Rome Antique et ses jeux du cirque.

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    1. c'était le contexte qui voulait ça, comme tu dis, c'était juste après la crise de 29.. ça a dû être une époque terrible...

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    2. je pense que l'homme, quelle que soit l'époque, a un comportement qui dépend du contexte..quand tout va bien que tout le monde ( ou presque) a largement de quoi se nourrir, et a même la possibilité d'avoir des loisirs, hé bien dans ce cas il développe des qualités telles que l'empathie, la générosité, l'éthique.. etc mais tout ceci n'est qu'un genre de vernis social, et comme tu le sais, le vernis peut se craqueler lorsqu'il est malmené, voire carrément sauter! dans ce cas là, la bête refait surface..

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    3. je pense que la nature profonde de l'être humain n'est ni bonne , ni mauvaise. En fait elle est les deux à la fois, mais elle développe l'une au détriment de l'autre en fonction de l'environnement et de l'éducation.
      Regarde les quelques cas , à travers l'histoire, d'enfants qui ont grandi avec des animaux.. qu'est ce qui s'est passé? ils se sont comportés comme eux! ils ont cru qu'ils faisaient partie de cette espace là! l'homme est la seule espèce à se comporter comme on l'éduque!
      les animaux ne font pas ça! un chien reste un chien, avec des comportements propres à son espèce, non? idem pour tous les autres animaux.

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    4. Oui, l'environnement s'il est propice participe à l'épanouissement social de ceux qui y vivent. Dans un creux de vague (Le vendredi noir et ses suites, WW1 et2..etc) les données et les conséquences s'inversent.
      Le discrédit, franc, massif et sans équivoque est à porter à l'encontre de ceux qui en ont profité. Et là, avec les marathons, ce n'est pas masqué, caché; c'est sous nos yeux, bien en évidence, sous notre jugement.Et beaucoup ont ri de ce qu'ils ont vus.
      On disait que c'étaient des évènements sportifs.
      Mais bien sûr.

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  5. Ce n'est pas l'attitude des danseurs qui m'insurge. Je peux comprendre. La survie pousse à l'humiliation. C'est le voyeurisme honteux du public, c'est l'opportunisme financier des organisateurs profitant de la situation.

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    1. l'opportunisme financier a tjs existé n et existera tjs, mais plus ou moins camouflé. Rien à faire.. business is business..
      et le voyeurisme honteux, ben ça je sais pas.. comme à l'époque romaine, c'est la soif du sang et de la souffrance d'autrui? je sais pas.. tu sais, de nos jours, en ce qui me concerne, je ne comprends pas le plaisir qu'ont les gens qui assistent à des corridas alors..

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    2. dans tout ce que je dis plus haut, je ne vise pas les danseurs, je ne jette pas opprobre sur eux, je parle des comportements des gens en général, et à cette époque là en particulier.. ceux qui s'humilient et ceux qui en rient encore plus..

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    3. Je réagis de semblable manière vis à vis des corridas. Une seule fois dans ma vie. Par curiosité. Le sang, la poussière, les cris, la souffrance. Non, plus jamais, je n'irai.

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  6. Les danseurs pouvaient dormir dans les bras de leur partenaire à la seule condition que leurs pieds bougent. Il fallait trainer celui qui dormait. Si les genoux touchaient le sol;: c'était l'élimination. Les spectateurs faisaient l'aumône de pièces jetées. Un marathon a eu lieu en France en 1932, 1365 heures de suite. Aux USA l'interdiction totale a eu lieu en 1937. Il a fallu un suicide. J'ai honte pour le genre humain

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    1. Pour info, en France, de nos jours, la durée de travail légale annuelle, sur la base de 35 heures/semaine est de, en arrondi, 1600 heures.


      Pour en savoir plus, il existe, sur le net, maints articles de fond en français sur le sujet. Ils sont souvent associés à des coupures de presse tirées de journaux d'époque, de pubs annonçant les marathons à venir. Tout y est si parlant.

      Mais là, nous ne sommes pas Outre-Atlantique où on banalise l'excès si facilement, nous sommes en France, sur le sol des Droits de L'Homme. Certains journalistes de l'époque vont vous parler de saines compétitions d'endurance, de valeurs sportives non bafouées, demeurées intactes. On va vous parler de paris, de gains, de pertes, de jeux d'argent....

      C'était près de chez vous, messieurs dames; et on a rien vu venir, on a rien compris, ou alors si tardivement.

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    2. J'ai lu l'article, ça donne la nausée..
      c'est tjs qd le monde est en crise, que les gens sont pauvres, qu'il y a les pires des excès. Les uns exploitent les autres, pour se faire du fric sur leur misère.. c'est lamentable :-(
      Quant à ceux qui regardaient, se nourrissaient de ces spectacles, je ne sais pas.. peut être un dérivatif à leur propre malheur? leurs propres angoisses? Une illusion d'amusement dans un contexte économique couleur cendre?
      Heureusement, une partie de la population, ainsi que certains médias ont condamné ces marathons qui n'avaient rien de sportif..
      Ce qui m'a le plus dégoûtée, c'est qd les organisateurs voyaient que le public commençait à se lasser, et du coup ils diminuaient les temps de pause et supprimaient les collations pour les danseurs.. écœurant.. et imposaient plus de cadence ! La folie totale!
      Comment ça a pu durer une vingtaine d'années ces conneries??? Je crois que c'est ça qui me choque le plus..

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  7. J'aurai juré que dans cette rubrique t'allais parlé du dalhia noir...

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  8. Cà viendra.
    4pat, merci d'être passé.
    Un petit tour sur "demain les chiens", çà te dirait..?

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  9. CF le lien ci-dessous: à partir de 11'24'' (>>> 40'35". "Mauvais Genres" sur France Culture consacre un épais et fort intéressant dossier audio à Horace McCoy. Si çà vous dit d'y laisser trainer les oreilles, qui vous reviendront noires comme les romans de l'auteur ...!

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/mauvais-genres/le-monde-d-horace-mccoy-de-la-desesperance-consideree-comme-un-des-beaux-arts-4296778

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