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samedi 15 septembre 2018

Led Zeppelin - IV




Led Zeppelin IV (1971)










S'il me faut commencer ici les chroniques d'albums rock, sans nul doute c'est Led Zeppelin IVque je choisirai, m'étais-je dis.

Dont acte..!

Il fut le seul 33 tours vinyle que j'ai acheté deux fois. Les deux galettes noires ont tant et tant tourné sous la pointe du saphir (un soc de charrue n'aurait pas par instants fait plus de mal). J'écoutais inlassablement l'intégralité des plages, ou suivant les envies d'écoute certains titres plus que d'autres. Les faces se sont alors retrouvées labourées de zébrures et d'éraflures, terrains propices aux craquements et autres artéfacts sonores désagréables. Le CD a suivi, les éditions spéciales aussi.

Le IV est mon album-phare au milieu de la production pléthorique dans laquelle vit le rock, où il faut inlassablement séparer le bon grain de l'ivraie. C'est un choix subjectif, là où d'autres auraient choisi ailleurs.

Je ne vais pas m'appesantir sur l'historique de l'opus: c'est le LP zeppelinien sur lequel on a le plus écrit. Le net en est noyé. De ce flot d'informations je ne retiendrai qu'un fait. Led Zep III (chef d'oeuvre..!) fut descendu en flèche par la critique pro; le groupe désireux de recadrer tout çà sortit le 4 dans l'anonymat et attendit les chiffres de vente: ils dépassèrent les espérances. De la frustration du III naîtra un bijou et une critique terrassée (Page ne pardonnera jamais).

Face 1

01&02: "Black Dog" et "Rock and roll":

Deux brûlots enchaînés sans temps mort sur l'édition originale vinyle.

Un célèbre auteur SF, Joël Houssin*, un temps chroniqueur rock au sein de "Rock & Folk" écrivit dans un hors-série consacré au groupe et à l'album: "[de BlackDog]...On s'en tire de justesse, la langue pendante. On va se reposer maintenant, hein ? Tu penses... Y'a une deuxième lame [Rock and roll] qui te cisaille la cervelle juste avant qu'elle se rétracte". Houssin mettant Gilette au service du hard-rock, j'adore..!

Ne parlons pas riffs (ils appartiennent à la légende) mais soli.

C'est au coeur de ces deux titres que l'on perçoit à son zénith le style de Jimmy Page en mode hard rock "on": dans cette manière abrupte, violente et speed qu'il a de plonger subitement en solo, comme basculant du haut d'une falaise. On saute avec lui, littéralement, ressentant alors la sensation jubilatoire d'être placé en perte d'équilibre. Dans ce qu'il nous proposait dans le thème central, une déchirure surgit lorsque l'eau s'ouvre en bas de falaise. Gare aux éclaboussures, Page va mettre des notes de partout.

On n'a pas vu venir Page. Il agit en traître sur un riff stoppé net le temps d'un très bref répit, use en rebrousse-poil d'une accélération subite du tempo, sans sommation préalable, en mec couillu qui a envie d'en découdre au plus vite. Le déboulé des notes s'accélère (surtout sur "Rock and roll"). Un chien (noir) grognait et menaçait sur le riff principal, encore à l'attache, il attaque et mord au sang sur le solo. Pas de quartier.
C'est typique du jeu de Page, cette bascule brutale dans ce qui ressemblerait à de l'insécurité si ce n'était pas si bien maîtrisé. Il agit alors en manière d'écorché vif qui ne retient pas plus longtemps ses cris et griffe les aigus de sa hargne (Cf "Black Dog").

A cette volonté de puncher et de cogner sec en entrée de solo, s'ajoute celle d'asséner le K.O dans le déroulé des notes. On pourrait appliquer à la méthode les titres d'albums de deux groupes des 70's: "Blow your face out" (J.Geils Band) et "On your Feet or on your knees" (Blue Oyster Cult).

03: "The Battle of Evermore"

Led Zep était en état de guerre dès le début de cette première face, le temps de deux offensives hargneuses, de brusqueries épiques, de coups de gueule à faire péter les vu-mètres, de déflagrations pétaradantes à cheval sur le mur du son.
Le Dirigeable de Plomb, en rupture de bombardement aérien strident, reprend son souffle et s'apaise. L'armistice est signée, les canons tonnent encore faiblement à l'horizon, les soldats souhaitent le repos. Page et consorts offrent l'apaisement de la berceuse.
"The Battle of Evermore"s'ouvre. Bonjour les voix en harmonie (ou pas), celle de Plant et en guest-star celle de Sandy Denny (Fairport Convention),chantre alors d'un folk-rock de haute qualité. Page se met en retrait, les voix se portent au premier plan. C'est beau et reposant.
Les soufflés au fromage que furent "Black Dog" et "Rock and roll" ne sont pas encore retombés, leurs artilleries lourdes résonnent encore dans les cages à miel, échos lointains de tempêtes; les auditeurs les ont encore en filigranes sonores posés sur les tympans, ils attendent le retour de l'orage et du tonnerre.
Qu'ils se rassurent, çà va péter..!

04: "Stairway to Heaven":

C'est LE monument de l'album, le titre le plus connu, la chanson la plus souvent diffusée au monde sur les fréquences radio FM.
Guitaristes débutants vous vous êtes tous essayés à l'intro, peu parmi vous sont parvenus jusqu'à la débauche finale de notes. C'est une affaire de virtuose. Passez votre chemin..!
"Stairway to Heaven" c'est, sur scène, l'instant magique des briquets allumés sous les lumières tamisées, au bout des bras tendus, des lyrics repris en choeur. On croit longtemps au slow langoureux, on se trompe.
Car, en épilogue, attendent les fauves: du lourd, du plomb fondu, de la lave incandescente et de l'énergie brute.
Rentrez les lucioles au propane, tout tend peu à peu, strates après strates, vers la baston ultime, vers le bouquet final. Headbanggers de tous les pays unissez-vous, calez vous sur la cadence qui s'annonce; chevelure au vent vous allez frôler la transe.
Bonham cogne de plus en plus fort sur les peaux. Le tempo s'accélère. La rythmique s'alourdit. La basse de John Paul Jones se fait lourde et pèse de plus en plus. Pageà l'affût lâche bientôt les chevaux, ses notes filent au galop sur la lande.
C'est fini, ce fut grandiose.
Un ange est passé, à califourchon sur une Gibson double manche, des étoiles dans son sillage.

Face 2

05: "Misty Mountain Hop":
Tout est dans la rythmique entêtante posée sur un tempo moyen. Bonham omniprésent passe en force. C'est l'homme du morceau. Jones, en discrétion et en efficacité, ronronne fort (il signe en outre l'intro au piano), Page se colle presque au plus près de la rythmique, en un riff central presque inlassable. Le guitariste n'a pas la liberté qui fut sienne au cours des deux premiers titres, le solo passe en douceur, la pugnacité et la diversité n'est pas de mise. Le refrain est prenant sans aller dans l'écorché. On sent dans le profil que la chanson dégage l'ambiance monolithique de certains titres à venir: ceux de "Physical Graffiti" et de "Présence".
"Misty Mountain hop" fut la phase b de "Black Dog". Led Zep joua le morceau un temps sur scène avant de la reprendre après le split lors de concerts ponctuels

06: "Four Sticks":
Bonham usa de deux paires de baguettes, une dans chaque main à l'enregistrement. D'où le titre. La chanson a un profil presquesimilaire à celui de la précédente si ce n'est qu'elle est plus heurtée, plus hard.

07: "Going to California":
Instruments acoustiques à tous les étages (guitare et mandoline), le titre emprunte au folk et se démarque agréablement de la folle énergie ambiante. Ce 7ème titre est une douce pause, tranquille et mélancolique, portée par la voix reposante de Plant.
En compagnie de "The battle of Evermore", "Going to California" est une oasis tranquille dans l'oeil du cyclone. 

08: When the Levee Breaks":
Bonham est une nouvelle fois à l'honneur. D'entrée en vedette, il assène un riff batterie légendaire, obsessionnel et entêtant, implacable et mémorisable à l'égal d'un riff guitare. Le batteur pose le tout en pulsations puissantes, profondes, lourdes et pesantes. Il prend toute la place. Le riff de Page et le rauque et sourd harmonica de Plant (qui ici n'intervient que peu au chant) tournent autour du batteur en serviteurs presque effacés. John Paul Jones se fond dans la masse, à l'expérience.
Led Zeppelin montre ici sa pleine force: 4 individus au service d'un tout. Quand le batteur doit prendre sa part de lumières, le guitar-héro, objet habituel de tous les regards, s'efface. 
Titanesque. 7 minutes de bonheur.

CE QUE J'EN PENSE:  Le groupe poussa le rock et sa faune dans le chemin qu'il emprunta, celui de la fureur sonore et du calme apaisant. Certains suiveurs ne retinrent que le bruit et l'outrage (Led Zep en pris aussi hélas sa part), s'installèrent dans des poses imbéciles, des garde-robes clownesques. On entrevit alors le rock au travers d'un miroir déformant. Une nuée de groupes se mit à la traîne du Zep, dans l'ombre du géant, dans le sillage d'un dinosaure capable de toutes les magies sonores.
Peu en sortir avec les honneurs
Il y a le bon et le mauvais hard, Led Zep appartient au chef d'oeuvre fait groupe. :-)

"Long live rock n' roll"

* Joël Houssin écrivit en 1990 pour Présence du Futur un roman uchronique intitulé "Le temps du twist" qui imagine un monde dans lequel Led Zeppelin reste encore à inventer.  
Quelle hérésie..!




2 commentaires:

  1. Led Zep un de mes premiers coup de coeur .Whole Lotta Love la claque de mes 15 ans , ... Je crois que c'est le dernier 33 tours que j'ai acheté d'eux ..
    Patrick.

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    Réponses
    1. Du IV, j'en ai 3: un (1971, pressage France) en LP qui part en poussière façon dentelle du Puy à force d'avoir tourné. Le second qui a précédé la version CD.
      "Whole Lotta Love": du 2, une claque grâce à un riff magique (peut-être historiquement le plus important du hard-rock)

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