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jeudi 11 octobre 2018

Les yeux du temps - Bob Shaw




Réédition Livre de Poche SF (première série) n° 7031 (1978)


Première édition française: Opta CLA 1973 en compagnie de "L'autre présent"


Le "verre lent": un matériau synthétique découvert par hasard, au détour de la commercialisation ratée de nouveaux pare-brises pour avions supersoniques. Cas d'école classique d'une expérimentation scientifique qui rate son objectif mais en atteint un autre.

Le "verre lent" est prometteur, tant les retombées prévisibles de sa découverte ouvrent bien des possibles commerciaux, politiques, sécuritaires...etc

Qu'a t'il de spécial..?

Monté, par exemple en vitre, sur le cadre d'une fenêtre, il n'est de prime abord qu'un verre d'apparence banale. La lumière qui le traverse d'une face à l'autre, considérablement ralentie par la densité artificielle et peu commune du matériau, met des heures, des jours, des mois, voire des années pour en sortir. Plus le verre est dense et "réfractaire" plus la restitution de la lumière se fait attendre. Côté entrant le verre absorbe l'image qu'il reçoit, côté sortant il la restitue à l'issue d'un laps de temps plus ou moins long. Et çà marche dans les deux sens. Le rendu est de très haute définition tant sur les images fixes que sur les scènes en mouvement absorbées. Le temps de restitution est de durée égale à celui d'exposition.

Alban Garrod, un scientifique, est l'inventeur du "verre lent". Il fera fortune mais passera le reste de sa vie à se demander s'il a bien fait d'en commercialiser les applications induites innombrables, prometteuses, innovantes et de nature à chambouler le monde. Mises au service de l'humanité aucune d'entre elles ne sera vraiment innocente: se montrant toutes tour à tour néfastes ou bénéfiques. Tout réside dans les intentions, pacifiques ou guerrières, de celles et ceux  qui utiliseront les potentialités du nouveau matériau. Il se montrera tour à tour arme ou bienfait.

De quel côté penchera la balance de son influence sur le monde ?

Tout le pitch du roman est là, dans la simplicité du postulat de départ qui précède.

L'exploitation qu'en fait Shaw va faire remonter bien des conséquences. Bien qu'il me semble que l'auteur aurait pu gratter davantage et mettre à jour d'autres "possibles". Mais le bouquin, daté des 70's US imposant un one-shot rapide, ne pouvait pas s'attarder au-delà des 220 pages standards. Je reste persuadé que du thème, un auteur SF actuel aurait rendu copie plus diluée et proche de l'exhaustivité.

Penchons nous, par exemple, sur quelques utilisations possibles de l'invention.
Le verre lent peut capturer l'ailleurs et/ou le passé.
Absorbant longtemps, par exemple, la ruralité d'une scène alpestre il peut la réinjecter dans un appartement urbain lorsqu'il remplace la baie vitrée donnant sur l'extérieur.
Visualisant une scène de crime sans coupable démasqué il dévoilera son nom au terme de son temps de restitution.
Ces deux exemples ne sont que des gouttes d'eau dans un océan d'applications innombrables.
Le lecteur les découvre progressivement. Elles sont le sel du récit. Shaw offre à son lecteur un catalogue de conséquences inattendues: policières, politiques, sentimentales ... jusqu'à la vision finale que G. Orwell n'aurait pas désavouée.

Sur le fond, l'ouvrage se lit à la manière d'un récit d'anticipation scientifique d'antan. Il a beau avoir été écrit durant les 70's, on sent encore la patte des pionniers SF. On y essore le postulat pseudo scientifique dans les moindres recoins pour en extraire tous les jus.
Sur la forme, l'auteur nous montre plus de modernité de ton au-delà du charabia scientifique de rigueur, nécessaire et suffisant à crédibiliser le propos. Shaw possède en outre une certaine propension à un style poétique efficace.

"Les yeux du temps" fut à l'origine une simple nouvelle, "Lumière des jours enfuis", OPTA, Fiction n° 205, 1971. Elle fut nommée au prix Nebula de la meilleure nouvelle courte 1966. L'idée d'un roman ayant le "verre lent" comme thème central germa ensuite. Shaw accola autour de la nouvelle initiale d'autres nouvelles et un liant à la manière d'un fix-up. L'ensemble n'est pas homogène. On trouve des moments faibles, articulés presque de force, mal assemblés sur la construction choisie; et d'autres très forts, en particulier dans l'intégralité de la nouvelle fondatrice.

En quelques mots, j'ai eu l'intuition de lire, en cet instant précis, un de ces purs romans de SF, tels qu'ils furent construits à un certain Age d'Or du genre; un de ces bouquins type qui avaient faits école; juste avant qu'ils ne basculent du côté de la Force désuète et vieillotte de la SF. Ce me fut un fragile instant d'équilibre temporel incertain entre deux façons de concevoir la SF.

A titre indicatif, ci-dessous, le quatrième de couverture de l'édition que je possède, à savoir LdeP SF 7031, la première image. (Je ne possède malheureusement pas la version Club du Livre d'Anticipation de chez OPTA)

 "Mieux que la photographie, le cinéma ou le magnétoscope  : le verre lent. Un verre qui absorbe l'image et la restitue, selon son épaisseur, deux mois, deux ans, vingt ans plu tard. Au début ce n'est qu'une invention de plus, avant tout artistique.
     Chez vous, durant le plus noir des hivers, vous pouvez retrouver toutes les journées ensoleillées des étés enfuis. Mais le verre lent peut être témoin de tout.. Il emmagasine et restitue les êtres, les visages, les faits, les méfaits. Et s'il peut être aussi grand qu'une falaise, il peut également être réduit aux dimensions d'un grain de sel. Dès lors, comment se dissimuler à ces milliards d'yeux du temps  ?"


44 commentaires:

  1. J'ai l'impression que tu fais souvent renaître de vieilles éditions dans tes chroniques. Je ne connaissais pas cet auteur et je me demande s'il a d'autres titres plus "connu". En tout cas, la façon dont tu parles de celui-ci me donne envie d'en lire plus.
    Je ne savais pas qu'il y avait un diktat sur de la taille d'un roman dans les années 70 aux US, merci de me l'apprendre.

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  2. J'ai l'impression que tu fais souvent renaître de vieilles éditions dans tes chroniques.
    >>> Je suis collectionneur SFFF compulsif depuis plus de quarante ans. Je n'ai qu'à puiser. Nombre de collections se sont cassées la gueule malgré des fonds d'importance. Cà m'amuse de leur donner un peu l'air.
    Je possède la version Livre de Poche SF 1ère série de "Les yeux du temps". Et hélas, pas celle du Club du Livre d'Anticipation Opta de la première édition française.
    Il va me falloir trouver un moyen pour que sur les //s apparaissent de manière précise les romans que je chronique et possède. Ta manière au sein de http://livrepoche.fr/ de faire apparaître tes 1 de couv au premier plan d'un background visuel en rapport me plait bien. Puis-je t'imiter ?
    Les romans du LdP SF 1ère série s'étalent de 1977 à 1981, on ne les différencie du LdP meanstream que par une charte graphique propre peu prégnante et une numérotation de tranche qui monopolise les 7000 (de 7000 à 7069) sous la houlette de Michel Demuth (qui traduisit "Les yeux du temps") et J.B. Baronian
    Ce sont pour la plupart d'authentiques chef d'oeuvres SF réédités et issus de fonds prestigieux. On y trouve Dick, Silverberg, Ballard, Spinrad, Moorcock, Vance, Sheckley...

    Je ne connaissais pas cet auteur et je me demande s'il a d'autres titres plus "connus"
    >>>> C'est un auteur irlandais, peu prolixe et écrivain SF mineur. Il connut son heure de gloire avec une nouvelle primée aux Nebula en 66 intitulée "Lumière des jours enfuis" (ne pas confondre avec un roman signé S. Baxter et A.C. Clarke). Elle sert de base thématique aux "Yeux du temps" On la retrouve au sommaire d'une magnifique anthologie en "Omnibus" titrée "Nouvelles des siècles à venir" qui ne paie pas de mine mais regroupe 80 nouvelles parmi les meilleures et les plus primées de tous les ages de la SF.
    Je n'ai lu de lui que deux romans et la nouvelle ci-dessus. Outre "Les yeux du temps" mon intérêt s'était porté sur "Une longue marche dans la nuit" (toujours en LdP 1ère série) qui use d'un pitch basé là aussi sur la vision (étonnant cet aspect thématique récurrent): comment s'évader de prison quand on est aveugle mais capable d'accéder à la vision d'un rapace survolant la dite prison...? Ne m'en demandes pas plus, la lecture remonte maintenant à loin.
    Il semble avoir écrit d'autres choses (mais apparemment relativement peu) mais mon expérience avec lui s'est arrêté là: deux romans et une nouvelle (que je te conseille)
    Bob Shaw n'est pas, non plus, semble t'il, source de rééditions. Je peux comprendre. "Les yeux du temps" est vraiment au bord de la désuétude.

    En tout cas, la façon dont tu parles de celui-ci me donne envie d'en lire plus.
    >>> MDR. Il va te falloir fouiller les bouquinistes ou passer par Ebay et consorts.

    Je ne savais pas qu'il y avait un diktat sur de la taille d'un roman dans les années 70 aux US, merci de me l'apprendre.
    >>>> Cà a bien changer, isn't. Les 70's étant plutôt la décennie charrière durant laquelle les oeuvres ont commencé à gonfler en pages, en cycles...etc

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    1. Tes connaissances encyclopédiques sont impressionnantes.
      — "Ta manière au sein de http://livrepoche.fr/ de faire apparaître tes 1 de couv au premier plan d'un background visuel en rapport me plait bien. Puis-je t'imiter ?"
      Bien entendu. Mais je t'avoue que je ne fais pas tant d'effort pour faire coller le background avec la couv. La plupart du temps, c'est aléatoire.

      — "Bob Shaw n'est pas, non plus, semble t'il, source de rééditions. Je peux comprendre. "Les yeux du temps" est vraiment au bord de la désuétude."
      C'est ce qui me semblait, je n'ai pas souvent vu son nom dans les librairies. Je n'ai pas pris le temps d'aller trainer chez un bouquiniste et finalement, c'est tant mieux car avec près de 200 romans en attente de lecture, il vaux mieux pas que je craque.

      — "Cà a bien changer, isn't. Les 70's étant plutôt la décennie charrière durant laquelle les oeuvres ont commencé à gonfler en pages, en cycles."
      Avec une dilution du rythme et de l'intensité pour gonfler (comme tu dis) en pages et en prix.

      En tout cas, merci pour cette mine d'information.
      À plus…

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    2. C'est ce qui me semblait, je n'ai pas souvent vu son nom dans les librairies.
      >>>> Cà me fait rire. Il faut toujours une chaine d'événements inattendus pour que l'on se trouve à lire tel ou tel livre, surtout un truc peu connu, passé inaperçu. Concernant "Les Yeux du temps", au-delà de l'achat non suivi de lecture il y a 40 ans, il m'a fallu trouver dans le listing Babelio de Cheyenne-Tala un titre de la même collection, un roman tout aussi mineur mais passionnant: "Le Onzième commandement" de Lester Del Rel. Je suis descendu en cave pour trouver le Del Rey et le chroniquer, je suis remonté avec le Shaw, également.

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    3. Et encore, on a pas l'origine de l'intérêt de Cheyenne Tala pour "Le Onzième commandement" de Lester Del Rel. Et qui sait, à force de le lire et de le chroniquer de ci de là, il pourrait avoir un regain d'attraits pour cet auteur…

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    4. l'origine de mon intérêt pour le onzième commandement est très simple, c'est ma mère qui me l'a envoyé.. il faisait partie de sa collection de bouquins (elle pourrait ouvrir une bibliothèque), donc de temps en temps elle m'envoie un colis bourré de livres.... ah le bonheur à l'état pur....

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    5. c'est Lester Del Rey ...( pour le raccourci, puisqu'il a un nom à rallonge impossible à mémoriser )

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    6. ...et moi qui croyais, mmmmmdr, que c'était le vrai nom de Del Rey qui t'avait mené vers ce "11ème commandement", que tu le connaissais par coeur avant, plus que son nom de plume, sans faute d'orthographe.

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    7. sont fous ces espagnols ! sans déc'! :-D

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    8. Ramon Felipe San Juan Mario Silvio Enrico Smith-Heathcourt-Brace Sierra Y Alvarez del Rey y de los Uerdes

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    9. Tu as de la chance Cheyenne, moi, je suis obligé de voler les bouquins de ma mère. ;)

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  3. Il y a énormément de blogs littéraires qui ne se consacrent qu'aux livres du moment.. alors pourquoi ne pas parler de quelques " vieilleries"?
    c'est la meilleure façon de les sauver de l'oubli..

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    1. Bongu, si on ne fait que dans les vieilles dentelles on a pas encore le c** sorti des napperons.

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    2. faut faire un panachage! un peu de vieux et un peu de jeune! pas de discrimination que diable!

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  4. « à l'origine une simple nouvelle, "Lumière des jours enfuis" »

    Magnifique, cette nouvelle.

    Un récit simple, direct, qui dégage émotion et poésie d’une belle idée de science-fiction
    (pour la spéculation sur la technique, le lecteur fera appel à son imagination... ou lira "Les yeux du temps").

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    1. Oui, c'est vrai, la nouvelle laisse la théorie dans le vague (ou presque), le roman overdose un peu trop dans le domaine explicatif.
      C'est, à mon sens, une des plus belles nouvelles SF qui soit.

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  5. "Les yeux du temps" fut à l'origine une simple nouvelle, "Lumière des jours enfuis", OPTA, Fiction n° 205, 1971. Elle fut nommée au prix Nebula de la meilleure nouvelle courte 1966. L'idée d'un roman ayant le "verre lent" comme thème central germa ensuite. Shaw accola autour de la nouvelle initiale d'autres nouvelles et un liant à la manière d'un fix-up. L'ensemble n'est pas homogène. On trouve des moments faibles, articulés presque de force, mal assemblés sur la construction choisie; et d'autres très forts, en particulier dans l'intégralité de la nouvelle fondatrice.
    en fait l'histoire éditoriale de ce roman est encore plus compliquée. Il y a d'un côté les trois nouvelles initiales (les deux d'Analog 66 & 67 et celle de Fantastic 72) et de l'autre côté le "roman" Other Days, Other Eyes paru en deux parties dans Amazing en 1972.
    De façon "lucrative" (comme le dit Stableford dans une des rares études sur l'auteur : Bob Shaw BSFA 1981), l'auteur a fabriqué le roman (un vrai celui-là) Other Days, Other Eyes en intercalant dans le texte de 1972 (qui comme il fait deux fois 40 pages en magazine doit être techniquement une novella) les trois nouvelles (elle s'appellent Digression X en VF et Sidelight en VO).
    Une admiratrice qui ne te remercie pas de l'avoir forcée à remuer tant de papier...

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    1. Je pense savoir qui tu es. Ton style est reconnaissable entre mille et cette volonté de creuser au plus près d'un thème donné est marquée de ton sceau. Tu ne peux pas savoir le plaisir que çà me fait de te relire.Vraiment.

      YEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEES.

      J'ai réussi, j'en suis très très fier.

      C'est pour moi un cadeau inestimable que tu me fais là.
      Merci à toi.

      Quelqu'un quelquefois en visite ici sera tout content, lui aussi. Hein, n'est ce pas..!

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    2. Concernant "Les yeux du temps", je n'avais jamais entrevu la complexité du montage: je la pressentais sans parvenir à vraiment la comprendre, la disséquer. Je voyais les trois nouvelles, un liant. Sans penser que le liant était aussi une pièce rapportée, une novella. Toujours est t'il que l'on sent une énorme différence de qualité entre nouvelles et novela. C'est dommage car Shaw en travaillant davantage les interstices aurait pu fabriquer un chef d'oeuvre.

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  6. on touche là à l'un des problèmes de ce "type" de SF, ce que l'on appelle parfois "Gadget Stories". Dans ce type de texte, le novum (au sens Suvinien du terme) existe dans un isolement à peu près total, c'est à dire qu'il n'influence en aucune façon visible la société qu'il l'entoure (on pensera à Ligne de vie de Heinlein pour un autre exemple célèbre). C'est parfois même considéré comme de la SF plutôt médiocre, comme l'implique en creux la citation de Pohl : “A good science fiction story should be able to predict not the automobile but the traffic jam.”. Hormis une suite d'utilisation ponctuelles malignes et des belles images (les plaques de verre disposées pour capter de beaux panoramas et les restituer que l'on voit dans le CLA), Shaw n'est pas arrivé à aller plus loin dans l'exploitation de son brillant novum.

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    1. Avec toi, je suis capable de traduire l'anglais..!

      Dans la lignée de l'anticipation peu exhaustive se greffe un autre problème: depuis la parution des nouvelles et du roman, du moins en France, 45 ans environ se sont écoulées, les applications technologiques dans la capture des images se sont tant multipliées et améliorées, qu'en 2018, ce que Shaw nous présente ne nous étonne plus, appartient à la réalité.

      Ne subsiste, à la base, que l'optique, ce petit bout de verre bi convexe capable d'absorber et de restituer toutes les magies. Une technologie moyenâgeuse qui sert et servira encore longtemps.

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    2. Je comprends sans comprendre mais que cet échange est intéressant. Je retiendrais le terme "novum" car il est celui que je cherchais (sans savoir qu'il existait) pourquoi je trouvais une oeuvre de SF bonne et une autre moins.
      Merci

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    3. Et encore. Là,Nicolas, nous nous trouvons dans l'extrapolation SF née du scientifiquement plausible. Qu'en est t'il de ses récits qui se contrefichent d'asseoir de manière crédible leurs univers: chez Brussolo par exemple..?

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    4. C'est déjà bien! Je suis largué. Mais qui donc est cet(te) anonyme?

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    5. Je lui laisserai le soin de se présenter elle même de la manière qu'elle désire.

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  7. il serait dommage de réduire la pensée de Suvin au simple "novum". Son apport essentiel (selon moi) est plutôt sa définition de la SF comme Cognitive estrangement, une idée bien plus vaste que le novum, un concept dont l'utilisation pratique présente un certain nombre de problèmes (comment faire quand il y a plusieurs novums, quid de l'uchronie ou des romans comme Le creuset du temps). Pour Avin Morganex, le livre majeur de Suvin existe même en français (celui-là) sauf que cela devient littérature de la connaissance distanciée ce qui nettement moins joli.

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    1. Bongu..!
      https://www.dressagechien.net/wp-content/uploads/2018/05/aspirine-chien-malade.jpg
      Si je comprend bien (mais ce n'est pas sur), un novum peut donc s'inscrire dans un autre novum (ensemble et sous-ensemble), l'anticipation scientifique dans l'utopie par exemple tandis que certains artéfacts sont difficiles à caser: "Le creuset du temps" par exemple car étant la description d'une société improbable: rien que des végétaux agissant comme des humains.

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    2. Anonyme, si tu es la personne que je crois qu’Avin pense que tu es, ça fait bien plaisir de te relire! ^^


      Avin Morganex : « Qu'en est-il de ses récits qui se contrefichent d'asseoir de manière crédible leurs univers: chez Brussolo par exemple..? »

      J’ai tendance à appeler cette science-fiction, proche voisine du fantastique, de la SF surréaliste.

      Anonyme : « (...) Suvin (...) Son apport essentiel (selon moi) est plutôt sa définition de la SF comme Cognitive estrangement, une idée bien plus vaste que le novum (...)
      (...) en français (...) cela devient littérature de la connaissance distanciée ce qui nettement moins joli. »

      C’est vrai que ça ne sonne pas bien.

      Mais je préfère encore ça à« extranéation cognitive » : ça accroche le palais.
      (J’ai même entendu, il y a peu à la radio (je ne me souviens pas dans quelle émission), la traduction « étrangement [substantif] cognitif »)

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    3. Jim: "J’ai tendance à appeler cette science-fiction, proche voisine du fantastique, de la SF surréaliste"
      >>>> Cà me parle, en collant parfaitement au propos. J'entrevois la correspondance avec certains peintres et leurs œuvres libérées du contrôle de la raison.

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    4. Jim: "Anonyme, si tu es la personne que je crois qu’Avin pense que tu es, ça fait bien plaisir de te relire! ^^"
      >>>> Si c'est bien çà, Jim, tu te rends compte, non mais, tu te rends compte..! Je n'y crois pas encore vraiment...!

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    5. en tant qu'intégriste du genre, j'aurai tendance à considérer "SF surréaliste" comme un oxymore et, de ce fait, les textes de SF surréaliste comme n'étant pas des textes de SF.
      En ce qui concerne Brussolo, c'est globalement plus du fantastique que de la SF, ou alors c'est du Brussolo (un genre littéraire à part).
      En ce qui concerne Suvin, il faut se rappeler que ses écrits initiaux datent d'un quarantaine d'années et qu'il est possible de "faire son marché" dans les défintions et/ou les approches au genre.
      Par exemple (en simplifiant à l'extrême), Suvin caractérise la SF par la rigueur (scientifique=> cognitive) de ses sauts métaphoriques (=>estrangement) alors que Delany caractérise la SF par ses protocoles de lecture et Saint-Gelais et ses épigones le font par l'utilisation d'une xénoencyclopédie spécifique.
      Chacune de ses approches est sans doute "bonne" et n'est qu'un coup joué dans le grand jeu de la définition de la SF, jeu qui se finit souvent par les tautologies connues comme celle de Spinrad : "Science fiction is anything published as science fiction.".


      remembrance of things past

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    6. Au final, le mec qui a pondu le terme initial de Science-Fiction délimitant alors le genre autour des caractéristiques d'un magazines US, au-delà de sa bonne volonté évidente, n'a permis que de laisser perdurer un terme qui ne coïncide plus guère qu'à une frange mineure du genre: la hard-SF.

      Que penses-tu de la simplication actuelle qui utilise le terme SFFF ?

      Concernant Brussolo: c'est au final un ALNI (un Auteur Livresue Non Identifié)

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    7. Au final, le mec qui a pondu le terme initial de Science-Fiction délimitant alors le genre autour des caractéristiques d'un magazines US, au-delà de sa bonne volonté évidente, n'a permis que de laisser perdurer un terme qui ne coïncide plus guère qu'à une frange mineure du genre: la hard-SF.

      non, pour moi la Science Fiction c'est (bêtement) une fiction utilise les possibilités et/ou la démarche de la science, comme c'est une fiction, les possibilités sont donc imaginaires (sinon c'est une thèse). Du coup le terme n'est pas si mal choisi, en tout cas meilleur que Fiction Spéculative par exemple (après tout, toute fiction n'est elle pas spéculative ?).

      La querelle du nom est pour moi terminée depuis longtemps, et c'est "Science Fiction" qui a gagné.

      Sur SFFF, c'est un vieux serpent de mer, comme les (la) littérature de l'imaginaire. Il n'y a pas grand chose de commun entre SF, Fantasy et Fantastique (y compris au niveau des lecteurs). C'est juste un sous-ensemble plus grand de la littérature donc avec potentiellement plus de poids (cf. les états généraux de l'imaginaire) pour avoir une plus grosse part du gâteau.

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    8. "pour avoir une plus grosse part du gâteau"
      >>>> hé hé hé...! Naïf je voyais çà d'une manière plus altruiste, plus consensuelle. Mais, y'a de çà, faut reconnaitre..!

      XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX

      C'est marrant, je n'ai jamais perçu cette recherche de définition comme une querelle mais plutôt comme des tentatives parallèles se cherchant une croisée. Elles essayaient de rallier le maximum de personnes sous une étiquette commune. Mais avec le secret désir put-être de voir leur version prendre le dessus.
      Alors bien sûr, au-dessus de çà, semble tourner le grand manège éditorial qui se fait girouette à la recherche du bon vent. Exemple avec "L'échiquier du mal" de Simmons qui, dans la même maison ou presque, un coup se montre sans véritable étiquette, la suivante "Fantastique", puis "SF". Mais tu as raison: se rallier au consensus commun est la meilleure des solutions d'autant que c'est une des solutions les plus évidentes pour reconnaitre ses petits.

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    9. Anonyme : « en tant qu'intégriste du genre, j'aurai tendance à considérer "SF surréaliste" comme un oxymore et, de ce fait, les textes de SF surréaliste comme n'étant pas des textes de SF. »

      Et tu aurais certainement raison, cette appellation rentrant dans la catégorie « j’me comprends » n’ayant aucune vocation à officialisation... ^^

      « (...) toute fiction n'est-elle pas spéculative ? (...) »

      Au sens strict, effectivement.

      Après, « spéculatif » a des connotations qui renvoient au domaine scientifique (et financier).
      Toutefois, ce n’est pas avec des connotations qu’on fait des définitions.

      « La querelle du nom est pour moi terminée depuis longtemps, et c'est "Science Fiction" qui a gagné. »

      Itou.

      Avin Morganex : « C'est marrant, je n'ai jamais perçu cette recherche de définition comme une querelle mais plutôt comme des tentatives parallèles se cherchant une croisée. (...) »

      C’est une vision louable (que je partage) ; mais il ne faut jamais sous-estimer la capacité des individus à se chercher querelle ! ^^

      « Exemple avec "L'échiquier du mal" de Simmons qui, dans la même maison ou presque, un coup se montre sans véritable étiquette, la suivante "Fantastique", puis "SF". »

      De la problématique de situer les pouvoirs psi...

      N’est-ce pas Dick qui disait, hâtivement, au sujet des Plus q’humains de Sturgeon, qu’entre SF et fantastique, c’était indécidable ? Il allait bien vite : généralement, en fonction de la contextualisation et de la portée de ces pouvoirs, l’on peut trancher.

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    10. Jim : N’est-ce pas Dick qui disait, hâtivement, au sujet des Plus q’humains de Sturgeon, qu’entre SF et fantastique, c’était indécidable ? Il allait bien vite : généralement, en fonction de la contextualisation et de la portée de ces pouvoirs, l’on peut trancher.

      je suppose qu'il s'agit de sa lettre du 14-05-1981. C'est de l'enfoncement de portes ouvertes (à ce titre on peut aussi dire que le FTL ou le voyage dans le temps est de la Fantasy). Bien évidemment que l'interprétation personnelle peut jouer mais, du coup, si chaque définition est strictement personnelle il n'y a plus aucun dialogue possible.
      Une des plus intéressantes méthodes est celle des "fuzzy sets" (importée par Attebery), il existe un article de Rieder sur ce sujet (Rieder c'est bien, lisez-en).

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    11. Anonyme: "fuzzy sets"
      >>>>> Tu m'en veux si te demande davantage d'explications..?

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    12. Anonyme encore; "FTL"
      >>>> ????. Faster Than Ligt ? Alors, là si y'a un truc qui m'énerverait de trouver en Fantasy c'est bien çà. C'est quand même l'archétype de l'ingrédient type.
      Encore qu'en fouillant on doit le trouver quand même au creux des pays à potions et sorts magiques.

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    13. le mieux est sans doute de lire Rieder dans le texte (dans cet article de SFS me semble-t-il).
      Le bout sur les fuzzy sets est pages 194 & 195.

      Cet article est un peu la version originale et condensée du remarquable livre de Rieder Science Fiction and the Mass Cultural Genre System.

      Il pose cinq principes :

      1) sf is historical and mutable;
      2) sf has no essence, no single unifying characteristic, and no point of origin;
      3) sf is not a set of texts, but rather a way of using texts and of drawing relationships among them;
      4) sf's identity is a differentially articulated position in an historical and mutable field of genres;
      5) attribution of the identity of sf to a text constitutes an active inter vention in its distribution and reception.

      C'est assez brillant, et j'avoue qu'après avoir lu un auteur de ce calibre (comme tous les gens qui ont apporté du neuf à l'étude du genre, de Suvin à Rieder en passant par Delany ou Brigg même si tous n'ont pas fait école), je me sens toujours plus intelligente et je suis un instant persuadée que j'ai perçu l'entièreté du genre.

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    14. Pour ce que je parviens à traduire des cinq principes (j'arrive néanmoins à en comprendre l'essentiel) çà me parait pour le moins destructeur. le point 4 me pose problème car je ne parviens pas à le traduire correctement du haut de mes faibles connaissances en anglais. Du coup il m'est incompréhensible.

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  8. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  9. Merci pour lien, vers l'article de Rieder !

    Je lirai ça à tête reposée...

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  10. https://www.facebook.com/francetvnature/videos/769897754363218/

    La finalité n'est pas celle du "verre lent" de Shaw.
    Mais il y a de çà.

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    1. https://www.youtube.com/watch?v=8KzI4BEIwtc
      L'idée de la chlorographie appliquée à l'automne et aux "feuilles mortes" (merci Mr Prévert) me plait irrésistiblement.

      En y associant "L'homme illustré" de Bradbury on peut imaginer, en tas sous le balai du cantonnier ou en vols folâtres poussées par le vent, des millions d'histoires figées comme en vignettes de BDs, des souvenirs éphémères de celles et ceux morts dans l'année et qui peu à peu, nous disant à bientôt, vont plonger dans l'éternité gelée de l'hiver…

      _"Dis, j'ai vu passer ta belle-mère
      _Sur une feuille morte ?
      _Oui..!
      _Bon vent...!"

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