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vendredi 26 avril 2019

Un homme nommé Trottner - Claude Rank



Fleuve Noir Espionnage n°605 - Sous collection "Le monde en marche" - 1967


Je peux spoiler totalement ce petit roman issu de la plus populaire et prolifique collection d'espionnage française. Il y a une chance infinitésimale pour que vous y tombiez dessus en occasion (il ne fut jamais réédité et ne le sera pas), que vous preniez la décision de le lire ou que ma chronique vous y pousse.

Un  bourg bien français sous l'Occupation, près d'Aubusson.
Les frères Réal.
Deux ex-républicains, rescapés de la terrible Guerre d'Espagne. Ils ont fui le Franquisme.
De 1941 à la Libération ils collaborèrent avec l’ennemi, vendirent les maquis du Massif Central. Protégés par les autorités allemandes locales, ils pratiquèrent impunément le marché noir intensif et d'autres exactions discrètes. Ils furent aidés par un cheminot et un bistrotier qui les renseignèrent volontiers et demandèrent peu.
A la Kommandantur, Trottner, un colonel allemand honnête, composa avec eux le moins souvent possible. Utilisant leurs renseignements avec le minimum d’efficacité, il se heurta à son second qui n'accepta pas un filon de trahison aussi faiblement exploité.
Les deux espagnols livrèrent un maquis. Trottner absent, son adjoint fit encercler le réseau trahi. L'affaire tourna mal. Sans capturer quiconque, il perdit plusieurs de ses hommes. Exécutions d’otages civils s'ensuivirent.
Trottner, de retour, envoya son second à la mort sur le front sibérien. Pour la population civile, le colonel se doit d'endosser le massacre des otages, même si chacun le sait innocent.
Capturé à la Libération, il fut jugé par un tribunal militaire et civil composé de 5 hommes et d’une femme: les frères Réal, le bistrotier et le cheminot, ce dernier accompagné de sa maîtresse. Trottner fut condamné à mort (une seule voix sera en faveur d’une justice moins expéditive : celle d’un professeur d’art dramatique). Le colonel allemand fut exécuté sur le champ.
Dix ans plus tard, les frères Réal, pour faire fructifier leur entreprise déjà florissante, ont besoin d'obtenir la nationalité française. Ils redoutent l’enquête de moralité associée à la demande, cherchent à faire table rase d'un passé commun peu glorieux. Le professeur d’art dramatique semble avoir compris les tenants et aboutissants de l’affaire Trottner, cherche à prouver ses accusations à l'encontre des deux ex-républicains à l’aide d’un film amateur retraçant leur parcours. Les Real chargent le bistrotier et le cheminot d’assassiner l’homme discrètement. Le film n’est pas retrouvé sur les lieux. A Bonn aux archives de la Werrmacht un employé est tué, les archives de la Kommandantur d'Aubusson disparaissent. La maîtresse du cheminot meurt accidentellement. Le vide se fait autour des frères Real.
1967, la Force M, une unité d'espionnage et de contre-espionnage, est chargée de suivre l’itinéraire d’étranges espagnols qui assassinent des ex-républicains sur le territoire français. L'enquête débouche sur la piste des frères Real : sous couvert républicain ne sont-ils pas des agents doubles phalangistes devenus brusquement gênants pour le régime franquiste.
C’est alors qu’entre en scène Trottner Junior.
Bébé à la mort de son père, il vécut toute son enfance et son adolescence dans le culte familial de celui qui fut injustement condamné et exécuté pour crimes de guerre, que les alliés et les autorités allemandes dépouillèrent de tous biens. Devenu militaire, le fils profite de manœuvres franco-allemandes conjointes près d’Aubusson pour enfin déterrer la vérité sur l'affaire et prouver l’innocence de son père. La Force M  va l'aider, trouvant en lui un allié de circonstances...
Trottner avec ses questions trop pressantes et précises, inquiète la population civile et surtout les frères Réal. Ils se sentent menacés, se dévoilent imprudemment en cherchant à faire taire les témoins encore en vie. La prescription des faits n'y fait rien. Rester immobiles leur assurerait l’impunité; ils réagissent brutalement pourtant. Le bistrotier est assassiné par le cheminot. Trottner échappe à un sabotage manqué sur son automobile, survit à une explosion criminelle dans l’enceinte militaire allemande. Le film est retrouvé, mais constitue davantage un témoignage qu’une preuve.
Ultime piste: le cheminot. Le convaincre de témoigner. Arguer du fait qu’il est resté dans la misère alors que ses complices sont devenus millionaires. Lui dire que sa peau, désormais,  ne vaut rien car tôt ou tard les frères Réal le tueront. Face à l’évidence, l’ultime témoin s'en prend aux biens des deux frères. Et dans une apocalypse de violence et de feu, les Réal interviennent. L’un deux trouve la mort, l'autre survit et avoue.

CE QUE J’EN PENSE : J’ai très longtemps cherché à relire ce roman qui avait fortement marqué ma jeunesse. Difficile à trouver, je l’ai lu récemment, fruit d'une boite à livres.  C’est avec infiniment de crainte que je l'ai commencé et de déception que je l'ai fini. La nostalgie a tant de force sur les romans mineurs lus étant jeune. Je n'y ai bien entendu pas trouvé l’émoi étonné qui fut mien il y a longtemps. Pourtant on y retrouve bel et bien tous les ingrédients qui me sont chers : les paradoxes humains issus des conflits militaires terminés. Maintenant plus endurci face à ces drames violents et inutiles, il me faut convenir que celui-ci, ni dans son fond ni dans sa forme ne possède vraiment les ingrédients du chef-d’œuvre entrevu jadis. Pas mal, sans plus. Un de mes meilleurs Fleuve Noir Espionnage lus.

4 de couverture:
"Les blindés en manœuvres foncent dans les rues de la petite ville française ; certains sont français, d’autres portent une croix de Malte qui rappelle de mauvais souvenirs. L’entraînement terminé, un officier allemand va tous les soirs de café en café, parle, fait parler les gens : un homme nommé Trottner. « Trottner ? Un nom tragiquement connu dans le pays. Est-il parent avec le major Trottner qui, vingt-deux ans auparavant, a été fusillé par la Résistance pour crimes de guerre ? » « C’était mon père », dit Matt Trottner. Cette simple phrase va déchaîner les passions, terrifier bien des gens ; entre autres les cinq témoins à charge qui ont déposé jadis devant la Cour Martiale exécutive qui a jugé. Dès le lendemain, un premier dépôt de munitions saute ; un engin est saboté, du matériel spécial mis hors d’usage. Pourquoi le petit lieutenant Trottner est-il brusquement devenu l’homme à abattre ? Prince, la Force « M » interviennent. Et ce qu’ils découvrent derrière cet « homme nommé Trottner » est plus explosif encore qu’un chargement de munitions anti-chars ou de nitroglycérine."
 
Cette chronique pour faire revivre une collection très populaire de 1950 à 1987; quantitativement hors normes (mille neuf-cent-cinq romans dont un bis); des héros récurrents dont Coplan par exemple; des auteurs maison, des exécrables, des médiocres, des moyens, certains devenus légendaires tel Frederic Dard; et ce Claude Rank inattendu, ni pire ni meilleur qu'un autre auquel inexplicablement j'ai accordé une confiance et une fidélité sans borne jusqu'à une date toute récente.
Le FNE ne se collectionne pas, il y a trop d'exemplaires en circulation; dans les années 60 chaque roman est diffusé à cent-quarante milles exemplaires.
Sans oublier Gourdon, l'illustrateur maison de la collection (itou celui du voisin Fleuve Noir Special Police), qui inonda très longtemps de ses couvertures en noir et blanc les unes de la collection.

10 commentaires:

  1. Justement, j'ai 2 exemplaires de cette édition avec la même mise en page spéciale "espionnage" en diagonale. Le Arnaud et le Kenny. Et je ne pense pas que les miens soit mieux que le tien. Heureusement, ne les ayant pas idéalisé (puisque pas lu) dans ma jeunesse, j'en serais moins déçu.

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    1. Paul Kenny, avec son héros fétiche Coplan (Comme dans les Martine, on trouve presque en caricaturant: "Coplan à la ferme", "Coplan à la montagne", "Coplan fait du ski"...etc. MDR). Et Coplan n'a rien pour attirer. C'est mal écrit, c'est misogyne...etc. Et pourtant je crois que c'est la plus grosse vente du FNE (je peux me tromper).
      Bref çà ne me plait pas du tout.

      Par contre G.J Arnaud, c'est différent. En FN Espionnage c'est à tous les coups le Commander (même principe que pour les Martine et les Coplan).
      Et l'auteur y est, AMHA, moins brillant qu'en Fleuve Noir Special Police ou en FNAnticipation où il lança, sur ordre éditorial, sans presque rien connaitre de la SF , ses prestigieuses séries de "la Compagnie des Glaces".

      Mais, avec ces deux auteurs, faut pas se leurrer, on a affaire à du roman de gare, vite lu, vite abandonné, vite oublié. Avec néanmoins un crédit d'auteur nettement supérieur accordé au second.

      Je dis çà, mais ma passion "mauvais genres" me fait avouer un énorme faible pour Arnaud (à ne pas confondre avec le papa du "Salaire de la peur")

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    2. Ps: Claude Rank est quand même d'un autre niveau que Paul Kenny. Il sait écrire mais écrit mal, se sachant au sein exclusif du FNE, payé au rendement. Ses intrigues se construisent sur des backgrounds géo-politiques documentés et des pitchs, certes invraisemblables, mais qui ont le mérite d'être très souvent inattendus et prenants.Celui de "Un homme nommé Trottner" est en contre exemple très sage et très classique.

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    3. Je te remercie pour toutes ses précisions Alvin. Sans toi, je me serais enlisé dans pas mal de merde pour finir avec un ou 2 corrects.

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    4. Du listing que tu m'as envoyé, il n'y a pas grand chose qui surnage. Je suis curieux de connaitre les titres du Kenny et d'Arnaud.

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    5. Pour Arnaud, tu a vu juste, c'est "Le commander souffle la torche" et pour Kenny, c'est "Dossier Dynamite". Avece ce qu tu as dit, je crois que je vais me focaliser plutôt sur les San-Antonio qui, au moins, ont des fans.

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    6. San Antonio, j'y suis allé. Souvent. Au lycée surtout. En rafales serrées. J'en suis revenu gavé comme une oie au bout d'une cinquantaine de romans lus. Je n'y retournerai plus. L'overdose érode, rogne le plaisir, dilue l’œuvre dans un embrouillamini sans intérêt. Le secret pour y perdurer: l'homéopathie, les ponctions ponctuelles, en dilettante, à petites gorgées unitaires sans trop insister. Sinon, les grosses ficelles se découvrent et le plaisir prend la fuite et ne revient plus: on entrevoit la fin des phrases à peine celles-ci commencées, on déniche le n'importe quoi et son contraire, on sent l'auteur commercial prêt à tout derrière le philosophe à deux balles. Dard a un fan club farouche: j'assume les propos (pas taper, pas taper la tête).

      N'empêche, je m'en referais bien un, en passant, juste pour revoir. MDR

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    7. PS: A noter que les premiers épisodes sont très classiques de forme, suivent l'empreinte policière typique de l'époque de parution.

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    8. Je note de les faire à doses homéopathiques.

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  2. LE FNE, c'était la collection populaire par excellence d'une certaine époque maintenant lointaine et révolue. Du quai de gare garanti à chaque parution. 6 par mois, si je me souviens bien. Des auteurs maison payés au rendement. Toujours les mêmes. Des bouquins vite achetés, vites lus, vite oubliés, abandonnés presque sur les lieux de la dernière page tournée, prêtés, donnés, brûlés, en pagaille chez les bouquinistes, en cales sous les pieds d'armoire. Des romans pour boucher un coin de vie immobile, une ou deux heures d'attente. Rien à en attendre, rien à en retenir. Et pourtant celui-ci je l'ai gardé dans un bout de mémoire. Pourquoi ce bouquin conçu sans aucune espoir de postérité me reste t'il dans mon histoire avec les livres. Je n'en sais fichtre rien. Il a du entrer en résonance avec un souvenir qui traînait et qui s'est évaporé en seconde lecture.
    Les auteurs-maisons passaient pour le plus grand nombre du FNA au FNE avec un détour en FN Special-Police.
    Drôle d'époque..!

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