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vendredi 26 avril 2019

A l'Ouest rien de nouveau - Erich-Maria Remarque (V2)




Je viens de retrouver la chronique qui suit dans les tréfonds de mon unité centrale. Elle date de 1999, soit 20 ans pile en arrière. Je ne me souviens pas de l'avoir un jour écrit. Mais ma manière y est, bel et bien.

Qu'en faire ? 

L'abandonner à son fichier word d'origine..?
L'insérer dans les commentaires de celle mis en ligne récemment sur "La convergence des parallèles"


... où elle serait bien trop lourde à lire ?
Ouvrir un autre article en expliquant le problème ?

J'ai choisi la dernière voie car mon ressenti venu d'une autre époque, j'avais alors 44 ans, ouvre d'autres fenêtres sur le roman, d'autres trajectoires de réflexion que celles récemment abordées.


"Putain quelle claque ! Pas la petite, mutine, qui laisse le sentiment d’avoir lu un chef d’œuvre, d’avoir passé un bon moment de littérature, d’en conseiller la lecture à un ami…Non, la grande, la très émouvante sensation de côtoyer la vérité sur la nature humaine, d’en sonder les profondeurs, de descendre, bas, très bas et de ne pas en revenir indemne.

                Durant mon adolescence et beaucoup plus tard dans les années 90 j’avais vu le film, le vieux film en noir et blanc, tiré de l’ouvrage. Probablement, les deux fois, aux alentours des commémorations du 11 novembre 1918. Les images en étaient fortes, très fortes, indicibles, effroyables, oniriques et pourtant si réelles. Je m’étais promis qu’un jour ou l’autre le roman me tombant sous les yeux je le lirai, confiant dans l’espoir que les lignes libéreraient des aspects inabordables au cinéma : les sons, la couleur, les odeurs et les sentiments. Je ne suis pas déçu.

                Première constatation: pour le lecteur, le héros d’un roman porte au fil des chapitres un visage bâti peu à peu au gré des événements, des sentiments, des descriptions. Assez bizarrement celui du héros d' "A l'ouest rien de nouveau" reste un masque blanc de mannequin, surface mate d’impénétrabilité, sans yeux ni bouche.
L’explication pourrait être de deux sortes.
Virtuosité littéraire de l’auteur qui aurait réussi à le rendre totalement anonyme, à poser « tout un chacun » en héros potentiel, sans qu’aucune qualité n’ait été vraiment nécessaire à ce « Monsieur tout le monde" pour participer au carnage » sinon de se trouver là au mauvais moment, au mauvais âge, et à la mauvaise heure. Ici, l’emploi de la première personne du singulier pour faire avancer le récit renforce l’empathie du lecteur sur le héros.
Deuxième raison : l’inconscient du lecteur fabrique ce masque afin de pénétrer davantage dans le récit. A l’appui de mes dires un argument qui vaut ce qu’il vaut : maintenant, à l’issue de la lecture je ne me souviens ni du nom ni du prénom du narrateur alors que les noms de protagonistes accessoires remontent à ma mémoire. Et pourtant je sais que quelque part au creux des pages se trouve le patronyme recherché.
Etonnant et mystérieux !
Ou, peut-être que mes constatations présentes ne me sont que propres et ne relèvent simplement que de ma sensibilité qui n’est sûrement pas la même que chez un autre lecteur.


                Deuxième constatation: les protagonistes du roman sont allemands, mais, çà n’a en soit que peu d’importance quand on sent qu’ils auraient pu être français, anglais ou russes. De l’autre côté de la tranchée les situations, les sentiments, les colères, les révoltes, les soumissions, les peurs, les morts ont été identiques, copies conformes.

                Troisième constatation: l’indifférence masquant l'horreur, comme un remède au pire. Une seule chose compte: la survie. Plus la mort du voisin est atroce, plus ce désir se renforce. Plus l’homme reste longtemps dans les tranchées plus il s’enracine dans la volonté de durer. Autre élément déterminant : cette faim atroce qu’il faut calmer à tout prix, la douleur, la saleté, les parasites, les brimades ne sont qu’accessoires. L’instinct de la bête remonte. Il faut tuer l'ennemi, et manger pour survivre. Même ces jours heureux d’un passé enfui sont un piège qui affaiblissent l’animal, il faut vivre avec son présent. Le héros décrit admirablement son malaise au cours d’une permission où personne ne comprend vraiment ce qu’est le Front.

                Le style de l’auteur alterne brillamment les scènes documents, le plus souvent instants choc et horribles, et les phases d’introspection essentiellement basées sur le fait que « le nord est perdu », que les valeurs ne sont plus celles de l'arrière, celles d'avant, que l’amitié l’emporte sur les liens familiaux, que le futur est une chose floue et totalement aléatoire qui n’a plus aucun sens, que le passé n’existe plus, qu’il faut l’oublier sous peine de s’affaiblir et d’en mourir.

                J’ai longtemps cru cette histoire récit bibliographique d’un quelconque « poilu » allemand. Il n’en est rien : c’est un roman. Richement documenté, basé sur des faits réels, mais regroupant sans doute des événements, des souvenirs d’anciens. A ce titre le récit perd de sa force et de sa puissance.

                Que penser de cette génération sacrifiée, qui à l’égal des futurs vétérans du Vietnam, va se retrouver déposséder de sa jeunesse, de ses espérances, des meilleures années de vie...? Que penser de ces éclopés du physique et du comportement qui, encore en 1999, pour certains, promènent encore, chaque nuit, des cauchemars de sang et de mort."




4 commentaires:

  1. il y a 20 ans, tu étais donc un précurseur de l'esprit " Babélio" ;-)
    en tous cas tu étais déjà dans le schéma du développement minutieux de tes idées!

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  2. tu étais déjà dans le schéma du développement minutieux de tes idées!
    >>>>>>> :-) Que cela en est même un défaut..!

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    1. ben non, je sais pas pourquoi tu dis tjs ça.. c'est ton style c'est tout!

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    2. L'Education Nationale d'antan a son poids là dedans. Pour aider, elle booste maladroitement en mettant le nez dans un "atipysme" à corriger, là où elle aurait mieux fait de l'encourager. Du coup je m'essaie sans cesse à me prouver à moi-même qu'elle s'y est mal pris. En conséquence c'est l’exubérance et un petit bout de ton esprit de synthèse ne serait pas de trop.

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