Glénat Editeur (2011)
Hermann est l’auteur (dessins et scénarios) de Jeremiah, un cycle BD post-apo teinté de western. Pour ce que j’en ai lu, je j’apprécie beaucoup. Qualités graphiques hors-normes et atypisme des scénarios sont au rendez-vous. La série courre avec succès, tant son créateur est prolixe, sur le fil d’une longue carrière, 43 tomes durant de 1979 à 2025. Mazette… ! rien que çà.. ! Sans parler des autres séries (Comanche, Bernard Prince, les tours de Bois-Maury …) et des one-shots en collaborations (ou sans).
Yves H. (scénariste) est
son fils ; les deux générations font ponctuellement cause commune le temps
de quelques one-shots ; l’un aux pinceaux, l’autre au clavier.
En 2011 sort « Une nuit
de pleine lune », une de leurs collaborations intergénérationnelles.
Frissons garantis au cours d’un huis-clos
nocturne angoissant. Cinq petites frappes sont de cambriolage et rien ne se
passera comme prévu … çà va saigner… !
De nos jours, en été, sous une
Pleine Lune de mauvais augure, une haute maison de maitre, isolée en proche
campagne banlieusarde, attend ses visiteurs malintentionnés d’un soir. Un
couple de retraités, de sortie ciné, l’habite. Cinq jeunes profitent de leur
absence ; la serrure est forcée et l’alarme débranchée. Le coffre-fort
résiste, l’artiche reste planqué sous le blindage. La bande de bras-cassés
attend le retour du couple dans l’espoir de leur faire cracher le code du
coffiot et celui de la carte bleue ; suffit d’être convaincants, quitte à
la violence. Ils sont 5 petites gouapes : un geek éternellement connecté à
sa console Nintendo ; une néo-gothique à air-pods ; un hacker du
pauvre ; un fils d’immigré nostalgique du pays où il est né ; une
grande gueule, gros muscles et petite cervelle. On est, bon teint, en pays de
polar noir. Tous les ingrédients sont là. Ça va changer. Le carnage commence.
Le polar noir entrevu se teinte soudain d’horreur sanglante. Bonjour
l’hémoglobine en gerbes sur le papier-peint, bonjour les flaques luisantes de
sang sur les parquets, bonjour les vies trépassées sur la lame d’un couteau de
cuisine entre hall d’entrée et salle à manger. Une série noire s’amorce, c’est
l’hécatombe ; le vieux désormais en chasse, lame de couteau en mains, n’est
pas de la race à se laisser faire et taille dans les chairs. C’est un Alien
à la Ridley Scott qui guette et frappe dans l’ombre, du grenier à la
cave ; tue toutes lumières éteintes (sauf celle de la TV qui passe un
concert rock et sert un temps de bande-son) ; c’est un Scream
binoclard aux lames affutées, un Freddy nouvelle mouture.
On ne se méfie pas assez des
vieux.. !
Cà saigne. D’abondance. Le scénar
s’y complait jusqu’à l’os. Des vies trépassent au cœur de la nuit, sous une
lune froide, placide et sereine, sans empathie aucune. Au petit matin, la messe
est dite, les comptes sont réglés. Ils étaient sept… combien au final ?
L’Horreur (avec ou sans Fantastique
associé), en tant que genre littéraire ou cinématographique, ce n’est pas mon
truc. Je n’y frissonne pas de plaisir et essaie, en conséquence, de m’en
abstraire au plus tôt, l’incompréhension de tout cela en ressenti final. Je ne
m’attendais pas à ce long épilogue brutal et sauvage. J’étais, serein, en
promesse d’un simple polar noir, voire d’un thriller sordide, pas d’un maelstrom
sanglant à la Taxi Driver. Je suis tombé dans autre chose, sur 52 pages
d’un ersaAuLors des tournag de Fantastique très réaliste, sans concessions et
qui ne s’épargne pas les détails. Faut dire que c’est, néanmoins, bien mené,
façon ciné, 25 images/seconde, gros plans, plongées et contre-plongées, plans
américains …. Le fiston Hermann a fait des études ciné et le papa nous
avait déjà habitué à des BDs en mouvements. Pas d’encadrés explicatifs en voix
off. Les vignettes glissent sans heurts, la suivante sur la précédente,
s’emboitent en un montage ciné très dynamique. BD ouverte, c’est une lampe
magique qui s’allume.
La BD me semble un art entre
roman et long-métrage ; là, avec Hermann et Hermann, le 9ème
Art s’acoquine, encres de chine, gomme et crayons-mine mêlés, avec les bobines
de film, la pellicule, les projecteurs et le faisceau de lumière posé sur
l’écran blanc. « Une nuit de pleine lune » est une BD en
cinémascope à interdire aux âmes sensibles. Elle fut, d’ailleurs, adaptée par Julius
Berg en 2000 sous le titre de « The owners ». On en trouve
une bande-annonce sur le Net. Les quelques instants retenus donneraient des
frissons glacés à un pavé de béton.
Dans mon lit froid, hier soir, à
lire ce H&H sous la faiblarde lueur de la lampe de
chevet, couché comme recroquevillé dans un fauteuil de salle obscure, je
me suis pris à redouter que la première s’éteigne et ne repousse plus la nuit,
à espérer que la seconde s’allume enfin et éloigne les ombres.
Pour sûr, je caricature mon
ressenti ; il masque en réalité ce foutu plaisir de voir les auteurs jouer
avec nos fichues peurs, celui de les savoir jongler avec nos craintes
immatures, de nous faire trébucher sur nos zones d’ombre. Alors BD ou film,
polar noir ou thriller Fantastique, quelle importance… !
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