Mon
intérêt pour ce groupe anglais remonte à 1973 et dure jusqu'en 1977, de "Hello" à "Blue for you", le temps de quatre
albums studio et d'un live. J'étais alors dans la mouvance Deep Purple, Led Zeppelin,
Black Sabbath et parallèlement dans
celle, d'un tout autre registre, de Genesis
version Peter Gabriel.
De part
et d'autre de cette parenthèse temporelle de 5 ans il y eut, pour le combo, un
avant et un après . D'un côté les années psychédéliques et celles des
premiers pas boogie-rock durant lesquelles son renom fut moindre, de l'autre
celles où le versant hard-rock s'assagit. Dès "Rockin'
All Over The World", au gré de tournées d'adieux s'enchaînant sans
fin, annoncées comme suit: "C'est la dernière fois que vous les verrez sur scène", le groupe prend le cap d'un boogie plus soft.
1973-
1977 furent mes années Status Quo.
Celles résolument hard du groupe. Je ne renie pas cette période à une musique
simplissime consacrée. Le hard-boogie-rock du groupe me chopa alors le temps de
quelques albums. Corps et âme. Le coup de foudre vint, la magie s'installa et s'est
ensuite évanouie doucement au gré d'autres rencontres rock plus sophistiquées.
La routine musicale qu'imposa le groupe, quelques albums si semblables les uns
aux autres, lui fut presque fatale.
1973-1977
fut pour le groupe l'intervalle de temps où il s'installa dans un son
hard-blues archétypal, graisseux, gras, puissant, asséné au marteau-pilon. Ce
fut le début du "sold out" des concerts "all over the
world" (même si le titre ne vint en studio qu'en 78).
Pourtant,
en 1973, le groupe n' avait absolument rien inventé, pompant, s'inspirant,
mettant au goût du jour un style fort prisé des bluesmen noirs américains des
années 20: le boogie. Le roulement lancinant des wagons le long des rails.
Pas de
sophistication musicale, pas de dentelle ni de finesse, pas de recherche; du
brut de pomme, de l'essentiel, du primordial réduit à sa plus simple expression;
un balancement métronomique incessant; du bourrin bien binaire rentre-dedans et
dansant. Des riffs musclés, épais, répétés et martelés jusqu'à la fin du monde.
Les leitmotiv étaient répétitivité lancinante, schémas réitérés jusqu'à plus
soif au sein d'un même morceau, d'une plage à l'autre, d'un album au suivant.
Des refrains entêtants comme sortis des gorges d'un stade de rugby britannique.
Les maitres-mots étaient pêche, énergie, électricité, headbanging, bonheur et
sueur du corps qui danse jusqu'à se vider de toutes ses calories. Un critique
rock disait d'eux qu'ils avaient boosté les ventes de manches à balai-guitare
et celles des miroirs sur pied. MDR. Les cheveux longs des garçons tournaient inlassablement
autour des têtes en longues gerbes dorés ou brunes, au sol comme des gifles de chasse
poussière. Secoues ton crâne camarade, il en jaillira la bonne parole du
boogie. Les membres du Quo se firent bûcherons du
boogie-blues, scièrent inlassablement, lames brûlantes, dans une masse compacte
de refrains à tue-tête chantés, de riffs lourds et tranchants et de soli
acérés. Status Quo sur scène devint
une fête offerte à qui veut bien communier, le balancement prit la foule...et
le mythe naquit.
"Hello"
entre en scène en 1973 sur les platines HIFI. Le saphir gratte et grappille le
son au fond du sillon de
vinyle. Le bras de lecture s'échoue en bout de face, revient
et repart, inlassablement. Des centaines de fois revient sur l'ouvrage.
Incontournables boogies aux sempiternelles refrains qui vrillent les cervelles:
"Roll over lay down" et
"Caroline". "Hello" et sa pochette noire
corbeau où les silhouettes à peine visibles des musiciens debout, lèvent les
bras au ciel, comme en écho à ce qu'ils montrent en fin de show, en signe de victoire. Magie des pochettes 33
tours d'antan où il y avait à voir et à toucher. Mépris pour ces minuscules carrés
de cd d'aujourd'hui: art envolé, design avorté.
"Quo", l'album de 74, tourne et
retourne sans cesse sur la platine. Jusqu' à la corde ! Jusqu' à l' usure!
Jusqu' à la démesure ! La sauce délibérément hard qu'avait initiée le groupe
avec l'opus précédent prend corps. Le nouveau son semble montrer un caractère
définitif. Le zénith de la formation est atteint, marque un palier qui va tenir
encore le temps de deux productions studio et d'un live miraculeux Le Quo
emballe la planète.
En 75
et 76, le groupe tient la rampe avec "On
the level" et "Blue for
you". Deux albums du même tonneau. On ne change pas une équipe qui
gagne. Les mêmes bonnes vielles recettes. Pas de changement de cap.
L'
apothéose allait se nommer "Live"
en 1977. Un 2 lp mirifique que j'allais user jusqu' à l' os, galette noire
rongée, rayée, trouée. Status Quo inventa la dentelle du Puy vinylique. Un best
of en terrain de prédilection: la scène. Un Quo et son public acquis d' avance; à qui il donnait et de qui il
recevait. Tous les standards d'alors alignés en rafale, véritables boulets
rouges lancés vers un public répondant
du pied en cadence, du briquet allumé, dodelinant de la tête comme les 2
guitaristes sur les planches. Deux fois, je vis le groupe dans ces années-là; Parfitt,
Rossi et consorts enflammèrent l'auditoire comme jamais, ou presque, je ne l'ai
revu depuis. Seul Rory Gallagher près de 10 ans plus tard ,allait me redonner
les mêmes sensations: pas de chichis sur scène, rien que la musique. La scène était le fief du Quo, les prestations studio n'étant que
pales échos de la magie qu'il dégageait en live. Le plus étonnant fut que ces
deux concerts demeurèrent les moins chargés en décibels de tous ceux auxquels
j' assistais. Pas de tympans bouchés pendant trois jours. Comme quoi: inutile
de franchir le mur du son pour l' éclate totale.
"Live" en 1977 marque le point
d'orgue d'une époque. Au delà le groupe s'essouffle, impuissant à se
renouveler. Son public s'échappe peu à peu. Le clonage devient de rigueur. Le
groupe s'enfonce, déclin des ventes malgré quelques titres phares. Le batteur
part vers d' autres cieux. "Rock
& Folk" aborde le spectre de la séparation. Le groupe entame sa
première tournée d' adieux. La relève vient d' Australie et emporte tout sur
son passage. ACDC, dans le même
registre ou presque, surgir et bouscule tout en quelques LP majeurs.
Mais le
Quo ne peut mourir. C'est un phénix
qui renaît de ses cendres. "Rockin' All Over The World" grimpe
au hit-parade, une palanquée de titres phares déboulent, tous à la traîne de 33
tours. Le Status Quo nouveau est arrivé. Il cartonne. Encore et toujours les
mêmes tempos à tombeau ouvert, breaks, solos et refrains. Le fond n' a pas
changé, la forme si: l' arrière plan hard s' est volatilisé, la rythmique
devient plus soft, sucre et mollesse. Du neuf avec du vieux.
Les désormais
papys bûcherons du boogie-rock ont abandonné la râpe, la scie sauteuse et le
marteau pilon pour le coton et chamallow (pas tapé..!). Continuent les disques
et les tournées d'adieux malgré le décès de Rick Parfitt. En 2014, la formation d' "Hello" à "Live"
remonte sur scène le temps du Frantic
Tour Reunion: la magie renaît le temps d'une brève reformation.
Quelle
influence le Quo de l'époque 1973 à 1977 a t'il eu sur la scène
internationale..?
Le boogie-rock, sur la poussée du groupe britannique, était alors en pleine expansion hexagonale.
Penchant hard du disco qui allait prendre forme jusqu'à l'omniprésence et
mourir. Maints groupes s'accrochèrent au "Status Quo way of music".
Ganafoul par exemple, à Givors (banlieue industrielle au sud de
Lyon), emboîta le wagon du genre, plus âprement, plus techniquement que ne le
fit jamais le Quo. Rhône Alpes, avec
les succès conjoints de la scène lyonnaise d'alors (Factory, Starshooter, Ganafoul) sonnait aux accents du rock.
Fierté provinciale et revendication de clocher. Ganafoul et sa pêche, sa magie, sa force brutale et pourtant son
échec. Trop tôt ? Trop tard ? Non, tout simplement français et sans espoir de
distribution efficace.
Les
britanniques de Wishbone Ash
fricotèrent quelque peu avec le boogie rock, la dentelle et la subtilité en
plus. La sophistication ne paie pas forcément, la technique instrumentale non
plus. Le groupe devint mythe, n' intéressant qu' un minuscule noyau de fans
dithyrambiques. Le groupe tourne toujours. Si de part chez vous il passe: ne le
loupez pas. C'est un miracle des seventies où se tressent la magie de twin guitars
qui tressent des soli et des rythmiques de toute beauté, le chant n'y est pas
hard et s'essaie à la douceur des harmonies.
Status Quo est musique de
fête, musique de joie, musique de danse.
Sans
fioriture, sans prise de tête... Rien que la joie simple d'être là et de bouger
...
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