Line-up:
Alvin Lee : chant, guitare
Ric Lee : batterie, percussions
Leo Lyons : basse
Chick Churchill : orgue
"Undead",
second opus de Ten Years After, fut enregistré en public le 14 mai 1968
le temps d'un concert unique. Ce fut sur la scène du Klooks Kleek, un
petit club de jazz du Railway Hotel, à West Hampstead, au
nord-ouest de Londres. Etonnant concept que celui-ci, via le fait qu'un live soit aussi
best of et que la version vinyle d'origine * ne contienne aucun des titres du premier
album studio. Au rang des reprises**: le "Spoonful" de Willie
Dixon, le "Summertime" de Gershwin et le "Standing at
the Crossroads" de Robert Johnson. A celui de ce qui allait faire la
force et provoquer le split de TYA:
"I'm Going Home" et " I Can't Keep from Crying
Sometimes".
Mais avant d'y revenir:
un petit bond en avant d'un an est nécessaire
Des bruits courraient en
1969, dès la clôture du Festival de Woodstock en Août. La petite planète
rock y actait la révélation au public d'un guitar-héro considéré alors comme
étant d'essence quasi divine***. Son nom: Alvin Lee. Son chemin allait
de pair avec un groupe lui aussi britannique: Ten Years After. Il avait
fallu, pour que le petit peuple rock s'y intéresse, le retour de celles et ceux
qui étaient allés là-bas, à ces "Trois jours de Paix et de Musique",
et racontaient Hendrix, CSN&Y et consorts..etc sur Rock
& Folk ou autres magazines spécialisés. Et le fan de base d'écouter
religieusement le triple album live sorti en grandes pompes, de voir le long
métrage consacré à l'évènement. On
disait qu'Alvin Lee, le guitariste-chanteur de Ten Years After
jouait plus vite que son ombre, que ses doigts en main gauche voltigeaient sur
le manche de sa Gibson demi-caisse 335 rouge à l'égal du battement frénétique
des ailes d'un colibri, galopaient à une vitesse, une fébrilité encore jamais
vues sur la scène rock. Un mythe était né sur la foi de ce que montrait "J'm
going home"**** dans le film, un virtuose de la six-cordes comme Lucky
l'était de son six-coups. Les notes qu'ils lâchaient en sarabandes semblaient éclore dans nos oreilles avant que
ses doigts ne frappent les cordes.
Les caméras à l'oeuvre, 11'43" durant, ne
montraient que lui, ne cherchaient que sa silhouette sur scène, son charisme,
l'aimant de sa présence, son visage d'ange blond en gros plan, sa guitare
écarlate et les doigts fébriles qui vont avec. Alvin Lee, sous la
pression du réalisateur, repoussait le reste du line-up dans son ombre. Son chant
et ses soli jaillissaient en pleine lumière, la section rythmique ne
s'entrevoyait à l'image qu'en retrait, elle pourtant si essentielle et
prégnante à l'écoute. Cette démonstration à la hauteur du nombril d'un
guitar-hero préfigurait le futur de la formation: un homme déjà seul devant et
un groupe derrière. On venait pour lui, pour sa gymnastique virtuose derrière
le micro, pour ses chevauchées interminables le long du manche, pour ses
myriades de notes sorties de ses amplis, pour sa manière d'user du blues
éternel, le mixer avec le rock et tailler des soli incisif dans la masse d'un
rythmique immuable. Le manche de sa six-cordes était du bois qui cachait la
forêt. Le reste du groupe aurait mérité plus de considération. J'avais, entre
autres, beaucoup d'oreille attentive pour le jeu explosif, acrobatique et
démonstratif du bassiste Leo Lyons. Lee resta longtemps
locomotive de shows qui, chaque soir, remettait au menu les mêmes morceaux aux
grosses ficelles inchangées. Le spectateur ne venait que pour çà. Le leader se lassa du Grand Show inlassablement
réitéré et partit explorer d'autres horizons musicaux plus calmes. Il s'y
montra (Alvin Lee & Cie, Ten Years Later...) plus en retrait,
plus à l'écoute des musiciens qui l'entouraient. Lee s'était usé à son
propre filament incandescent.
Mais revenons à Undead.
Ici, au coeur d'une
chronique consacrée à TYA, pourquoi serrer le propos autour d' "Undead",
un album à mon sens atypique dans la production du groupe ? Il est certes
inséré dans la marque de fabrique qu'impose le groupe, cette omniprésence d'un
blues-rock pêchu de rigueur. "Undead"est néanmoins différent,
autre de par son ton et son relief, dans ses intentions et les ressentis qu'il
engendre quand on l'écoute. Il m'est personnellement
chef-d'oeuvre dans la discographie de la formation et me semble à inscrire au
rang des meilleurs albums rock live de tous les temps.. Les musiciens sont en
cohésion musicale totale, l'un à l'écoute de l'autre, en osmose. Ils forment un
tout plus grand que la somme des parties. On y sent une volonté de jouer ensemble
pour le fun du groupe qui joue, pour celui du public qui écoute. Les compétences
et les volontés sont au rendez-vous, le rendu est à la hauteur des ambitions.
"Undead" est une belle réussite.
Alvin Lee
se tient comme d'ordinaire aux avant-postes guitare et chant, joue à l'esbroufe, toujours aussi omniprésent
et volubile, libère son instrument au gré de longues envolées inspirées, se
retient sur les vocaux. Le patron parade, c'est ce que l'on attend de lui. Mais,
ce rôle de leader il le prend presque à minima, se met en retrait de temps en
temps et jette du lest. Les soli clavier, batterie et basse s'enchaînent,
s'insèrent et se terminent sous les applaudissements respectueux, polis et
appréciateurs d'un rare public manifestement plus habitué aux codes classiques
du jazz joué live qu'à ceux, explosifs, du rock.
Aux côtés du boss, fait
inhabituel, le reste du line-up est à la recherche d'une cohésion tranquille
mais efficace, la section rythmique s'insère en douceur dans des thématiques
blues plus roots, presque jazz. L'ambiance est sereine, elle facilite
l'émergence des capacités techniques de chaque musicien. Et c'est là que se
niche la différence de l'album: dans cette volonté de donner en live, au sein
d'un petit club, une ambiance teintée jazz, intime, amicale et chaleureuse,
presque entre potes, comme au coeur d'un boeuf du bout de la nuit Certains
détails renforcent cette atmosphère: à l'amorce du show, l'annonce tranquille
du groupe faite au micro; les interventions sereines de Lee entre les morceaux.
Alvin Lee
fut un temps l'incarnation de la figure emblématique du guitar-héro type. Son
aura s'affaiblit quand d'autres guitaristes plus doués pointèrent du bout du
manche et de la rafale de notes endiablées s'imposèrent, avant que d'autres à
leur tour ne les dépassent dans l'exubérance. Ce temps des soli sans fin et à
très grande vitesse a un tantinet disparu. Nostalgie ? Toujours est t'il que cette manière de se montrer
mena TYA à la dispersion.
* Titres 33 tours vinyl 1968:
Face
1:
01. I May Be Wrong, But I Won't Be Wrong
Always (Alvin Lee, Chick Churchill, Leo Lyons, Ric Lee) - 9:42
02. At the Woodchopper's Ball (Joe Bishop,
Woody Herman) - 7:21
Face
2:
03. Spider in My Web (Alvin Lee) - 7:36
04. Summertime / Shantung
Cabbage (George Gershwin, Ira Gershwin, DuBose Heyward / Ric Lee) - 5:27
05. I'm Going Home (Alvin Lee) - 6:09
** Réédition
(remasterisée) en 2002 intégrant d'autres titres issus du même concert:
01. Rock Your Mama (Alvin Lee) - 3:46
02. Spoonful (Willie Dixon) - 6:23
03. I May Be Wrong, But I Won't Be Wrong
Always (Alvin Lee) - 9:49
04. Summertime / Shantung
Cabbage (George Gershwin, Ira Gershwin, DuBose Heyward / Ric Lee) - 5:44
05. Spider in My Web (Alvin Lee) - 7:42
06. At the Woodchopper's Ball (Joe Bishop,
Woody Herman) - 7:38
07. Standing at the Crossroads (Robert Johnson) -
4:10
08. I Can't Keep from Crying Sometimes (Al
Kooper) - 2:17
Extension on One Chord (Alvin Lee,
Chick Churchill, Leo Lyons, Ric Lee) - 12:11
I Can't Keep from Crying Sometimes (Al
Kooper) - 2:36
09. I'm Going Home (Alvin Lee) - 6:24
*** depuis, d'autres
guitaristes plus démonstratifs encore apparurent et relativisèrent le phénomène
entrevu en Alvin Lee.
I May Be Wrong, But I Won't Be Wrong Always (Live)
PS: Cette chronique se veut coucou amical à un
pote, P.P., qui suit depuis toujours un rock'n'roll' way of life très prégnant
et un attachement tout particulier à Alvin Lee au point que...
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