Editions de la Martinière (Collection jeunesse) - 2019
Je viens de mettre la main sur une pépite destinée aux
enfants. Je suis adulte et j'ai quand même pris ma part de rêve autour d'une
idée originale et étonnante, d'un travail soigné et inspiré et d'un objet qui
en jette.
Quand j'étais môme
un jeu de construction eut mes faveurs. Ce fut le "Meccano", au milieu des 60's. Un ensemble d'éléments épars à
assembler dans l'écrin d'un gros coffret de carton rouge. Plus le chiffre sur
la boite était haut (de 0 à 10) plus le Graal du Petit Génie du Bricolage était
à portée de mains. Des boulons minuscules, des écrous et des clefs qui vont
bien avec. Des plaques métalliques géométriquement trouées, de toutes formes et
couleurs, les dorées allongées et étroites, les bleues carrées ou rectangulaires.
Des roues pleines ou à gorge. Un petit moteur à ressort. Une manivelle, de la
ficelle, des roues dentées... et tant d'autres petites merveilles mécaniques;
de celles de rien et pourtant de tout, pour créer un monde à hauteur d'enfant et d'homme en devenir.
Papa aidait, expliquait, expliquait à nouveau, encore et
toujours, corrigeait les erreurs, démystifiait les mouvements:
"Si une roue
tourne dans ce sens, dans quel sens va tourner celle d'à côté..?"
Et sur la toile cirée de la cuisine familiale, des rêves
prenaient forme: une locomotive filait sur ses rails en direction des antipodes,
une grue soulevait le monde, une voiture de course participait de sa fureur aux
24 heures du Mans, je plongeais sous les
mers alors que les Beatles à la radio chantaient "Yellow Submarine"
... etc.
Je rêvais debout, découvrais l'Orient Express; voyais des
passagers derrière les hublots d'un sous-marin; des pilotes se relayaient au
volant d'un bolide; un grutier, dans la nacelle au sommet, ployait l'échine
sous le poids du ciel ...
Quels rapports avec le présent bouquin..?
Léonard de Vinci
en est le héros. Et cet homme plait aux
mômes (que je fus) et aux bricoleurs (que je n'ai jamais été). Le meccano de part ses intention est très proche de Léonard.
Ce fut un rêveur et de ce fait un inventeur. Les enfants
sont chairs d'imaginaire, créent à leurs mesures des mondes instables (mais
quelle importance au fond ?) et variés, entrevoient comme Léonard des possibles et des mouvements insoupçonnés au-delà des
choses inertes. Il suffirait de plier le réel pour que le rêve prenne vie. Après,
le génie de l'homme de la Renaissance
et la différence d'age font le reste et séparent le rêveur pour rêver du rêveur
pour créer. L'enfant se satisfait de
son rêve éveillé, de cette parenthèse volée au réel. De Vinci use de la nature étudiée et des connaissances de son
époque pour aboutir. Si l'objectif est au-delà du dernier ricochet sur l'eau
d'une pierre lancée de la rive, Léonard
se fait fort d'obtenir le rebond de la gagne.
Toutes proportions gardées, l'enfant face à son Meccano
est un Leonard qui sommeille, plus
grands yeux que grand ventre, tous deux si près dans les intentions de création.
L'enfant s'abandonne à ses rêves, de Vinci insiste et se dit qu'il y a bien
moyen de ...
Ainsi, de Vinci et
l'enfant cheminent dans les mêmes rêves. Pas étonnant qu'ils soient tous
deux au cœur d'un projet éditorial destiné à la jeunesse. Le premier comme
héros auquel s'identifier, le second comme lectorat visé. L'empathie
fonctionne, de Vinci revit ... et
pourtant je suis adulte et apparemment mature. J'aime le rêve, j'aime ce
bouquin. Il va choper nos mômes, éveiller leur curiosité et prendre place comme
bel objet choyé dans leurs bibliothèques.
Curieusement, sept des
inventions du grand homme ne passèrent pas en leur temps de la conception à
la réalisation, des croquis de base à la concrétisation. Il y avait à chaque
fois l'idée sur la table, au cœur des esquisses préliminaires. "Les folles machines de Léonard de
Vinci" présente la genèse du projet en introduction des sept chapitres
puis passe au banc d'essais la faisabilité et l'intérêt de chacune. Les
crash-tests de la vis aérienne, du parachute, de l'ornithoptère et du chariot
automobile seront le boulot de Salaï,
le fidèle apprenti de Léonard embauché
pour la circonstance. Il plongera avec le scaphandre, testera le pont
tournant et le char de combat.
Salaï se veut précis
et didactique dans ce qu'il présente à nos yeux, il liste le matériel nécessaire à la construction de chaque invention (du bois, des cordes, du fil de
fer, de la toile de lin... beaucoup de menuiserie et de force musculaire), en
présentant les éclatés semblables à
ceux des mécaniques automobiles de papa ou de certains montages Ikea. Ils sont
ainsi voisins du Meccano cité plus
haut. S'y plonger c'est décrypter, décrypter c'est user des neurones, les
frotter l'un à l'autre. Quoi de mieux pour un cerveau encore en devenir ?
Les textes sont concis, affûtés, efficaces, taillés au plus
près de leur cible: la compréhension et la satisfaction pleines et entières de l'enfant. C'est à mon avis un brillant
exercice de synthèse réussie. Je la jalouse car je suis incapable de simplifier
mes propos (le preuve ici)
Les dessins ligne claire font l'affaire tout autant,
magnifiques et soigneusement élaborés, judicieusement disposés en regard de
leurs sources et références écrites.
S'y ajoutent un double satisfecit: celui du très grand
format choisi (25,8 x 1,2 x 34,8 cms) qui renforce via son atypisme
l'originalité du projet; celui des couleurs apposées méticuleusement à judicieuses touches pastel bleues et jaunes.
En définitive belle idée originale, travail sérieux, inspiré
et soigné, cœur de cible atteint (les 9-12 ans ... sans oublier que l'adulte
que je suis n'a pas été insensible au charme dégagé).
Je remercie Babelio,
Masse Critique, les auteurs (Nathalie Lescailles-Moulènes et Renaud
Vigourt), les éditions de la
Martinière (via ici sa collection Jeunesse) pour cette opportunité de
lecture que je ne regrette pas d'avoir saisie.
en regardant certains livres de mes enfants ( les encyclopédies imagées, ou ceux centrés sur certains thèmes, genre les volcans.. etc) je me dis que finalement même pour nous les adultes c'est largement suffisant... pas besoin de partir dans des détails trop savants et barbants.. parce que au final, qu'est-ce qu'on retient? les quelques infos pertinentes données dans les livres pour enfants nous suffisent aussi :-D
RépondreSupprimerRemarque pertinente. Les sujets pour lesquels on recherche des détails pointus nous sont passion ou nécessité. Pour le reste seule persiste l'essentiel à entrevoir. Et là, dans cette optique le bouquin est parfait. Il fait affaire didactique et ludique pour nos mômes et offre un survol suffisant à l'adulte et une part de rêve nostalgique (mon retour vers le Meccano par exemple). Cà ma fait penser à ces dessins animés qui emballent petits et grands, à cet Harry Potter qui fit clientèle chez les parents et leurs rejetons. Maintenant, pour en savoir plus sur Léonard, libre à moi de chercher plus avant.
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