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lundi 3 juin 2019

Les Folles Machines de Léonard de Vinci - Nathalie Lescaille-Moulènes & Renaud Vigourt



Editions de la Martinière (Collection jeunesse) - 2019
 
Je viens de mettre la main sur une pépite destinée aux enfants. Je suis adulte et j'ai quand même pris ma part de rêve autour d'une idée originale et étonnante, d'un travail soigné et inspiré et d'un objet qui en jette.


Quand j'étais môme un jeu de construction eut mes faveurs. Ce fut le "Meccano", au milieu  des 60's. Un ensemble d'éléments épars à assembler dans l'écrin d'un gros coffret de carton rouge. Plus le chiffre sur la boite était haut (de 0 à 10) plus le Graal du Petit Génie du Bricolage était à portée de mains. Des boulons minuscules, des écrous et des clefs qui vont bien avec. Des plaques métalliques géométriquement trouées, de toutes formes et couleurs, les dorées allongées et étroites, les bleues carrées ou rectangulaires. Des roues pleines ou à gorge. Un petit moteur à ressort. Une manivelle, de la ficelle, des roues dentées... et tant d'autres petites merveilles mécaniques; de celles de rien et pourtant de tout, pour créer un monde à hauteur d'enfant et d'homme en devenir.

Papa aidait, expliquait, expliquait à nouveau, encore et toujours, corrigeait les erreurs, démystifiait les mouvements:  
"Si une roue tourne dans ce sens, dans quel sens va tourner celle d'à côté..?"
Et sur la toile cirée de la cuisine familiale, des rêves prenaient forme: une locomotive filait sur ses rails en direction des antipodes, une grue soulevait le monde, une voiture de course participait de sa fureur aux 24 heures du Mans,  je plongeais sous les mers alors que les Beatles à la radio chantaient "Yellow Submarine" ... etc.
Je rêvais debout, découvrais l'Orient Express; voyais des passagers derrière les hublots d'un sous-marin; des pilotes se relayaient au volant d'un bolide; un grutier, dans la nacelle au sommet, ployait l'échine sous le poids du ciel ...

Quels rapports avec le présent bouquin..?

Léonard de Vinci en est le héros.  Et cet homme plait aux mômes (que je fus) et aux bricoleurs (que je n'ai jamais été). Le meccano de part ses intention est très proche de Léonard.

Ce fut un rêveur et de ce fait un inventeur. Les enfants sont chairs d'imaginaire, créent à leurs mesures des mondes instables (mais quelle importance au fond ?) et variés, entrevoient comme Léonard des possibles et des mouvements insoupçonnés au-delà des choses inertes. Il suffirait de plier le réel pour que le rêve prenne vie. Après, le génie de l'homme de la Renaissance et la différence d'age font le reste et séparent le rêveur pour rêver du rêveur pour créer. L'enfant se satisfait de son rêve éveillé, de cette parenthèse volée au réel. De Vinci use de la nature étudiée et des connaissances de son époque pour aboutir. Si l'objectif est au-delà du dernier ricochet sur l'eau d'une pierre lancée de la rive, Léonard se fait fort d'obtenir le rebond de la gagne.
Toutes proportions gardées, l'enfant face à son Meccano est un Leonard qui sommeille, plus grands yeux que grand ventre, tous deux si près dans les intentions de création. L'enfant s'abandonne à ses rêves, de Vinci insiste et se dit qu'il y a bien moyen de ...
Ainsi, de Vinci et l'enfant cheminent dans les mêmes rêves. Pas étonnant qu'ils soient tous deux au cœur d'un projet éditorial destiné à la jeunesse. Le premier comme héros auquel s'identifier, le second comme lectorat visé. L'empathie fonctionne, de Vinci revit ... et pourtant je suis adulte et apparemment mature. J'aime le rêve, j'aime ce bouquin. Il va choper nos mômes, éveiller leur curiosité et prendre place comme bel objet choyé dans leurs bibliothèques.

Curieusement, sept des inventions du grand homme ne passèrent pas en leur temps de la conception à la réalisation, des croquis de base à la concrétisation. Il y avait à chaque fois l'idée sur la table, au cœur des esquisses préliminaires. "Les folles machines de Léonard de Vinci" présente la genèse du projet en introduction des sept chapitres puis passe au banc d'essais la faisabilité et l'intérêt de chacune. Les crash-tests de la vis aérienne, du parachute, de l'ornithoptère et du chariot automobile seront le boulot de Salaï, le fidèle apprenti de Léonard embauché pour la circonstance. Il plongera avec le scaphandre, testera le pont tournant et le char de combat.

Salaï se veut précis et didactique dans ce qu'il présente à nos yeux, il liste le matériel nécessaire à la construction de chaque invention (du bois, des cordes, du fil de fer, de la toile de lin... beaucoup de menuiserie et de force musculaire), en présentant les éclatés semblables à ceux des mécaniques automobiles de papa ou de certains montages Ikea. Ils sont ainsi voisins du Meccano cité plus haut. S'y plonger c'est décrypter, décrypter c'est user des neurones, les frotter l'un à l'autre. Quoi de mieux pour un cerveau encore en devenir ?

Les textes sont concis, affûtés, efficaces, taillés au plus près de leur cible: la compréhension et la satisfaction pleines et entières de l'enfant. C'est à mon avis un brillant exercice de synthèse réussie. Je la jalouse car je suis incapable de simplifier mes propos (le preuve ici)

Les dessins ligne claire font l'affaire tout autant, magnifiques et soigneusement élaborés, judicieusement disposés en regard de leurs sources et références écrites.

S'y ajoutent un double satisfecit: celui du très grand format choisi (25,8 x 1,2 x 34,8 cms) qui renforce via son atypisme l'originalité du projet; celui des couleurs apposées méticuleusement  à judicieuses touches pastel bleues et jaunes.

En définitive belle idée originale, travail sérieux, inspiré et soigné, cœur de cible atteint (les 9-12 ans ... sans oublier que l'adulte que je suis n'a pas été insensible au charme dégagé).

Je remercie Babelio, Masse Critique, les auteurs (Nathalie Lescailles-Moulènes et Renaud Vigourt), les éditions de la Martinière (via ici sa collection Jeunesse) pour cette opportunité de lecture que je ne regrette pas d'avoir saisie.

2 commentaires:

  1. en regardant certains livres de mes enfants ( les encyclopédies imagées, ou ceux centrés sur certains thèmes, genre les volcans.. etc) je me dis que finalement même pour nous les adultes c'est largement suffisant... pas besoin de partir dans des détails trop savants et barbants.. parce que au final, qu'est-ce qu'on retient? les quelques infos pertinentes données dans les livres pour enfants nous suffisent aussi :-D

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  2. Remarque pertinente. Les sujets pour lesquels on recherche des détails pointus nous sont passion ou nécessité. Pour le reste seule persiste l'essentiel à entrevoir. Et là, dans cette optique le bouquin est parfait. Il fait affaire didactique et ludique pour nos mômes et offre un survol suffisant à l'adulte et une part de rêve nostalgique (mon retour vers le Meccano par exemple). Cà ma fait penser à ces dessins animés qui emballent petits et grands, à cet Harry Potter qui fit clientèle chez les parents et leurs rejetons. Maintenant, pour en savoir plus sur Léonard, libre à moi de chercher plus avant.

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