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mardi 3 septembre 2019

La Fortune des Rougon - Les Rougon Macquart 01 - Emile Zola


Réédition Marabout 1995

Tout commence et finit, dans ce premier épisode des Rougon Macquart, par un cimetière abandonné, celui de Plassans, au milieu des crânes qui affleurent la terre, entre les stères de bois d'une scierie qui désormais occupe les lieux.
De manière presque similaire, tout commence et finit, dans cette saga de 20 tomes, par l'enterrement d'une république suivi de l'intermède historique du Second Empire, de sa naissance à sa mort, "du guet-apens du coup d'état à la trahison de Sedan".

Zola va sabrer l'époque et ceux qui la conduisent d'une plume virulente et inspirée. "... mon oeuvre...[ ]...s'agite dans un cercle fini; elle devient le tableau d'un règne mort, d'une étrange époque de folie et de honte." .
Mais au delà de la simple chronique historique sous le feu de la mitraille des mots, c'est aussi à l’œuvre le profil d'une famille, légitime et bâtarde, à l'épreuve de deux gènes, arrivisme et alcool, qui la mordent au fil des générations. "L'hérédité a ses lois, comme la pesanteur".

Épisode inaugural de la série, "La Fortune des Rougon doit s'appeler de son titre scientifique: Les Origines" nous fait remarquer Zola. Cet apéritif est un tout romanesque, le début et l'épilogue d'une intrigue pleine et entière, les tranches de vie en éternel refrain de qui va mourir et de qui va tirer profit. Mais c'est aussi la présentation d'une faune familiale hétéroclite dont les membres à des degrés divers, récurrents épisodiques ou de premier plan en one-shot, vont peupler la série. C'est un état des lieux, un catalogue humain, un arbre généalogique succinct, un échantillonnage représentatif calculé. Chaque personnage, dans l'ébauche succincte de son caractère, offre un avant-goût des situations sociales dans lesquelles il va agir ou subir. Zola alors, en temps utile, au coeur de thèmes resserrés se fera diable dans les détails de ce qu'il nous montre et dénonce. Les visages entrevus dans "La fortune", peu à peu, au gré des secousses de l'histoire sociale en cours, vont dévoiler leurs forces ou leur mollesse sous l'empreinte couplée de l'ambition et de l'alcool.  De la fortune à la misère, des gagnants aux perdants, des saints hommes aux hauts vérolés à la curée des failles du système politique. Venez faire première connaissance avec ceux à venir au fil des tomes: les gredins endimanchés et bien mis sur eux, à la traîne de menées politiques malsaines, d'économie véreuse; les miséreux qui vont mourir pour que tout change enfin, les perdants mous par trop de naïveté.

Les méchants à l’œuvre dans "La Fortune", Pierre et Félicité, vont vous dégoûter et mériteront la haine qu'ils vont vous inspirer. D'autres suivront, n'ayez crainte; les ordures, tragiques et lâches gredins, sont légion à Plassans. C'est une petite ville provinciale qui va subir la transition de la République vers l'Empire via le coup d'état bonapartiste. Zola montre les dents, mord dans la chair putride de qui profite et se rend complice sans trop se montrer, si ce n'est juste ce qu'il faut.

Sylvère et Miette, à contrario, ne feront hélas qu'un petit tour tragique et s'en iront. Ils n'en resteront pas moins dans les mémoires de qui a lu ou lira. C'est un arc-en-ciel dans la noirceur hivernale du lugubre cimetière de Plassans. 

Manichéen, Zola..? Le pouvoir et la fortune sur un plateau de la balance, la misère sur l'autre..? Pas si tranché que çà, en fait. l'auteur mord dans les deux mondes qu'il nous présente, dans les jarrets de la malchance sociale, de l'arrivisme parvenu et le dédain de ceux déjà en place. Antoine Macquart, de la branche bâtarde pauvre, se voit tailler un joli costard en ciment armé qui préfigure celui de Lantier dans "L'assommoir".

"La Fortune" n'a pas la force du dernier cité ou de "Germinal", ce n'est pas son but, il ne pouvait en être autrement, le propos étant ailleurs. Zola y prépare son lecteur par un état des lieux. Je n'y ai pas puisé déception mais la certitude que commencer le cycle par cet épisode est une nécessité, mais pas une obligation pour qui ne veut ne veut pas s'attarder sur une masse aussi énorme mais simplement en avoir une idée. N'empêche, "La curée" m'attend et je ne m'y soustrairai pas.

10 commentaires:

  1. D'autres avis et commentaires sur deux blogs amis:

    Le bouddha de jade
    https://lebouddhadejade.blogspot.com/2019/07/la-fortune-des-rougon-emile-zola.html

    Livrepoche.fr
    http://livrepoche.fr/la-fortune-des-rougon-emile-zola/

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  2. Magnifique! j'étais sure que ce serait du grand art ta chronique !

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  3. j'avais pas capté que l'histoire débutait et se terminait de la même manière, dans le cimetière... bien vu!

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    1. Zola "exponentilise" ainsi l'effet d'empathie envers ses deux malheureux idéalistes, il rentabilise ici tous ses efforts descriptifs (énormes) du premier chapitre.

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  4. Je m'étais préparé à cette fin inéluctable, mais j'ai quand même posé le coin du kleenex dans l'angle lacrymal de l'oeil droit.

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    1. mdrrrr, et le gauche? l'est resté sec??

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    2. L'autre hémiface, celle du reptile est restée froide, totalement insensible, anesthésiée...

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  5. Le dernier paragraphe, que je ne peux décemment cité ici, vaut à lui seul la lecture du roman. C'est une merveille d’ingéniosité, d'invention et de style. Il frappe pleine cible: le cœur. Rien que pour lui, j'ai failli glisser le cursus des étoiles vers le maximum.

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  6. On ne le sait pas mais la mère d’Emile Zola, de son nom de jeune fille se nommait Gorgonde, du nom d’une localité de la province du Po dont elle était originaire, elle eut un temps l’intention d’associer les deux noms de famille, puis abandonna en constatant qu’on allait en faire tout un fromage.
    >>>>> [Poussez pas je sors]

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