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mardi 21 septembre 2021

Uriah Heep Vs Deep Purple

 

 

 
 
Cette chronique poursuit un double objectif :

1_Evoquer succinctement les cinq premiers albums studio d’Uriah Heep qui, sur un espace-temps réduit à trois courtes années seulement, bâtirent l’Age d’Or du groupe : «Very ’eavy, very ’umble » (1970), « Salisbury » (1971), «Look at yourself » (1971), « Demons and wizards » (1972) & « The magician’s birthday » (1972).

2_ Certains groupes de rock issus des 70’s, contemporains de combos de plus grand renom, tous de styles très voisins, pâtirent d’être restés, injustement, dans l’ombre de plus connus qu’eux. Uriah Heep fut du lot face à Deep Purple (époque Mark II de juillet 1969 à juin 1973). Les deux groupes, à l’aube des seventies, ont été inutilement comparé; Uriah Heep, ayant pourtant déjà sa propre singularité, fut à tort décrié, sous-estimé, négligé, voire méprisé, moqué et dédaigné sous le prétexte de ressembler à Deep Purple.

D’où la raison d’être de cette chronique : une volonté de réhabilitation et une tentative d’explication de l’ostracisme à bas bruit subi, regrettable, peu légitime et qui n’a jamais vraiment dit son nom.

Ici, ma vision des choses. Mais je peux me tromper. Je suis ouvert à la contradiction.

1970, l’Angleterre commémore le centenaire du décès de Charles Dickens. « Uriah Heep » est le nom d’un personnage issu de « David Copperfield » : mielleux, hypocrite, obséquieux, manipulateur … Ce fut, aussi, cette année-là, le nom de baptême d’un groupe de hard-rock, londonien d’origine. Le titre de son album d’ouverture, « Very ‘eavy, very ’umble », fait référence : dans sa première assertion, au genre musical qui sera celui d’Uriah Heep, le rock lourd versant progressif, celui classique du début des 70’s; dans sa seconde moitié, à une phrase récurrente et emblématique dans la bouche du personnage créé par Dickens.

Se cherchant un son, à l’aube de sa carrière, Uriah Heep mit tout naturellement en avant ses qualités intrinsèques, celles propres à chaque musicien:

_la voix d’exception de son chanteur David Byron, ses inflexions étonnantes, haut-perchées, subtiles, raffinées, classieuses et chics ; c’est, à mon sens, un des meilleurs vocalistes du genre qui, gardant un côté hurleur typique, a su y adjoindre bien d’autres nuances qui font sa singularité.

_les chœurs surajoutés en marque de fabrique du groupe, omniprésents, inspirés, magnifiques. A chacune de leurs interventions de belles trouvailles étonnantes surgissent, presque des riffs vocaux sur lesquels l’oreille focalise ;

_ les prétentions néo-classiques du claviériste, Ken Hensley (souvent organiste) qui, à elles seules, donnent la couleur prog à l’ensemble ;

_un hard-gratteux discret mais percutant, plus fondu dans la masse que guitar-hero et « m’as-tu-vu » dans l’âme (on est loin, même époque, de Blackmore et Page qui en mettaient partout).

Sur ce schéma s’enquillèrent cinq albums ambitieux, de haute tenue qui, suivant les pourcentages variables accordés à la guitare ou aux claviers, mixent hard et rock progressif en proportions diverses. L’atmosphère générale diffère ainsi légèrement de l’un à l’autre. On trouve néanmoins une continuité d’intention, une constance de qualité, un soin apporté à chaque détail, une volonté de bien faire et de plaire. Ce me fut sur ce fil rouge, il y a 50 ans et ces jours-ci rédigeant la présente chronique, un plaisir d’écoute renouvelé d’opus en opus. A cette fournée d’albums mémorables s’ajoutèrent, au fil des décennies, près d’une trentaine d’opus d’inégales valeurs ; certains très réussis quand inspirés et subtilement travaillés ; d’autres anecdotiques et dispensables quand le versant hard l’emporte, surtout en queue de carrière. J’ai, pour les cinq premiers, un attachement certain, un intérêt moindre pour les suivants car les sentant filer dans une continuité musicale autre que celle d’origine ; le groupe y perdant, à mon sens, son âme.

Uriah Heep Vs Deep Purple.

Malgré des capacités techniques comparables, d’égales qualités d’auteurs-interprètes, des productions discographiques d’intérêt, des charismes scéniques similaires, le combo londonien resta un temps second couteau, avant de définitivement se différencier, derrière la locomotive que fut le Pourpre Profond à l’aube des seventies. Sans être exacerbée, la rivalité Uriah Heep/DeepPurple d’une certaine époque bascula en faveur commerciale du second. Uriah Heep ressortit à la traine de la comparaison, jugé copie-clone aux oreilles de qui écoutaient les deux.  La sentence, certes assénée à bas bruit (presse spécialisée en outre mal aidant), a, hélas, desservi l’un au détriment de l’autre. Classé série-B alors que, dans une concordance temporelle commune, l’un et l’autre furent « right time and right place », le combo Gillian/Blackmore emporta la faveur du public.

Les spécificités d’Uriah Heep, décrites plus haut, très théâtrales et pompeuses dans leur finalité, me semblent avoir desservi le combo. Mettant en avant sa grandiloquence mélodique, le groupe perdit l’énergie rock n’ rollienne que sut conserver Deep Purple. Elle est présente, certes aussi, chez son rival via Ian Gillan et John Lord mais le feeling rock n’ roll y est plus manifeste, percutant, plus dans l’air du temps d’un hard-rock privilégiant la pêche à la mélodie. Mais cette théâtralité fait aussi tout le charme d’Uriah Heep, sa raison d’être qui, peu à peu s’émoussant en mid-carrière, vit sa singularité se diluer et mon intérêt pour lui s’étioler et disparaitre. L’appellation « progressive » colle davantage au combo perdant ; on s’attend presque chez Uriah Heep à des mises en scène que n’aurait pas renié le Genesis de Peter Gabriel (les pochettes de Demons and wizards  et de The magician’s birthday  vont dans ce sens). Ceci, même si, ayant vu le combo sur scène en 1975, je n’en garde que peu de souvenirs visuels.

Aux débuts des 70’s, à l’époque où le hard-rock naissant se cherchait un souverain, dans la logique du combat perdu face à Deep Purple, Uriah Heep s’absentait des débats. Le gagnant affrontait à son tour pour le titre Led Zeppelin et Black Sabbath. La triple confrontation était logique, les adversaires misant sur des styles vraiment différents, Led Zeppelin tellement bluesy de fond et de forme, le Sabbath si brumeux, lancinant et angoissant. Desservi en notoriété face au triptyque Led Zep/Deep Purple/Black Sabbath,  Uriah Heep fit néanmoins son chemin, loin de se montrer de seconde zone.

Ainsi Deep Purple tire davantage vers le hard, Uriah Heep vers le progressif. Mais la démarcation est si fragile, l’amalgame si facile qu’ils parurent issus de la même veine musicale, à tel point qu’il parut inutilement nécessaire de les comparer. Mon cœur va vers les deux ; je trouve chez l’un ce qui manque chez l’autre. 

Ite missa est.

En illustration sonore: "Gypsy"



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