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mercredi 20 juillet 2022

Miles Davis (Biographie) - Franck Médioni

 


Folio éd., collection « Folio, biographies » n°156 ; Texte inédit ; 2022. 

 

Miles Davis. 1926-1991. Un très grand nom du jazz qui, pour parvenir au destin de star qui l’attendait, quitte au statut ironique et énigmatique de diva narcissique, prit un chemin atypique où l’intuition et l’instinct de chef firent plus que ses capacités techniques moyennes à la trompette. Il entrevit, opportuniste, les virages nécessaires à la progression du genre ; au besoin, le plus souvent, il les créa lui-même et draina plusieurs générations de jazzmen et d’auditeurs dans son sillage.

Je suis venu à lui, au cours des seventies, via son versant électrique, celui jazz-rock, dans le sillon de cire noire de vinyles mystérieux, bouillonnants et foisonnants, boursoufflés et bourrés d’adrénaline. Le présent ouvrage, sobrement intitulé « Miles Davis Biographie » et signé Franck Médioni , m’a permis de découvrir et de fouiller une discographie d’amont et d’aval s’étalant des années 40 jusqu’aux 90’s débutantes, du be-bop au hip-hop en passant par le hard-bop , le jazz-cool et celui de fusion avec le rock.

Des années acoustiques à celles électriques, Frank Medioni campe une silhouette tour à tour costard-cravate typée 40’s et 50’s puis habits chatoyants inspirés de la mouvance hippie ; nous montre un trompettiste en impro face à un écran de cinéma diffusant quelques rushs d’ « Ascenseur pour l’échafaud » ;  nous décrit un homme noir aux côtés de Juliette Greco son amour impossible ; nous révèle un être hors du commun, complexe et fragile, entre exubérance et repli sur soi-même au cours d’un long exil solitaire dans la lignée de celui, morbide, d’Howard Hughes ; puis, finalement, un phénix une nouvelle fois en accroche avec l’air du temps … et par-dessus tout, fil conducteur de sa carrière, un musicien menant un combat antiraciste via son art de la note bleue.

Des noms connus jalonnent sa carrière (et pas des moindres). De ceux imposés par ses débuts (Dizzy Gillespie et Charlie Parker) puis librement consentis (John Coltrane et Gil Evans) et finalement choisis via un cheptel sans cesse renouvelé de jeunes instrumentistes en devenir (Wayne Shorter, Bil Evans, Chick Corea, Tony Williams, Herbie Hancock, John Mc Laughlin … et tant d’autres). A chaque fois : un flair infaillible ; les plus grands jouèrent sous sa direction, même si elle fut souvent tyrannique et énigmatique.

Miles Davis se connaissait d’évidentes faiblesses techniques à la trompette. L’homme, audacieux et dévoré d’ambition, se fit Musicien (au sens noble du terme) pour contourner habilement ses manques. D’un handicap métamorphosé en force de création, intuitions aidant, il poussa le jazz vers des horizons sonores insoupçonnés que le classicisme inné du genre avait longtemps retenus. Clairvoyant, sans regards nostalgiques sur le passé, il ouvrit au jazz des chemins nouveaux vers la modernité quitte aux compromissions avec le rock.

En début de carrière, il se forgea peu à peu, au contact de Dizzy Gillespie et de Charlie Parker, un son personnel (souvent dû à la sourdine), reconnaissable entre mille, rond et propre, feutré et intimiste, mystérieux et en clair-obscur, plus ombres que lumières, serein mais triste et mélancolique. Ainsi émergea un phrasé épuré et dépouillé de tout artéfact satellitaire que Davis jugeait inutile. Il laissa une place d’importance à l’absence de notes, fit parler le silence, détourna son jeu d’une virtuosité qu’il ne pouvait atteindre. Là, chez lui, dans la sobriété, se nicha le génie …. S’il est une citation qualifiant son jeu à merveille c’est celle-ci : « Pourquoi jouer tant de notes de notes alors qu’il suffit de jouer les plus belles ? ». Son style devint ainsi unique, réduit à l’essentiel ; tout semblait centrer sur la seule musique, sur son âme comme axe d’un tout, loin des démonstrations virtuoses que l’on allait trouver dans ses line-ups (souvent jeunes) dont il s’entourait.

 

«Biographie» nous parle d’un trompettiste visionnaire au son reconnaissable entre mille, d’un musicien fécond, inspiré et en invention constante, intuitif et réfléchi, collectif et solitaire, rassembleur et égocentrique. Il s’inséra, par cycles de cinq ans, dans la musique de son temps. Il fit un tout plus grand de la somme des successives composantes réunies autour de lui.

L’ouvrage explicite merveilleusement les interconnections et interactions jazzistiques entre les instrumentistes à l’œuvre, la place de chaque instrument dans le cortège du groupe, le rôle de chacun. Beau travail de (presque) vulgarisation de l’œuvre du trompettiste et au jazz en général. Bonne lecture. Je conseille

A vos vinyles, à vos CD. Bonne écoute.

Merci à Babelio et à Masse Critique, à l’auteur et Folio Biographies (où l’ouvrage est paru en inédit).

 


 

 

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