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jeudi 25 août 2022

L’unijambiste de la cote 284 – Pierre Siniac

 


Série Noire n°1773, Ed. Gallimard, 1980 (édition originale)

 

En 1980, dans la célèbre collection « Série Noire » des Ed. Gallimard, sous les n°1773 et 1776, Pierre Siniac voit paraitre deux de ses recueils de nouvelles : « L’unijambiste de la cote 284 » et « Reflets changeants sur mare de sang ». Ils regroupent deux fois sept nouvelles de longueurs variables. Dans la foulée, l’année suivante, l’auteur reçoit le Grand Prix de la littérature Policière pour les deux ouvrages déjà cités ainsi que pour « Aime le maudit », un roman paru au « Masque » lui aussi en 1980.

Cette triplette de récompenses signe, semble t’il (?), un Age d’Or de l’auteur ou lui signifie un hommage particulier. Tentant .. ! En outre, le caractère surréaliste étonnant accordé aux titres, pour le moins alambiqués et énigmatiques, m’a poussé à lire le seul des trois ouvrages en ma possession, c’est à dire le premier : « L’unijambiste de la cote 284 ».

Deux des sept nouvelles incluses sont parues initialement ailleurs (« Libération » et « Le magazine du mystère »). Toutes revêtent des attraits différents, plus ou moins accentués :

_selon leurs longueurs (à mon sens, une nouvelle se doit à la brièveté maximale et certaines, ici, me semblent trop longues),

_la pertinence des pitchs embarqués (mentions plus à « l’unijambiste » qui balise le thème peu connu des "planqués de l’arrière » entre 1914 et 1918 et au quasi-uchronique "Le pétainiste" qui place le Héros de Verdun à Londres dès l’Armistice de 40 signé),

_la qualité du style appliqué à l’art de la nouvelle (Siniac est un excellent nouvelliste potentiel, il peut s’y dépatouiller dans l’excellence des moyens),

_l’intérêt que chacun peut porter aux sujets abordés (trois d’entre eux ne sont que de légers prétextes à des mises en abime obligatoires).

Il n’y a pas de continuité d’un texte à l’autre, ce sont des nouvelles point-barre, des tranches de vie. Le seul point commun : la patte de l’auteur, si singulière ; entre littératures de gare et générale le lecteur se trouve, pour quelques-unes, au cœur du « mauvais genres » de qualité ; pour les autres, se laissant lire sans déplaisir, on sourit et passe à autre chose. L’oubli n’est pas loin. Déséquilibre des ressentis donc, du dispensable au percutant. Certaines de ces nouvelles n’auraient t’elles pas tout simplement vieillies quand les gimmicks de scénarisation sont si prévisibles ? Ce recueil m’est peut-être venu au mauvais moment ? à trop peu de distance de « Femmes blafardes » lu récemment.

Noir c’est noir, humour tragique ou burlesque, dénonciateur acéré (« L’unijambiste »), pince sans rire ou franche rigolade. Personnages tour à tour grotesques, couleur muraille, lâches, pitoyables, naïfs, rarement sincères, implacables mais malchanceux.  Siniac, à chaque fois, tourne autour de destins piégés à leurs propres enjeux. Les mises en abime en retours de manivelle implacables sont systématiques, tradition oblige.

Petit détour final par la short-short-story « Dame de compagnie » (6 pages seulement). Elle s’habille de goguenardise et de loufoquerie, semble emprunter le ruban sans fin d’un anneau de Möbius, réitérant à chaque rotation la même situation vécue mais à chaque fois par un autre protagoniste. La fantaisie débouche bien évidemment sur un croche-patte tendu aux protagonistes et au lecteur. Jubilatoire. Parfait exercice de style réussi, le texte sabre de peu de mots et fait mouche, sa mécanique se fiche en cœur de cible, le lecteur est piégé et satisfait, rigolard de l’entourloupe.

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