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lundi 10 avril 2023

Oscar Wagner a disparu – Jean-Christophe Portes

 

Hugo Publishing Ed.; Hugo Thriller Collection; 2023

 

1942. L'Occupation. Période trouble s'il en est. Récurrent prétexte historique à des romans revisitant le double faciès que montre l’humanité en certaines circonstances guerrières. Le présent ouvrage est l’un d’entre eux ; l’accent est porté sur la guerre souterraine menée par les services de renseignements de part et d’autre de la Manche. La pègre parisienne prend bonne part aux jeux des ombres, pour le meilleur et surtout le pire ; c’est la singularité du roman …

Ici, dans « Oscar Wagner a disparu », des deux côtés de la Ligne de Démarcation, on assiste à un long périple aventureux, une chasse à l’homme …

… de Paris à Vichy, de Londres à Toulon …

Deuxième Bureau, MI6, Abwehr, Gestapo … etc. Tous les ingrédients d’espionnage et de contre-espionnage sont présents pour nourrir un bel imbroglio romanesque où, agents simples doubles, triples, retournés ne retrouvent plus que difficilement leurs petits. S’y agitent Milice, Résistance et Collaboration, profiteurs du Marché Noir, allemands, alliés et régime de Vichy, SS … etc, toute la faune spécifique de l’époque.

Oscar Wagner, un bien trouble espion (?) allemand, a disparu. Est-ce un agent simple, double ou triple ? Va savoir ..! Il détient, parait-il, des documents secrets qui pourraient changer, au bénéfice des Alliés, le cours de la guerre.

Place Pigalle. Un petit truand du Milieu, Mo-Les-Yeux-Bleus (tout est dans le surnom) a-t-il tué et fait disparaitre Oscar ? De son vrai blaze, Mo, c’est Maurice Ferrandi, un corse, une belle gueule, le chéri de ses dames, le proxo macho type (si ce n'est qu'un fond romantique rédempteur pour une jeune résistante anglaise pourrait le racheter). Il semble être, parallèlement, membre clandestin du Second Bureau, le service de renseignement français de la Zone Libre ; mais va savoir au grand jeu du qui est qui dans la poudrière qu’est devenu la Capitale voire l’Hexagone tout entier ?

La pègre et sa faune satellitaire. Petites pépées, fleurs du pavé, starlettes, chanteuses de cabarets en espoir de célébrité. Seconds couteaux, demi-sels, tenancières de claques, profiteurs du Marché Noir. Collabos. Un immeuble de sinistre mémoire, rue Lauriston, ses baignoires et crochets de boucher. Le Milieu parisien des early 40’s dans toute sa splendeur ; ses figures typiques historiques ou imaginaires (cf le post-propos qui, pour en savoir plus, recadre les figures authentiques dont il est question dans le récit. L’auteur reconstitue leurs parcours collaborationnistes).

Lizzie van den Jagt, une jeune et belle aristo, authentiquement british, déchue, ruinée, en rupture honteuse d’une parentèle virant fasciste, une résistante acquise à la cause alliée.

Vichy, en zone encore libre (Pétain et consorts), Toulon et sa rade (en attente de sabotage) … quelques lieux importants en 1942.

Le décor est posé, les personnages sont en place … la suite appartient au récit.

« Oscar Wagner a disparu » se pose à la croisée des parallèles de maints « mauvais genres » (thriller, roman historique, d’espionnage et d’aventures, policier, polar, romance … etc). La part de pure fiction embarquée est prétexte à faire revivre dans la précision documentée du détail un passé révolu mais encore douloureux, à incruster dans les interstices de nombreux personnages ayant réellement existés (rares sont ceux évoqués pour la bonne cause). Un léger parfum fleur bleue est palpable en contrepoint de scènes de tortures brutales et/ou de règlements de compte.

« Oscar Wagner a disparu » est, sur la forme, un récit choral conduit par un duo d’intervenants. et Lizzie. Ces personnages principaux, offrent tour à tour, en « je narratif », une vision presque bipolaire (mais positive) de la Résistance. , le bad boy improbable, de basse extraction, l’outlaw néanmoins accessible au repentir. Lizzie, l’aristo, déchue, angélique ... Le duo, comme les deux pôles d’un même aimant, s’attire ou se repousse. Cupidon rode (mais c’était attendu), mais ce n’est pas l’essentiel du propos.

Sur la forme, toujours, l’enchainement rapide des péripéties favorise naturellement l’irruption en cœur d’intrigue de nombreux twists qui font du tout un page-turner assez efficace.

Le rendu est, en outre, très cinématographique, rapide, visuel, sans que la prose ne cède trop à la facilité (bien au contraire au regard de la documentation historique embarquée).

En corollaire, la politique éditoriale clairement revendiquée de la collection, surfant sur la vague des séries télévisuelles actuelles, conduit « Oscar Wagner a disparu » à une fin ouverte qui dessine le contour d’un cliffhanger. A suivre donc. L’ébauche d’un cycle montre le bout de son nez. Avis aux amateurs.

Bref, dans son genre, le roman est un bon divertissement populaire, assez bien tourné, prenant et surtout soigneusement documenté. 

Merci à Babelio, Masse Critique, Hugo Publishing et l'auteur.

 



 

5 commentaires:

  1. Salut Alvin,
    Encore un livre sur la Guerre, qui a l'air pas mal. En tous cas, ta chronique lui fait honneur, comme souvent avec ta prose inspirée.

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    1. La narration est très dynamique. Pas de temps mort. La collection Hugo Thriller semble délibérément bâtie sur ce schéma overclocké. Priorité à l'action, avec un zeste de vulgarisation historique. Du bon divertissement catalogué comme tel par le directeur de collection et l'éditeur...

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    2. LdP, citation: "Encore un livre sur la Guerre" >>>> oui; j'abandonne pourtant "Tranchecaille" (sans raison vraiment précise, c'était à mi-chemin pas mal du tout, mais son temps ne semble pas encore venu) et revient quand même sur "Au revoir là-haut" de Lemaître pour une relecture. Dans l'idée d'enchainer sur les suites, l'adaptation ciné et celle BD.

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    3. Pour Lemaitre, quand tu seras au T.2, j'en profiterais pour le lire aussi. ;)

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