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vendredi 4 octobre 2024

Les rails d’incertitude – Chroniques Glaciaires 01 - G.J. Arnaud

 

Fleuve Noir ed. (1995)

G.J Arnaud inaugure son cycle de «La Compagnie des Glaces» en 1980. 62 tomes (+1HS) paraitront jusqu’en 1992. (Bigre ..!). Dans la foulée, du même auteur, deux autres lignées romanesques, issues du même univers, verront le jour : «Les Chroniques Glaciaires», de 1995 à 2000, 11 tomes en préquelles et one-shots ; «Nouvelle époque», de 2001 à 2005, 24 tomes en suite directe à la première mouture. Soit un total de 97 épisodes. (Re-bigre ..!). Un record ?

Le présent article cible le premier épisode des « Chroniques Glaciaires ». Son titre : « Les Rails d’incertitude » (1995). Retour à zéro ; la Lune a explosé ; les Glaces et le froid sont là, omniprésents ; l’humanité se meure. A moins que.. ! Bien avant que Lien Rag, Yeuse et le Kid n’entrent en scène dans le cycle principal, Arnaud suit l’ascension sociale fulgurante, l’empreinte technologique de Sadon, un banal chasseur des glaces primitif qui, dans sa bonne volonté d’user du rail à grande échelle pour protéger du froid l’humanité et la soutenir dans sa volonté de survivre, deviendra un atout crucial pour l’avenir. Ses intentions premières sont louables mais on sait ce qu’il en adviendra sur le fil des divergences économiques, politiques et sociales et la soif de pouvoir de certains. En filigrane, la préquelle amorce les prémices dictatoriales qu’imposeront les « Compagnies Ferroviaires » à venir. Sur le fil des ingrédients classiques d’une anticipation post-cataclysmique, ce premier tome voit interagir des communautés disparates interconnectées à minima via le troc de leurs produits respectifs (bois de forêts sub-glaciaires, charbon, verre…) ; les unes barbares ou d’essence démocratique, les autres religieuses et sectaires, certaines dictatoriales… Sadon a la conviction que le dénominateur commun qui regroupera les communautés est le rail ; il va œuvrer pour qu’il renaisse.

Le crédo des Aiguilleurs, de mémoire «Le rail c’est la vie ; bouger ou mourir», s’amorce ici par nécessité à petits pas hypocrites, sous-tendra tout le reste du world-building, décrivant une dictature féroce. Les bases historiques de la Société Ferroviaire sont là en gestation ; elles étaient quasi absentes de la série initiale par nécessité de garder le mystère sur les Origines d’une Catastrophe. Des archives secrètes découvertes à Karachi Station sont là pour enfin révéler un pan de vérité.

Arnaud, sur le fil interminable du colossal premier cycle, usant de procédés feuilletonnesques archétypaux quelques fois lassants, avait tissé, malgré des redites inévitables et des erreurs pardonnables, un ensemble passionnant, attachant et crédible qui, à mon sens, se suffisait à lui-même et n’appelait pas de prolongations. Arnaud semblait avoir dévidé toute la pelote du postulat de départ et paraissait heureux d’en avoir fini. « La Cie des Glaces » avait vécu, vive « La Cie des Glaces » ; une voie semblait encore ouverte, celle de la préquelle opportuniste. Arnaud l’a emprunté, j’étais inquiet : ce premier tome, que j’avais gardé en PAL 30 ans durant, allait-il me plaire ? Rien de moins sûr : l’idée d’embarquer à nouveau dans une aventure volumineuse (et surtout jugée par avance inutile) me démoralisait. Je viens de remettre les pieds dans la Cie, je suis remonté dans ses trains, j’ai eu froid ; suis-je guéri de l’addiction qui fut la mienne 12 ans durant ?

J’ai une aversion prononcée pour les cycles SF à rallonges, à quelques rares exceptions près, les jugeant dévoreurs d’idées. En sont privés les lecteurs qui, effrayés d’emblée par le chemin à parcourir, ne vont que rarement au-delà des épisodes initiaux. Il y a, ici, la notion de précieuses idées gâchées, cachées dans la masse des tomes parus. La SF, plus que tout autre littérature, en vit: alors pourquoi les enliser sur le fil de milliers de pages ? S’y greffe, en outre, une indispensable et conséquente disponibilité financière, élastique jusqu’à la rupture, que nombre de lecteurs ne possèdent pas. Vive les one-shots.. ! Et pourtant, la Cie m’a plu d’emblée alors qu’elle n’en est pas, d’évidence, un ; alors pourquoi cet attachement qui fut le mien depuis la première heure. Et bien, je n’en sais rien ; et puis c’est comme çà. La Cie m’a choppé et jamais lâché. Qu’en est-il des « Rails d’incertitude » ?

J’y ai retrouvé ces « Jours d’Après » chers aux romans postapocalyptiques imaginés à profusion par la Science-Fiction d’anticipation. Les SF-addicts, néanmoins, y reviennent inlassablement ; c’est un des pains communs du genre. Le schéma est classique, les règles sont connues, le chemin est balisé. Arnaud décrit, avec beaucoup de justesse, un monde dur mais attachant qui se cherche une renaissance dans la douleur et la persévérance. On va à la rencontre de survivants en reconstruction sur d’autres chemins de vie que ceux d’une vie antérieure. La conclusion est en happy-end ou du moins s’apparente à la solution du moins pire ; on sait que viendra le temps de la dictature.

 Arnaud sur le fil de cette première chronique parallèle réveille ce qui a fait son succès : une SF populaire qui, au-delà de son embonpoint, a le mérite de sa modestie d’écriture, de son efficacité et de sa rapidité de lecture ; des astuces d’auteur (il en est bourré) retrouvées comme de bons copains d’antan (62 tomes lus en facilitent la détection) : une propension non rédhibitoire à tirer à la ligne (encore que one-shot oblige il est amené à condenser pour venir à bout de ce pour quoi il est venu) ; l’usage de fins de chapitres en mises en abime ; de récurrentes scènes de sexe quelques fois cruelles et, une constante étonnante à boucler un tome en 34 chapitres (?).

Et puis on se dit que, plus tard, viendront Lien Rag, Yeuse et le Kid sur le fil des 24 autres tomes d’une « Nouvelle Epoque »… l’occasion nostalgique rêvée d’enfin les retrouver. Pourquoi ne pas se laisser tenter ?

Joker… ou pas ? Je vais réfléchir…

9 commentaires:

  1. Merci pour cet article qui m'a donné l'occasion de voir et de creuser un peu ce qu'il y avait derrière ce titre "La compagnie des glaces" que j'avais déjà entendu mais sans jamais prendre le temps d'en apprendre davantage!
    Me vient immédiatement à l'esprit "Le transperce neige" (et apparemment, le rapprochement semble fréquent!), mais cette BD au départ signée Lob/Rochette n'a bien sûr pas l'ampleur de la saga de G.J. Arnaud!
    (s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola

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    1. Autre rapprochement: "Eternity express" de Jean-Michel Truong qui propose le rail comme moyen pour gérer définitivement les problèmes économiques et sociaux liés au grand age tout en gardant la vision d'un paradis gériatrique promis à venir. Dystopique à donf.
      Autre rapprochement, mais à minima et dans une intention différente: la ville sur rails du "Monde inverti" signé Christopher Priest.
      Citation: "l'ampleur de la saga de G.J. Arnaud" >>>> Je suis allé faire un tour sur le Net. Il semble que le record soit atteint en tenant compte du fait que Perry Rhodan ne soit pas de la plume d'un seul auteur mais d'un duo voire d'un collectif.

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  2. Le nom du présent blog, « La convergence des //s » doit beaucoup à « La croisée des //s » de Renard + Cheinisse tout autant qu’à ma fascination (qui a failli être professionnelle) pour le grouillement horizontal des aiguillages SNCF posés à plat sur le ballast, entrevus de nuit en flashs étincelants depuis la cabine de pilotage d’une BB.

    Je percevais ces couples de rails en croisant d'autres comme autant d'univers parallèles appelés sans cesse à se rencontrer et à se séparer, comme autant d'uchronies croisées.

    Un peu comme dans la vie quand des destins individuels inattendus et improbables se rencontrent, s'abandonnent les uns aux autres l'autre puis se séparent pour mieux se retrouver, se détacher, se croiser à nouveau.

    De là à passer aux rails de "la Cie des Glaces" il n’y avait qu’un marche-pied, le premier d'une série de 62.

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  3. Si tu te rappelles, j'avais commencé les 2 premiers tomes de la série initiale mais je n'ai pas poursuivi depuis. Comme tu le décris si bien, l'ampleur de la série refroidit mes ardeurs.

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    1. Le cycle, livré en tabac-presse, un tome à la fois tous les deux mois, connut un rythme idéal. Plus resserré, l'overdose aurait guetté. Je pense que c'est le bon rythme pour perdurer.

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    2. C'était une autre époque, une autre façon de consommer la littérature.

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    3. Tsssk... Tout de suite les sous-entendus subliminaux ("le roman-feuilleton, aujourd'hui ça fait suer")?

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    4. MDR. Le roman-feuilleton, oui, c'est du marathon... alors suons..!

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