Réédition 2009
«Monsieur la Souris» est un « roman dur » signé Simenon. Le drame policier embarqué se situe à la croisée de la mendicité de rue, de la pègre opportuniste, de la police tatillonne et obstinée, de la haute-finance internationale, hautaine, méprisante et sans scrupule. Simenon, une nouvelle fois, use de contrastes sociaux très marqués et renvoie, dos à dos, les divers personnages ; ils tissent, à eux tous, moins un drame qu’un conte cinglant. Le roman me semble à part dans l’univers de Simenon, mais je peux me tromper … je vais essayer de m’expliquer
Fin des années 30’s, dans le Paris des Champs Élysées et du quartier de l’Opéra, un clochard, surnommé « Mr La Souris », devient le héros malgré lui des conséquences policières d’un meurtre qu’il n’a pas commis et dont il est le seul témoin sans pouvoir en parler. Il a, en effet, sans avoir vu l’assassin, trouvé un portefeuille aux pieds d’un cadavre dans une belle auto en stationnement. Une grosse somme d’argent l’accompagne. Comment un clochard peut-il vivre dans la rue, sans risque, avec un tel pactole en poche ? Comment écouler la moindre grosse coupure sans éveiller la curiosité ? La Souris aura, mais en vain, l’art et la manière ingénieuse, prudente et calculée de blanchir les billets (sans leur contenant) aux « objets perdus » dans l’espoir de les récupérer au bout d’un an et un jour … Mais, naturellement, tout ne se passera pas comme prévu. Ce serait sans compter la pugnace opiniâtreté d’un inspecteur de la Police Municipale, voisin du Javert de Hugo, sa sottise et son vain opportunisme de carrière. Son nom, Lognon, surnommé le Malgracieux, claquemuré dans son intransigeance, son obstination et ses idées reçues ; on peut parler de harcèlement. On retrouvera le personnage dans quelques Maigret ultérieurs en compagnie des classiques Janvier et Lucas qui trainent déjà, ici, leurs guêtres. Quant à Maigret, pas de traces…
Le roman prend une tournure guillerette de l’opposition querelleuse de ces deux hommes, cette dernière virera à l’amitié inquiète de l’un pour l’autre quand la violence de la pègre se mêlera aux débats.
Instinctivement, sur le fil de mes lectures, cet énième « roman dur » signé George Simenon aurait du attendre en PAL si un fait extérieur ne l’en avait extrait. L’œuvre n’est que rarement citée, semble n’appartenir qu’au ventre mou de la longue série tandis que d’autres, plus côtés, sont souvent cités au rang des incontournables du romancier ; ils ont ma priorité.
Je suis, il y a peu, tombé sur un fichier «You Tube», relayant une adaptation radiophonique de « Monsieur la souris ». Écouter fut un plaisir, lire l’original une conséquence. Je suis passé des ondes moyennes au livre physique, et dans la foulée au cinéma (cf «You Tube» encore). Curieusement, la version radiophonique n’est pas, à ma connaissance, mentionnée sur « Wikipedia ». J’en ignore la date de diffusion. Probablement du temps de la Radiodiffusion Télévision Française. Une paille, en fait.. ! On y entend au générique, entre autres voix, celles remarquables de Maurice Biraud (essentiellement un homme de radio) dans le rôle de « La Souris » et de Jacques Fabbri (un acteur de théâtre) dans celui de Lognon ; celle gouailleuse, argotique et canaille du premier ; celle bourrue et éternellement chagrine et mécontente de l’autre.
Le lecteur et l’auditeur s’amusent de La Souris, de cet «homme nu» attachant, malin, espiègle, ingénieux, à l’aise dans un milieu marginal qu’il connait par cœur et qui, au final, est toute sa vie. Mr La Souris, tel qu’interprété par Biraud prend toute la place, squatte les ondes, son « je narratif » radiophonique constant fait oublier la neutralité du roman à la troisième personne du singulier. Quant au « Monsieur la Souris » de cinéma (1942) il emprunte une autre voie qui fait de Raimu un être souvent falot, effacé, balloté au gré des circonstances. Dans les trois cas, les backgrounds trop touffus de la Finance et de la Pègre ne faisant pas le poids, on a l’impression d’une bluette qui n’a, comme ambition, que d’amuser et d’attendrir, d’affronter deux personnalités aux polarités opposées, celle de Lognon et de Mr La Souris. La gouaille de l’un face au caractère atrabilaire et obséquieux de l’autre.
Oui, décidément, un « roman dur » bien à part … que du plaisir néanmoins.
Version cinéma (1942)
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