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vendredi 7 mars 2025

Quelques échos du chaos - Laurent Cappe

 

Ed. Vendeurs de mots (2025)

 

Laurent Cappe, sur l’allant de trois romans réussis (« Bleu », « May » & « Ours »), était attendu en ce début 2025. Le long format semblait tout naturellement la voie royale où l’auteur a fait ses preuves. Et pourtant, étonnamment, il nous revient avec un recueil de nouvelles.

Y jaillissent en boomerangs quelques sombres échos des temps à venir. Laurent Cappe anticipe une poignée d’éclats dystopiques arrachés à nos futurs proches. Néanmoins, certaines nouvelles restent ancrées dans notre présent.

La nouvelle : un art littéraire difficile s’il en est. Pour l’auteur, un défi, celui d’user du minimum de mots pour laisser filer, au plus vite et au plus fort, une idée maitresse vers son objectif : toucher et surprendre son lecteur. Au final, pour Laurent, une réussite... ! Il sait y faire.

Le maitre-mot du titre est « Chaos » : ce dernier, tour à tour, prend des formes personnelles et/ou collectives. Le terme est précédé d’« Echos », au pluriel, comme autant de flèches littéraires tour à tour décochées cœur de cible. Ainsi le titre, déjà, rien que çà, se montre bien belle trouvaille. Un choix judicieux, accouplant idéalement contenu et contenant.

 Les thèmes flirtent avec les craintes de notre époque, au plus près des abimes qu’elle frôle. Le climat mis à mal par la sécheresse (« Rhapsodie » où les arbres délivrent leurs derniers chants), un Covid newlook puissance 1000 (« Julius et le scalpel »), les menaces de guerre aux frontières (« Chaos » où un monde, le nôtre, en mode barbare, post-apocalyptique nucléaire, se reconstruit peu à peu sur un verrou religieux obscurantiste).  

Et voici en vrac quelques autres échos parmi ceux proposés, issus de futurs décousus ou de présents chagrins mais remplis d’espoirs :

« Deux frères » : en « je narratif », un monde pris dans la tourmente d’une guerre de positions qui ne dit pas son nom. Instabilité du front, à toi-à moi, avancées et replis dans un no man’s land entre «Eux»  et «Nous». Deux armées face à face, qui jouent à gagne-petit au milieu des décombres, du fracas des armes et des corps mutilés. La vérité territoriale du jour n’est pas celle du lendemain. Deux frères côte à côte, deux fantassins, à qui la guerre va jouer un drôle de tour. Sur le Front, au plus près des « Autres », la Fraternité.

« Vacances, j’oublie tout » : la maladie vient et frappe, la mort rôde et patiente. Un jeune couple grignote avec gourmandise ses derniers feux sous le regard discret d’un autre. La vie, toujours, comme si c’était la dernière fois.

« Un air d’accordéon » : une église, un enterrement, une famille endeuillée dont un des membres que personne n’a revu depuis longtemps vient, des prie-Dieu du dernier rang, rendre hommage discrètement à l’oncle décédé. Il replonge dans ses souvenirs familiaux le temps de la cérémonie … et basta, retourne à sa nouvelle vie.

« Le chat » : quelques pages pour retrouver ceux prisonniers entre les pages des contes. Une gourmandise étonnante. !

« Cassandre » : un monde, toujours le nôtre, dystopique en diable, poli et aseptisé, rendu à la norme du plus petit dénominateur commun, teinté du Fahrenheit 451 de Bradbury, pris dans l’étau pourtant bienveillant d’une I.A. castratrice, où la lecture et l’écriture sont gommés des savoirs, les livres déconseillés voire bientôt interdits. Un meilleur des mondes détaché de tout élan créateur où … pourtant.

« Coupe la radio » : à l’horizon menace la guerre, c’est le temps de l’exode. Un vieux couple attend chez lui l’inéluctable, se reconstruit une vie le temps d’une dernière nuit. Quelques pages bien touchantes sur un fond dramatique.

« Une fin » : la perle du recueil. A l’épreuve du pire des cauchemars qu’un couple puisse affronter, deux êtres s’affrontent, se déchirent. L’osmose entre eux se délite, se désagrège, implose. La nouvelle la plus travaillée et viscéralement touchante dans son rendu dramatique. Chapeau.

Il m’a semblé voir les nouvelles proposées s’imbriquer les unes dans les autres, se la raconter, entrer en résonance, se prolonger mutuellement au rythme de dystopies polymorphes, emboitées comme autant de poupées-cigognes. Cette impression ne vit, peut-être, que dans mon propre ressenti. j’ai entrevu confusément une construction à l’égal de ces trans-fictions en fix-ups chères aux littératures de l’Imaginaire, à mi-chemin entre littérature blanche et SF, à l’image de celles de Christopher Priest dans son cycle de l’Archipel.

… d’une nouvelle l’autre, une belle prose affirmée, empreinte de tendresse sur des thématiques fortes et dramatiques

Juxtaposition de mondes morts mais ouverts sur l’espoir ; un ton pessimiste porté sur des lendemains qui crèvent ou au minimum inquiètent… mais toujours, à minima, l’espoir.


 

lundi 3 mars 2025

 


vendredi 21 février 2025

La patience de Maigret - Maigret – Georges Simenon

 

Réédition Livre de Poche n°14221 (2011)

« La patience de Maigret » (1965), 70ème tome de la série, est, à la suite de « Maigret se défend » (1964), le second volet de l’unique diptyque de la saga. Encore est-il parfaitement lisible en one-shot. Certains personnages, sur les mêmes lieux ou presque, coupables ou complices de crimes résolus il y a dix jours à peine, ont disparus du paysage, ont été arrêtés et sont incarcérés ; d’autres, déjà présents, jusqu’alors simples témoins, prennent désormais les premiers rôles sans avoir vraiment été les seconds couteaux du premier.

Une affaire chasse l’autre : celle initiale, celle de « Maigret se défend » est close ; une autre pointe son nez, occulte la première et ouvre de nouvelles perspectives.

« La patience de Maigret » est la résurgence thématique d’une enquête inaboutie qui traine, irrésolue, depuis une vingtaine d’années, dans les cold cases du Commissaire. Elle concerne, en background des deux affaires, une longue série impunie de vols de bijoux que Maigret n’a jamais pu décrypter. Des hold-ups successifs jusqu’à la refourgue en passant par le recel et la retaille des pièces tout reste irrésolu : aucun indice, à peine des soupçons qui portent sur deux personnages d’importance dont l’un vient de mourir.

Maigret enquête sur l’assassinat de Manuel Palmeri, une de ses vieilles connaissances du Milieu. Il vient d’être tué chez lui, dans son fauteuil roulant, d’une balle dans la nuque. C’était un vieux « truand à papa » respectueusement imprégné des anciennes lois du Milieu, un caïd infirme, victime il y a deux ans d’un règlement de comptes qui l’a laissé sur le carreau de ses anciennes activités maffieuses (mais va savoir ?). Le commissaire le suspecte depuis des années de jouer les prolongations et le fait surveiller de filatures à peine discrètes en téléphone sur table d’écoute ; mais cela n’a pas empêché son assassinat. Le caïd s’est toujours montré prudent dans ses rapports avec la police, lâchant du lest de temps à autre ; malin et l’air de rien, il s’était fait discrètement indic ponctuel, balance à minima, en échange d’une certaine tranquillité policière. Maigret le respectait néanmoins, voire l’admirait, l’estimait à l’aulne des vieilles règles du Milieu que le truand se faisait un point d’honneur à mettre en avant. Son violent décès impose à Maigret de trouver le coupable et, quelque part, de venger un mort, presque un ami ….

« Pourtant, il y avait tout au fond de … [Maigret] …, si ce n’est de la tristesse, tout au moins une certaine nostalgie. La mort de Manuel Palmeri n’était pas de celles qui endeuillent la société. »

Aline Bauche, sa jeune compagne, une ex-tapineuse rangée du trottoir sous le vernis craquelé d’une femme honorable ; elle se veut aide-soignante au chevet d’un être diminué, garante honnête de ses finances en cours (et il y a du pognon.. !). Aline appelle tendrement « papa » l’homme qu’elle aime malgré son handicap. Maigret est fasciné, voire secrètement enclin à certains sentiments amoureux, mais il sait qu’il ne franchira jamais le pas vers les aveux ; leur relation est trouble ; empreinte de la distance entre le chasseur et sa proie potentielle. L’un est tendre mais, job oblige, inflexible ; l’autre haineuse et à deux doigts parfois de retrouver ses manières et son parler d’antan.

«_Tu as tort, papa, de recevoir le commissaire. Les flics je les connais, et ils m’en ont fait suer. Celui-ci ne vaut pas mieux que les autres. Un jour tu verras, il se servira contre toi de tout ce que tu lui laisses te tirer du nez » 

Simenon, Maigret et le Milieu. Une plongée en compagnie de ses pontes, de ses caïds rangés des voitures, demi-sels, porte-flingues, maquereaux, barmans, portiers de nuit … Le tout noyé dans le microcosme d’un immeuble parisien de rapport où s’agglomèrent quelques strates de la société !... Rentiers, voyageur de commerce, prof d’éducation physique, bonniches … etc.  Vue en coupe d’un immeuble parisien de la fin des années 50’s ; proprios et locataires tour à tour sur la sellette ; l’un deux est peut-être coupable à moins que …

« C’est ainsi que le commissaire avait réussi la plupart de ses enquêtes : en montant des escaliers, en reniflant dans les coins… [ ] … en posant des questions inutiles »

Maigret instille la peur et confine ses suspects, le huis-clos s’amorce.

… la suite appartient au récit … conduisant le commissaire à une terrible colère empreinte de vengeance.

Deux jours en juillet pour mettre un terme à une enquête qui traine depuis deux décennies … c’est la patience de Maigret.

PS : en 1994 la TV adapte « La patience de Maigret ». Bruno Cremer est aux premières loges. Agnès Soral, dans un registre cousin de son rôle dans « Tchao Pantin », endosse l’habit d’Aline. Elle y fait merveille malgré un tout assez décevant car largement infidèle à l’orignal papier. Cette version succède à celle de 1984 avec Jean Richard, bien pâlotte et inutilement teintée d’humour. Pas d’adaptation ciné ; pourtant l’intrigue s’y prête, même si elle est facilement décriptable.

Sur le fil de mes lectures, un Maigret suit ainsi l’autre. Et je ne m’en lasse pas. C’est un gage de qualité. Celui-ci montre un Maigret entre cœur et raison, le plus difficile des rôles.

Re-PS : Tournent, tournent les génériques TV. A chaque fois une belle réussite. Quelques notes à peine qui se tatouent sur les tympans…

Jean Richard

Bruno Cremer

jeudi 20 février 2025

dimanche 16 février 2025

L'homme du futur face à l'I.A. ?

   A vos copies ... 

  Vous avez 4 heures... ..!

https://images.noosfere.org/couv/l/ldpj0039-1993.jpg . https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/2/23/Wells_Strimpl.jpg

samedi 15 février 2025

La folle de Maigret – Maigret – Georges Simenon

 

1970, réédition de 1997

« Une petite vieille toute menue qui portait un chapeau blanc, des gants de fil blanc, une robe gris fer … [ ] … elle ne devait guère peser plus qu’une gamine. Son corps s’était comme épuré avec le temps et elle avait la peau diaphane. »

Léontine Antoine de Caramé, une vieille dame très digne et bien comme il faut, une parmi tant d’autres, petite et fluette, gentille et tendre, polie et respectueuse dans ses rapports avec autrui ; une octogénaire paisible, esseulée, deux fois veuve, fragile et discrète ; un de ses êtres gentiment accroché au bout du bout de la vie qui leur reste et glisse encore gentiment autour d’eux. Sa journée : le matin au marché, un banc du Jardin des Tuileries l’après-midi, la télé le soir, parfois le cinéma, des photographies sépia sur le marbre de la cheminée, des lettres jaunies, la concession à perpétuité de son premier mari qui l’attend quand le moment sera venu ... En attendant, des relations sociales réduites à peau de chagrin. Un bien triste constat au jour le jour… Une histoire simple en somme. C’est si facile d’oublier les vieux …

« Elle avait dépassé le peloton de ceux qu’elle avait connus et qui tous étaient morts avant elle »

Léontine sollicite en vain audience à Maigret au 36 Quai des Orfèvres. « Une question de vie ou de mort » prétend-t ’elle.  Elle se plaint, par défaut, à un subordonné du commissaire qui recueille sa déposition. Elle se sent menacée et demande de l’aide. A son domicile, où elle vit seule, lors de ses rares absences, des objets se déplacent légèrement ; on la suit dans la rue, elle le sent, même si, se retournant brusquement, elle ne perçoit personne de suspect derrière elle.

« Une folle, c’est une folle.. ! » tranche le commissaire qui ne donne pas suite. Les jours passent, la vieille dame est assassinée chez elle. Maigret culpabilise et se met en chasse, il a à se faire pardonner.

Les personnages : la nièce de Léontine, la cinquantaine sur la mauvaise pente, hommasse et laide, portée sur la chose. Son amant, gigolo sans remords et ex-proxénète. Son petit-neveu, musicien « pop » au chiches engagements scéniques (nous sommes en 1972 et Simenon laisse entrevoir sa curieuse vision du rock). Un trio pour un, ou plusieurs coupables ... à moins que ! Maigret et ses inspecteurs à la pêche d’intuitions plus que d’indices sur le fil d’une enquête atypique. Les proprios et locataires de l’immeuble dans laquelle Léontine habitait en toute discrétion, comme un fantôme en ces murs oublieux de sa présence. Toulon et sa pègre. Paris en mai durant 8 jours de beau soleil ; la ville d’alors, à l’aube des années 70.

Tout du long des 75 épisodes que compte la série, les « Maigret », en tant qu’entités physiques séparées, n’ont jamais été bien dodus (invariablement moins de 200 pages en version poche). La qualité de chacun d’eux n’a jamais attendu la quantité de mots. Était-ce une volonté de l’éditeur ou de l’auteur d’ainsi passer vite au suivant ? « La folle de Maigret » n’échappe pas à la règle et se simplifie même encore plus la tâche. Le texte fait la part belle aux dialogues (rapides mais habilement agencés) et renvoie facilement à la ligne, le roman se lit vite, l’intrigue n’est pas compliquée et l’épilogue se lasse facilement deviner. L’achevé d’écrire précise : « 7 mai 1970 », à trois « Maigret » de la fin de la série en 1972. Doit-on y avoir Simenon qui, dans sa hâte d’en finir avec l’écriture romanesque, réduit la voilure des mots. Et pourtant, l’auteur ne bâcle pas, installe une intrigue soigneusement agencée, une galerie de personnages fouillés, les uns attachants, les autres repoussants, tous inoubliables.

Une des versions TV (1975, avec Jean Richard et Hélène Dieudonné dans le rôle de Léontine) installe un épilogue absent du roman ; Léontine défunte, en fantôme éthéré près d’un bassin de jardin public, se retourne sur Maigret et le gratifie d’un sourire éblouissant qui pardonne tout.

Léontine est de ces portraits en prose qui se tatouent sur nos cœurs de lecteurs quand ils se font les échos de réalités sociales non encore résolues. « La folle de Maigret » fait oublier son statut de roman noir et entre en littérature blanche ; c’est le grand prestige de Simenon.

Merci Monsieur.


 

jeudi 13 février 2025

M’as-tu vu en cadavre ? – Leo Malet (roman) et Tardi (BD)

   

Réédition Omnibus "Bouquins", Robert Laffont 1985

 Première édition (je pense..!) Casterman ed. 2000

 

« M’as-tu vu en cadavre ? » (1956) est, sous la plume de Léo Malet, le sixième épisode des « Nouveaux mystères de Paris » mettant en scène le détective privé Nestor Burma qui « met le mystère KO ». Une enquête de plus au sein de la capitale (il y en aura 15), une par arrondissement (tous n’auront pas leur part). C’est, pour l’instant, avec « M’as-tu vu en cadavre ? », le tour du Xème, dans le sillon du scintillant et parfois véreux show-biz, du music-hall à paillettes et light-shows, des chanteurs de charme en chasse de minettes énamourées ou de femmes mûres délaissées, des agences troubles d’impresarios, du Milieu aux aguets (on s’y « dessoude » armes à feu au poing). L’atmosphère ambiante est en rebond des années 50’s urbaines, du début des Trente Glorieuses mâtinées truands et porte-flingues. Burma y récolte, sous les portes-cochère des coups de matraque en caoutchouc ; déambule, sur le fil de son enquête, de bistrots en bistrots (Suze ou Saint-Raphaël, Pernod, Ricard, demi-pressions et petits noirs) ; s’arme en fond de poche d’imper d’un révolver (pas d’un pistolet, s’il vous plait, il a son standing) ; se saoule jusqu’au bout de la nuit en compagnie d’une vielle gloire fanée de la chanson réaliste. Le prologue, comme attendu, s’amorce dans son « Agence Fiat-Lux » via Auguste Colin dans la vraie vie, alias Nicolss de pseudo de music-hall dans le roman ou Nikolson (avec un K) dans la BD. L’homme, un vieil artiste fauché, depuis longtemps sans cachet, vient taper Hélène, la secrétaire, de 50000 balles. Burma s’étonne mais, bien entendu, raque et enquête, on ne la lui fait pas… La suite appartient aux nombreux rebondissements à venir. Les cadavres (6) pleuvent … Malet n’en est pas avare ; la conclusion se fera en huis-clos, démontant dans les détails les mécanismes de l’affaire, à la manière d’Agatha Christie (seule concession au roman policier classique). Sinon c’est du polar noir bon teint, et du bon ; Malet écrit bien … sans oublier de nous faire sourire. Héléne prend le « je narratif » le temps de deux chapitres, en écho de lieux où le détective ne passerait pas inaperçu ( ?????).

En 2000, Jacques Tardi adapte en BD « M’as-tu vu en cadavre ? », c‘est son 4ème Nestor Burma. Sous le bras, dans son carton à dessins, il livre 60 planches à son éditeur Casterman, 60 feuilles fignolées au poil de pinceau près ; le tout, comm’dab, en noir, blanc et gris assortis ; l’encre de Chine noire colle tip-top à la sombre ambiance embarquée, même si l’humour, plus qu’à l’ordinaire, est au rendez-vous. On est en pays de polar noir us des 30’s, le tout mâtiné franchouillard. Octobre 1956, Paris, 10ème arrondissement, en visite guidée. Gare du Nord, Canal Saint-Martin et Hôtel du Nord (si si.. !), Rue de Paradis, Passages du Désir et de l’Industrie. Tout baigne dans les années 50 made in France et quelques fois US. Stetson et gabardine col relevé sous la pluie pour Nestor, duffel-coat et noire jupe droite en-dessous du genou pour sa chaste (ou pas.. ?) secrétaire (on ne saura jamais s’il couche avec elle, et portant çà démange de savoir). Jambons-beurre, ballons de rouge, Ricard dans tous les bistrots qui passent. Boulets d’anthracite glissés par les charbonniers dans les soupiraux en ras d’immeubles. Machine à écrire Underwood au clavier qui cliquette. Cartons bristol à la prose lyrique: « Nikolson, acteur et fin diseur des concerts parisiens », « Soirées, mondaines, concerts, music-halls, tournées, France et étranger » ; concierge dans l’escalier ; hirondelle à pélerine et bicyclette, scooter vespa ; photographies Harcourt, réveille-matin mécanique qui grelin-grelin, affiches de starlettes affriolantes, banquette moleskine dans les troquets, électrophone Teppaz et 78 tours éparpillés… Arpentent le bitume ou le pavé mouillé : rondes 2CV, 4L, DS 21, arondes, dauphines, 203 Peugeot, tubes Citroën, hommes à chapeaux mous, femmes à fichu, filoche à baguette et légumes des 4 saisons. Postes TSF dégoulinant de sirops radiophoniques (« Gondole d’amour, ivresse des plaisirs ; gondole d’un jour, pont des soupirs », téléphones d’antan de noire bakélite et de chromes montés, cendriers Byrrh ou Ricard dégorgeant de mégots écrasés et tire-bouchonnés, affiches à pulpeuses starlettes de music-hall, bistrots et garçons de café torchon à l’épaule, Suze et eau de seltz. Petites annonces journaux : concert « Count Basie », « dans votre salle préférée le « Monde du silence » de Cousteau ».

Vrai… ! Un grand moment que ce roman et cette BD. Lectures couplée, de proche en proche, de page en page. L’expérience amorcée avec « 120 rue de la gare » est à renouveler avec « Casse-pipe à la Nation ».

 


 

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