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dimanche 17 novembre 2024

Opus Humano n°02 (BD)

 

Les Humanoïdes Associés ed. (2024)

 

Fin 2024 et début 2025, « Metal Hurlant » fête ses 50 ans via 5 hors-séries titrés « Opus Humano » qui rééditent certains jalons graphiques antérieurs de la revue. Chaque volume est dédié à une décennie (75-85,85-95,95-05,05-15,15-25) via des récits courts comme tirés d’un best of, voire des albums entiers livrés dans leurs intégralités ; tous démontrent la prolificité et la qualité du magazine sur son demi-siècle d’existence.

A contrario et à mon sens, les albums réédités parallèlement, 1 trimestre sur 2, dans la mouture actuelle de « Metal Hurlant », dans la mesure où ils sont insérés incomplets, minent la crédibilité du projet en cours.

Le moindre des intérêts d’«Opus Humanos» est, entre autres, sa mise en vente en kiosques comme le fut toute la lignée originale de « Metal Hurlant ». Ainsi ressurgissent des parfums d’antan et la nostalgie d’une époque où l’on trouvait ses « mauvais genres » chéris aux cotés des « Gitanes » filtre, de la presse quotidienne d’alors, de « Pilote hebdo ou mensuel », « Rock & Folk », « Charlie » et « Fiction » ... etc.

Le présent HS cible 1985-1995, une tranche temporelle durant laquelle j’ai, quelque peu, abandonné la BD au profit de la SF écrite, l’état de mes finances d’alors m’obligeant à des choix draconiens. N’empêche, l’envie m’a pris, ces temps, de reprendre le fil d’une lignée graphique délaissée, néanmoins suivie du coin de l’œil. Ainsi donc, ici, ces quelques mots pour recoller à un passé qui m’aurait pu être uchronique.

Certains noms, dessinateurs ou scénaristes, me reviennent en mémoire, d’autres pas ; réminiscences et découvertes. 

     

01_ « Vieille fille de la Mère Patrie », signé Beb-Deum, tiré d’un tout plus grand, « Bürocratika », un album de 1989. Quelques pages intéressantes (4), revisitant le thème classique d’une bureaucratie invasive qui forme dystopie à venir, emportant l’Amour au rang des interdits et des suspicions de déviances civiques. Gaffe à nous et de ce que nous faisons de notre monde … ! Un graphisme tout en N&B et nuances de gris, échos d’un monde qui perd les couleurs de ses libertés individuelles.

02_ Qui pour se souvenir de « Winchester 73 » ? Un western ciné de 1951, signé Anthony Mann. Des scénettes en fix-up autour du fil rouge d’une Winchester 73 passant de main en main ; les portraits et destins de ses propriétaires successifs. « Mémoires d’un 38 » (1989) de Franz,Bocquet & Fromental en reprend, ici, le principe via un 38 Spécial. Six historiettes imbriquées sur le fil des destins cruels et quelques fois justifiés d’un flic véreux et jaloux, d’une auto-stoppeuse minée dans sa tête, d’un poète décalé, d’une camée, d’un suprémaciste blanc suicidaire et d’une clocharde. Jubilatoire... !

03_ Chaland pour « F.52 » (1989) : son rétrofuturisme, ses vignettes lumineuses aux couleurs merveilleusement douces ; son trait précis, calculé, sobre et définitif ; ses histoires moins naïves qu’il n’y parait (ne surtout pas s’y tromper… !) ; ses héros délibérément clonés d’après Tintin en hommage à Hergé, houppette et yeux punctiformes… ; ses récurrents clins d’œil graphiques ou narratifs à la Ligne Claire (Lombard, le nom du héros, par exemple, est une maison d’édition spécialisée BD, elle a publié Tintin … etc).

 

04_ Warn’s + Raives pour « Le centaure tatoué » (1992). Thriller ou polar noir, c’est selon ? New-York au cœur des années 40’s. Coney Island, son phare, son parc d’attractions et ses pontons face à l’Atlantique. Deux corps nus sous l’eau, ligotés à une masse de béton ; un homme, une femme, décapités, amputés de leurs doigts et … tatoués, chacun, d’un minuscule centaure en creux d’aisselles. Un photographe de presse enquête et remonte le fil d’une intrigue maffieuse complexe. Une BD sanglante et violente, vive et réfléchie, un scénar millimétré et implacable. Une carte postale graphique du New-York de ces années-là, sombre et lumineuse, guettant les coins d’ombres et les lumières aveuglantes, ostentatoires et orgueilleuses de la mégapole ; une vision réaliste sublimée par un dessin précis et des couleurs soigneuses. De magnifiques vignettes souvent privées de textes pour un effet ciné appliqué aux courses-poursuites dans les escaliers métalliques des façades d’immeubles, aux règlements de compte au ras des trottoirs. Je ne connaissais pas cette série, j’y reviendrai… Ps : c’est le tome 5, cela ne m’a pas gêné.

05_ Sous l’impulsion d’Alejandro Jodorowsky au scénario, Jean-Claude Gal, aux dessins, s’essaie à la couleur dans « La passion de Diosamante » (2010). C’est une réussite impressionnante, presque bluffante. Le dessinateur avait déjà eu sa place logique dans le tome 1 d’ «Opus Humano», le voici de retour et c’est un plaisir de le voir, une nouvelle fois, à l’honneur. Du fait de la méticulosité graphique exigeante et chronophage qu’il s’impose de page en page (Quel boulot.. !), Gal se montre une personnalité rare et précieuse en BD. Son travail époustouflant de précision laisse émerger, dans les moindres détails, des cités mythologiques imaginaires grandioses ; des guerriers d’Héroïc-Fantasy bardés d’acier et d’intentions belliqueuses, de sang, de muscles et de sueur ; une belle héroïne au destin rédempteur sur le fil d’une quête initiatique attachante (Ah l’amour, toujours l’amour.. !). Jodorowsky laisse échapper ses penchants lyriques et grandiloquents sur le versant Fantasy de son Imaginaire ; ce dernier semble tout autant lui convenir que celui SF qu’il affectionne déjà. Bref, un grand moment.. !

06_ « Adam Sarlech » de Bézian (1989). Au XVIIIème siècle, un huis-clos familial cadenassé sur ses secrets et ses non-dits, oppressant, angoissant et profondément dramatique. Il ne laissera pas indifférent, voire même indemne, celui qui s’engagera entre ses pages. Une sombre et haute demeure isolée, quelque part en France, entre cimetière et landes d’automne. Un milieu aristocratique autarcique. Une mère autoritaire et garante du bon ordre des êtres et des choses ; des jumeaux perdus entre spiritisme et occultisme ; une cadette mutique et nymphomane ; un médecin de famille à demeure, au chevet d’un oncle paralytique en fauteuil roulant ; un curé, nouveau dans la paroisse, curieux de cette fratrie énigmatique qui prend grand soin de ne rien révéler de son passé ; une domesticité muette et quelque peu absente ; de bien curieux mannequins aux visages de cire … et Alba, la belle solitaire, qui rôde autour de la demeure… Une atmosphère Fantastique classique qui semble habiter/obnubiler son créateur. Un scénario qui, crescendo, demande d’attendre sa pleine puissance dans l’épilogue révélateur. Un graphisme étonnant, chaotique, déchiré, au final éblouissant, dans lequel il convient patiemment de s’immerger pour en comprendre les mécanismes et pouvoir pousser plus avant. Au final, à deux doigts du chef-d’œuvre, une BD brulante et froide qui ne laisse pas indifférent. Un one-shot qui a, semble t’il, appelé une trilogie dont je suis curieux … d’urgence.

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