Accueil

Accueil
Retour à l'Accueil

mardi 30 juillet 2019

Naija - Thierry Berlanda (2017)




Editions du Rocher - 2017

Je n'avais jamais rien lu de l'auteur, il semble à la tête de quelques titres classés thrillers, ayant reçu un certain succès d'un lectorat fidèle, édités par une maison connue.
En avant pour la découverte.

"Un industriel de l'agroalimentaire a été retrouvé affreusement blessé dans une bétaillère bondée de génisses. Que cache ce crime d'une cruauté inédite ? Qui l'a commandité et pourquoi ? Jacques Salmon et Justine Barcella, qui forment l'unité spéciale Titan, sont mobilisés. Leur enquête les met sur la piste de trois tueuses, de Paris jusqu'au Nigeria, à Lagos, cité tentaculaire surpeuplée où règne la loi du plus fort.

Que dissimulent les tours de verre High Tech du géant Histal, mystérieux groupe scientifique et industriel international ? Quelles sont ces « Tenues jaunes » au physique parfait qui accueillent les visiteurs ? Trafic d'organes, manipulations génétiques, hybridations monstrueuses, nanotechnologies ultraperformantes... les deux agents vont de surprise en découverte. Confrontés à ce « nouveau monde », à la fois repoussant et plein d'attraits, quel sera leur choix ? Le combattront-ils à tout prix ou se laisseront-ils séduire ?"

Thriller saisissant, Naija éclaire sans concession, par une plongée dans un monde où la morale s'inverse, l'enjeu crucial de notre époque : la valeur et le sens même de la vie."

La 4 de couverture pose clairement l'intrigue, elle est efficace car précise, concise et prometteuse; au final honnête car centrant au mieux projet et résultat. Elle propose un pitch qui m'a attiré par son côté science-fictif. Je ne m'amuserai pas à en dire plus, la redite avec mes mots serait inutile. Le récit grouille d'idées plus ou moins mis en relief, je réserverai la chronique à quelques commentaires sur certains aspects prégnants.

Naija aborde des sujets d'actualité brûlante avec les ingrédients de lendemains déjà scientifiquement presque accessibles pour peu qu'éthiquement et déontologiquement on s'abstienne de certaines précautions indispensables.
Le lecteur rencontrera, entre autres, au fil des pages, le listing étant loin d'être exhaustif:
_ des avancées nano technologiques visant l'éternelle jeunesse, via des bains de jouvence remplis de nano-robots que ne désavoueraient pas les fournisseurs de cosmétiques.
_des transplantations organiques clandestinement organisées utilisant des greffons volés sur des victimes non consentantes. L'éthique et la déontologie ne pèsent guère quand la balance s'infléchit vers qui peut payer. L'immortalité offerte à l'élite se profile.
_plus angoissant encore: les hybridations animales entre espèces jusqu'alors incompatibles, celles de l'animal vers l'homme et inversement, celles inter humaines. On est proche ici d'une SF mâtinée de fantastique. "L'ile du dr Moreau" pointe son nez. C'est ce qui m'a le plus effrayé.
_D'autres trouvailles étonnantes sont accessibles et expliquent pourquoi deux autres tomes sont à l'oeuvre derrière celui inaugural: "Jurong Island" et "Cerro Rico".

Le possible politique s'ajoute aux possibles scientifiques. Le terrain de jeu du roman est l'Afrique: celle noire et pauvre du Nigéria (Naija) où la clandestinité de certaines dérives peut s'implanter sans risques; celle riche et souvent blanche, claquemurée dans quelques îlots édéniques protecteurs, places fortes de multinationales plus riches que des nations entières.
Le concept de ces dernières, il y a peu conçues comme unités géopolitiques, s'efface pendant que naissent des Cercles d'influence économique omniprésents. Le patriotisme sera commercial et prêtera allégeance à des marques. J'avais déjà rencontré l'idée dans "Dragon déchu" de Peter F. Hamilton.

Il y a quelques temps, quelques mois à peine, je me suis plongé avec intérêt et étonnement dans un article Web argumenté orienté science-fiction. Je n'en retrouve plus trace mais basta, l'essentiel me reste en mémoire. Il exploitait un fait étonnant liant les avancées scientifiques en cours aux talents visionnaires des auteurs de science-fiction. Il s'avère en effet, de nos jours, que l'écart de temps entre certaines visions littéraires anticipatrices et la concrétisation parmi elles des idées utilisables tend à se réduire peu à peu. En conséquence certains récits usant de possibles à très court terme se voit rattraper par les faits et retournent dans le réel. En gros la science courre après la SF à court terme, lui colle au train, s'en rapproche de plus en plus, phagocyte ce qu'elle atteint et ne lâche pas sa proie. Le territoire imaginaire devient peau de chagrin, perd des lambeaux squattés par des possibles devenus réalités. Certains entrevoient même ainsi la mort du genre, mais c'est une bien autre histoire qui alimente les threads dans les forums spécialisés.

Une des facettes de la SF est d'imaginer ce qui va peupler nos futurs à l'aide de possibles scientifiques, l'aspect anticipatif s'efface quand les avancées du réel abordent les rivages imaginés. C'est ce qui arrive à Naija, c'est de la SF qui ne veut/ne peut pas dire son nom tant ce qui la peuple est presque d'actualité. L'édition, de nos jours, semble favorable à noyer le genre sous l'étiquette généraliste de la littérature blanche au point de rendre neutres ses illustrations de couverture. Perso, j'y perds mes petits... et Naija aurait pu m'échapper si un concours de circonstances...

La SF proposée par l'auteur, à côté de son côté thriller perceptible et justifié, peut plaire à ceux qui pensent la détester car elle est presque déjà réalité. Thierry Berlanda manie des concepts proches du cyber-punk appliqué à la biologie (oserai-je parler de bio-punk si le terme n'est pas déjà utilisé ?). 

L'auteur semble fasciné par ce qu'il entrevoie, semble nous dire qu'il va nous falloir nous y faire et qu'après tout ce n'est pas si mal tant il y a de promesses bienfaitrices là-dessous. Il parle de morale inversée et deux phrases tirées de la 4 de couverture pose toute la problématique du sujet: "Confrontés à ce « nouveau monde », à la fois repoussant et plein d'attraits, quel sera leur choix ? Le combattront-ils à tout prix ou se laisseront-ils séduire ?"

Il me reste deux tomes, la trilogie prévue est sur les rayonnages des libraires, je possède les trois tomes, les deux derniers m'attendent. Je vais prendre du recul, passer un temps à autre chose, la masse totale pèse son poids de pages et d'idées, il faut du temps et du calme à y consacrer. J'y reviendrai sans crainte de perdre le fil, l'auteur signalant que les tomes sont relativement indépendants et peuvent être lus dans un ordre quelconque.

Merci à qui se reconnaitra. Tu avais raison: çà peut me plaire..!

29 commentaires:

  1. ce thriller semble en effet dans l'air du temps, d'après les thèmes abordés.. ( nono-technologie.. etc)
    mais il semble aussi très dense dans son contenu et les pistes lancées.. ça me rappelle une autre de tes chroniques, dont j'ai oublié le titre ( l'orque quelque chose ) :-D

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, c'est dense mais pas confus, ce qui m'avait paru apporter le fouillis dans "La Cité de l'Orque".
      Les pistes lancées trouveront sans doute un chemin dans les tomes ultérieurs.

      Supprimer
    2. Oui, dans l'air du temps, en effet. Seul bémol, et il est éditorial, la notion SF qui existe (je persiste et signe) se dilue dans la notion de thriller (qui est présente aussi). On dirait que la SF est devenue le "petit canard noir".

      Supprimer
    3. Thriller est beaucoup plus à la mode. Je pense que la Sf est le dernier genre "pour" les hommes (je ne dis pas qu'il y a pas de lectrices bien entendu), les polars, devenus thrillers, ont largement séduit le lectorat féminin.

      Supprimer
    4. Le policier (dans son sens large incluant le thriller) semble poussé vers le succès par un lectorat vivant et impliqué, La SF marque le pas et c'est bien dommage, sans doute et à mon avis, à cause de choix éditoriaux décalés des réalités: se noyer dans la littérature générale en est une, rendre neutres ses illustrations une autre... (çà c'est le militantisme qui parle)

      Supprimer
    5. Je serais curieux d'avoir des chiffres de vente sur les genres. J'ai l'impression qu'il y a un regain pour le méga genre SFFF mais ça doit être incomparable avec les thrillers. Il y a qu'à voir les rayons en librairie. Comme tu dis, se noyer dans la littérature générale est une erreur.

      Supprimer
  2. "L'auteur semble fasciné par ce qu'il entrevoie, semble nous dire qu'il va nous falloir nous y faire et qu'après tout ce n'est pas si mal tant il y a de promesses bienfaitrices là-dessous." >>> c'est définitivement non pour moi.. je suis peut-être rétrograde, mais ces aspects-là de la technologie et des avancées scientifiques me lancent un signal d'alerte rouge.. l'humanité va à sa perte..

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, tout à fait. Tant pis pour les promesses, les risques sont bien trop grands.

      Supprimer
    2. quelles promesses? de jeunesse éternelle? d'immortalité? d'absence de maladies?

      Supprimer
    3. La première est illusoire, la seconde ennuyeuse, la troisième est la seule acceptable au service de celles et ceux qui n'ont pas vécus un temps sur Terre acceptable (par exemple)

      Supprimer
  3. Et merci à celui qui a reconnu celui qui s'est reconnu. Je suis vraiment touché par cette analyse fouillée et experte. J'ai commencé à écrire Naija il y une petite dizaine d'années, pressentant en effet qu'il ne resterait pas toujours un ouvrage de SF. Après tout, le prophète prédit moins le futur qu'il ne dévoile le présent. Et c'est cet aspect qui, moi, me glace : tout est sous nos yeux (ou à peu près), mais recouvert par l'opacité des convenances et connivences. Déchirer le voile, voilà ce qu'un artiste doit à l'humanité. Bien fidèlement à vous. Thierry Berlanda

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci . Pour la présence et le commentaire.
      J'ai perçu votre positionnement comme celui d'un lanceur d'alerte. Le présent se doit d'être aux aguets pour que certaines failles ne soient pas utilisées/utilisables. C'est typique d'une SF qui met en garde. Rien ne l'empêche de se teinter des couleurs du thriller comme l'intrigue de Naija ...et la mise en abime étonnante de son épilogue le montre. Va pour le thriller, cela ne me gène pas.
      'aurait fait en parfaite connaissance des failles du présent

      Supprimer
    2. Ma trilogie qui commence a ec Naija est desormais identifiée comme techno-thriller, mais la valse des étiquettes n'est pas vraiment mon affaire. J'ai ecrit un punk-opera sous-tendu de métaphysique... Classement impossible ☺️ Merci encore.

      Supprimer
    3. Excellente analyse de Naija !il faut lire la suite dans les 2 autres opus où on a le plaisir d'accompagner les différents protagonistes......et certains personnages sont extrêmement attachants.

      Supprimer
  4. Je commence à me lasser des thrillers typés policier qui commence à tous se ressembler. Je préfère largement les libertés d'une légère Sf un tant soit peu anticipatrice. Cette trilogie pourrait m'intéresser.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Dans le créneau "pas tout nouveau" (le roman date de 1976, adaptation ciné en 1978), me vient à l'idée un thriller à anticipation "à côté de la plaque" (dans le sens où rien ne s'est réalisé)(MDR) signé Ira Levin (l'auteur de "un bonheur insoutenable" et un "bébé pour Rosemary"). C'est de la SF et à l'époque "J'ai lu" le sortit sans étiquette SF et illustration neutre (on dirait du Guy des Cars). Son titre: "Ces garçons qui venaient du Brésil. Flippant.

      Supprimer
    2. Je suis allé voir la couverture et effectivement, on dirait du Guy des Cars (ma mère en a dans sa biblio). Et tu dis que c'est de la SF? Il y a de quoi tromper son lecteur…

      Supprimer
    3. De la SF bon teint recensée telle que sur Noosfere, avec un dynamisme de thriller bien secoué, des gros morceaux dedans bien juteux.
      Pitch du film dixit wikipedia, je cite: "Ezra Lieberman, célèbre chasseur de nazis, reçoit un étrange appel en provenance du Paraguay. Son correspondant l'informe qu'un complot se prépare. A sa tête, le sinistre docteur Mengele, terrifiant médecin nazi recherché par toutes les polices. Son objectif : assassiner 94 hommes à travers le monde. Quel est le but de ce complot ? Quel point commun réunit les 94 victimes ? Lieberman se lance dans une enquête, dont la solution est au-delà de ses pires cauchemars."
      Si ce n'est pas l'amorce type d'un thriller c'est du roman à l'eau de rose, rayon guimauve et chamallow.

      Supprimer
    4. Par contre, je me demande une chose: en 1978, le terme "thriller" existait t'il déjà..? Aucun souvenir.

      Supprimer
    5. Le pitch est dantesque… Presque tentant.
      En revanche, le terme thriller devait exister mais n'était pas le genre commercial qu'il est devenu.

      Supprimer
    6. Sujet intéressant pour le néophyte en la matière que je suis. J'ai demandé à dr Wikipedia de me renseigner. Un article fait remonter le genre à Homère (????) et plus récemment en 1915 avec "Les 39 marches" qui fut adapté Ciné par Hitchcock lui-même. Quant à l'apparition du terme: ?

      Supprimer
    7. De la Sf sans thriller, vous avez Les Furtifs de Alain Damasio !

      Supprimer
  5. en ce qui me concerne, je ne suis pas spécialement branchée thriller ( ou policier en général), j'en lis de temps en temps, mais ma préférence ne va pas vers ce genre ( comme pour les films d'ailleurs, ça me saoule les enquêtes policières mdrr)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Il doit bien en exister plongés dans un contexte historique d'antan..?

      Supprimer
    2. Il faut que tu te tournes vers la série Les grands détectives de 10/18, ils tournent souvent autour de la culture ou sont historiques.

      Supprimer
    3. Merci pour le conseil, Nicolas ;-)

      Supprimer
  6. il y a la série des Ariana Franklin que j'ai lu dernièrement.. thrillers historiques !

    RépondreSupprimer

Articles les plus consultés