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dimanche 22 septembre 2019

The Inmates - First Offence (1979)



La présente chronique a pour but, via l'évocation d'un groupe, "The Inmates" et celle du premier de ses albums, "First Offense" (1979), de ressusciter un pan oublié de l'Histoire du rock, celui du Pub-rock.

De nos jours, les oreilles des nouvelles générations sont centrées sur d'autres sons que ceux, en vogue, en 1979. Cette époque d'il y a 40 ans, en matière musicale rock, est désormais de l'histoire ancienne. 1979 devient un autre monde qui semble même n'avoir jamais existé, perdu, oublié, effacé, disloqué, mûr pour l'ethnologie musicale savante et didactique. Tant d'eau a coulé sous tant de ponts que maints albums de l'époque, tous genres rock confondus, ont disparus de la mémoire collective. Seuls surnagent les disques-phares d'un rock consumériste axé sur des profils vendeurs: Pink Floyd, Stones, Led Zeppelin ... etc.

"First Offense" est de ces bêtes rares oubliées, et ce d'autant plus que les influences qui ont conduit à son enregistrement en 1979 puisent 20 ans plus tôt dans la presque préhistoire du rock. On est ici, en compagnie des "Inmates", en pays de revival rock des années 50's, début des 60's, présenté et assumé par des dinosaures déterminés, revendiquant une passion: celle du vrai rock, celui d'antan, celui des premiers pas, des origines.

1979 est l'année charnière d'un rock rongé jusqu'à l'os par un showbiz à la bouche en tiroir-caisse, d'un marketing à l'oeuvre du consumérisme, c'est la curée à l'assaut des royalties. Il est miné par la démesure de groupe-phares mégalomaniaques à l'épreuve financière de stades remplis jusqu'à la gueule. Le rock est devenu le point focus de forces commerciales de plus en plus éloignées en esprit des racines qui ont construits peu à peu un maelstrom fécond de genres et de sous-genres.

Pour nombre de groupes amateurs à l'ombre des grosses machines qui vendent c'est "marche ou crève": s'inscrire dans le moule (...et échouer le plus souvent) ou dans la différence marquée. De l'impossibilité (ou presque) de se faire signer par une major naîtra, en aval, la spontanéité énergique du punk, en amont la sauvegarde, le copié-collé assumé du pub-rock. Le premier se veut créatif et novateur, le second à l'écoute et à la sauvegarde de ce qui fut. Opposition de styles entre qui accélère son destin et qui freine des quatre fers.

Passéistes, has been, les musicos issus du pub-rock..? Pas sûr. Les groupes tournent toujours, énergiques et décidés à la bonne parole d'un rock'n'roll enthousiaste et salvateur. Leur public est fidèle et brasse les générations. On les respecte dans leur rôle de passeurs.
On ne déterre pas avec Inmates et "First Offense" les antiques 78 tours et les gramophones à pavillon des vieux bluesmen des années 20, loin s'en faut, mais on fait remonter les mythiques Teppaz et les 45 tours associés des 50's, ceux des premières surboums prétextes à maints paradis.


Vous souvenez-vous d'une scène mythique du film "Retour vers le futur" dans laquelle Michael J. Fox, voyageur temporel venu de 1985, est propulsé en 1955. On le retrouve, après maintes péripéties, sur une scène de ballroom US gentiment et archaïquement rock, typique de ces années-là. Robes corolle couleur chamallow et jupons bouffants; nuques bien dégagées derrière les oreilles de garçons bien propres sur eux. Notre héros est armé d'une guitare électrique (Chuck Berry, une décennie plus tard, en utilisera une semblable), face à un public old school très discipliné, devant quelques musiciens pailletés, gominés et apprêtés grand style. En guest d'un soir il propose, dix ans trop tôt, à un public US médusé les gimmicks posturaux et musicaux outrés du rock du début et milieu des 60's, voir ceux des 70's..? On est en terre d'anachronismes inattendus et jubilatoires...

"Je vois que vous n'êtes pas encore prêts pour ce genre de choses...par contre vos gosses vont adorer ça..."


Le principe de l'album des Inmates est similaire à ce que montre le film; mais en est l'exact inverse. Le groupe nous propose un voyage dans le temps à rebrousse poil: Le but, sur le fil d'une dizaine de chansons, est de revisiter l'esprit des 50's, de le réactualiser avec les moyens techniques et la puissance de la fin des 70's. Le mécanisme n'est pas nouveau et a fait (et fait toujours) les riches heures de groupes plus célèbres: Dr Feelgood et Nine Below Zero pour n'en citer que deux. Pour une image plus précise de l'effet recherché: se référer aux standards covérisés par les Stones sur leurs premiers albums. En conséquence les morceaux sont courts, filent à l'essentiel, direct uppercut. Le résultat, sur le fil du rasoir de rythmiques basiques mais rentre-dedans, agrémentées de soli brefs, sporadiques et overclockés, est diablement efficace. Les low tempos rares et simplement récréatifs et reposants (façon slows repos du guerrier) contrastent au profit d'une énergie pure et simple, l'audience est comblée et en redemande.

Les costumes de scène sont raccord avec l'époque visée: costards sombres étriqués; cravate ficelle sur fin col blanc; pompes effilées en accents aigus, cirées de brillantine luisante. Les faciès privés de sourires, en poses hautaines de mannequins distants et énigmatiques semblent aussi ceux de loubards en bout de nuit blanche. Les cheveux sont mi-longs, effraient le militaire, ecclésiastique et la femme au foyer. "Tremblez parents, votre futur gendre est peut-être l'un d'eux". On nous donne à voir la gueule rebelle des Stones, pas le minois naïf et engageant des gentils Beatles. On est presque déjà en pays des Blues Brothers à venir, lunettes noires et dégaines chaloupées. The inmates nous renvoient l'image des voyous de l'époque, ceux en Flandria secouant le pavé luisant des rues nocturnes de capitales endormies. Ce n'est pas le Paris de Dutronc, le yéyé, le rockabilly, mais quelque chose dans l'entre-deux, que le fétard croisait dans les pubs londoniens entre crépuscule et aube. 

Flandia 1966. Le guidon court au ras du phare rendait la conduite très sportive voire casse-gueule

La pochette de "First offense" est hommage aux premiers albums des Stones, mais quelque part en des domaines voisins de quelques uns des Stooges et des Doors qui à la fin des 60's emprunteront un sillon presque similaire. L'Histoire du rock n'est qu'un éternel recommencement.

On s'attend presque en iconographie de pochette à du noir et blanc, en écho aux productions cinématographiques de l'époque. On recherche la mention "mono" au dos. En 1975, Dr Feelgood, chantre incontesté du pub-rock, sort au culot son premier album en mono pour correspondre au son minimaliste des années 50s.





Pour conclure, "The Inmates" offrent un voyage dans le temps; embarquez dans la machine, réglez les curseurs quelque part au coeur des 50 ou des 60; vous y trouverez un monde qui savait ce que rock et énergie signifiaient.

The Inmates - First Offence (You Got Me)
Dr Feelgood - Going Back Home 
Nine Below Zero - Homework 



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