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dimanche 15 mars 2020

Eric Clapton – From the cradle - 1994




Fin des 60’s.
Sur les murs des cités où passait le groupe britannique Cream, Eric Clapton, le six-cordiste du combo, pouvait quelquefois lire, écrit à la craie ou à la peinture :  

« Clapton is god »

Cream était un trio de hard-blues teinté parfois de psychédélisme pop.
Guitare: Eric Clapton, basse: Jack Bruce, batterie: Ginger Baker. 
Trois musicien hors-pairs pour un des premiers super-groupes, chacun antérieurement célèbre de son côté. Ce fut, à l’apogée de leur succès, le temps maintenant enfui (mais pas oublié) des envolées électriques interminables de guitare solo. Clapton, de l’avis de ses fans, y atteignit rien moins que la déité. Il géra psychologiquement très mal ce statut imposé par le succès alors que ses ambitions profondes étaient banalement ailleurs : il souhaitait jouer du blues au plus près des racines. A son sens, revisiter le genre était y plonger son âme et non pas en faire une démonstration de savoir-faire.

Cream fut pour Clapton le temps des chevilles qui enflent, des multi drogues façon cocktails tous azimuts sniffées, fumées ou piquouzées et, en corollaire, la plongée irrémédiable dans un gouffre de vie d’où l’on ne revient pas. 

Lui si. 
 
Au prix d’une longue remise en question d’où il émergeât avec, entre autres, la conscience qu’il devait cesser les excès, reprendre pied dans une vie plus normale et, musicalement, faire amende honorable en n’acceptant plus d’être aux yeux des autres l’élu des dieux. 

Cream n’y survécut pas d’autant que les deux autres musiciens y apportèrent eux aussi des égos surdimensionnés propices aux conflits. 

Clapton, en post Cream (et autres Blind Faith et Derek & The dominos), bénéficiant du sevrage en effet retard, suivit une période durant laquelle sa guitare se fit discrète et presque sage ; son inspiration moins lourde, plus diversifiée. Une deuxième lame de succès le frappa, la leçon de Cream porta, il sut la gérer en toute sérénité. En confiance il se remit alors à ce qui le bougeait vraiment : le blues.




« From the cradle » sort en 1994. C’est l’album attendu par la critique et les fans. Le retour aux sources. Que des reprises de standards du vieux blues de Chicago (et d'ailleurs), des titres éternels qui avait nourri ses ambitions guitaristiques des débuts ; des compositeurs-instrumentistes-chanteurs noirs qui l’ont influencé tout du long de sa carrière fastueuse. A noter les absences de B.B. King (???) qui possède un jeu si similaire à celui du britannique et celle de Robert Johnson. En 2004 sortit dans les bacs un CD-hommage de Clapton à celui qui avait vendu son âme au blues. Son titre : « Me and Mister Johnson ». Moins bon que « From the cradle », à mon sens, mais y a t’il quelque chose ne serait-ce que moyen chez Clapton ?

Mon but, ici, n’est pas tant de parler de mon engouement pour ces 16 titres, mais plutôt pour ces bluesmen d’antan qui les firent naitre. Toutes les chansons sont des perles enfilées les unes derrière les autres. Le tout forme un album miracle. Essayer de décrire le jeu de Clapton : d’autres l’ont fait et le feront mieux que moi, d’autant qu’il est ici trempé dans le jeu d’influences diverses. «From the cradle» se veut échantillonnage représentatif  du blues, le résultat se montre comme une flèche en cœur de cible.

L’album se veut avant tout hommage à seize manières de vivre le Chicago blues au fil du manche. Place à quelques grands-pères du blues, dont les chansons remuent encore toutes les scènes du monde entier ; tout en sachant que d’autres avant eux sont venus nous chatouiller les tympans. Il convient de ne pas les oublier.

Authenticité, traditionalité, sincérité, chaleur, spontanéité, modestie, respect des formes et du fond : autant de qualités rendues à Clapton qui a su ici se faire tout petit sous le regard d’un genre dont il ne se veut que l'humble serviteur. Il passe en revue les grosses ficelles, les tics et les codes archétypaux de ce qui vit toujours sans avoir vraiment bougé au fil des décennies.

J’aime ce blues qui ne change guère mais dont je ne me lasse pas, qui m’accroche, me griffe, me cajole, me dorlote, me soigne de l’anxiété du monde, dont je devine toujours, sur un solo guitare, la note à suivre devant celle en cours. A l’écoute d’un tel album, comme dans un "back to the futur" musical l'auditeur entrouvre une porte sur le passé et entrevoit un futur bienheureux où « les mots seront toujours les mêmes ».
Le blues est un matériel sonore à mémoire de forme : le triturer ne sert qu’à le ramener à son état premier, indéfiniment. Il semble évoluer, s’émanciper, mais ne se perd jamais très loin. En ce sens Clapton a libéré un album immortel qui ne sera jamais passéiste, has been ou autres, mais à tout jamais ancré dans l’actualité.

Si j’ai pu vous convaincre, content je suis car le jazz, le rock et le hard, ce hobby multifacettes qui a conduit les 4/5ème de mon existence, n'a été, n'est et ne sera lié que part le ciment indéfectible du blues.

Tracks listing:
1.Blues Before Sunrise (Leroy Carr) – 2:58
2. Third Degree (Eddie Boyd/Willie Dixon) – 5:07
3. Reconsider Baby (Lowell Fulson) – 3:20
4. Hoochie Coochie Man (Muddy Waters) – 3:16
5. Five Long Years (Eddie Boyd) – 4:47
6. I'm Tore Down (Sonny Thompson) – 3:02
7. How Long Blues (Leroy Carr) – 3:09
8. Goin' Away Baby (Lane) – 4:00
9. Blues Leave Me Alone (Lane) – 3:36
10. Sinner's Prayer (Lowell Fulson/Glenn) – 3:20
11. Motherless Child (traditionnel) – 2:57
12. It Hurts Me Too (Elmore James) – 3:17
13. Someday after a While (Freddie King/Sonny Thompson) – 4:27
14. Standin' Round Crying (McKinley Morganfield) – 3:39
15. Driftin' (Charles Brown/Johnny Moore/Eddie Williams) (Johnny Moore's Three Blazers) – 3:10
16. Groaning The Blues (Willie Dixon) – 6:05

2 commentaires:

  1. Un fantastique album de Blues! Pour moi, la chanson (et le compositeur) ont toujours primé sur l'interprète. Je peux apprécier une bonne chanson même si l'interprète est moyen, mais je suis incapable d'aimer une chanson que je trouve mauvaise, même si l'interprète est fabuleux. Par contre, c'est vrai qu'un arrangement peut embellir une chanson. C'est la même chose pour les films : l'histoire, le scénariste et le réalisateur avant les acteurs; j'ai vu d'excellents films avec des acteurs peu connus, ou même inconnus, et des navets avec des acteurs reconnus et célèbres. En revenant à la musique, "From the cradle" a tout : des classiques du Blues, qui ont fait leurs preuves, des arrangements très près des originaux, et, bien sûr, d'excellents musiciens avec Clapton et consorts.

    Que du plaisir !

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    Réponses
    1. Clapton s'est voulu humble interprète de ceux qui l'ont influencés. Pari initial réussi. Il s'est effacé derrière eux, leur a redonné la vedette.
      Je viens de réécouter "Me and Mister Johnson" album-hommage à Robert Johnson et l'impression générale n'est pas la même, un ton en-dessous, sans que je puisse vraiment en comprendre la cause. L'effet de surprise estompé ?, d'autres musiciens ? (je n'ai pas vérifié), un autre ingénieur du son ? (itou), pas la même envie..? Cà reste néanmoins élégant, humble et passionné.

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