Un ange, ce jour-la (2 mars 1975), s’est enfui et plus rien ne fut comme avant.
Un dimanche d’hiver d’il y a 45 ans, à Saint-Etienne (42), dans
l’enceinte bondée du Palais des Sports, sans le savoir sur le coup, nous
assistions au dernier concert de Genesis en compagnie de Peter
Gabriel, son légendaire chanteur. Son départ était déjà acté dans les coulisses :
l’Ange prenait son envol vers d’autres horizons musicaux, plus ouverts, au
service d’une personnalité qui se sentait à l’étroit dans un groupe qui pourtant ne tournait pas encore en rond dans ses thématiques musicales et dans ce qu'il avait à dire.
Phil Collins ne m’a jamais par la suite reconcilié
avec le Genesis du jour d’après. Une page s’est déchirée …
J’ai eu ma période Genesis, calquée sur la présence
de Gabriel, et elle a duré longtemps comme enracinée dans ce que
je souhaitais percevoir, oniriquement, du monde qui m’entourait. J’aimais ces
vagues sonores compactes, mélancoliques, lentes ou brutales où tous les
instruments participaient à leur manière à la création de paysages sonores
nouveaux et inspirés, cette voix magique qui faisait lien. J’entrevoyais Gabriel
sur scène en showman déguisé tel que le montraient les clichés de Rock and Folk,
tel que le décrivaient les critiques des magazines spécialisés. You Tube n’existait
pas et l’imagination n’en était que plus fertile.
C’était la première fois que j’oubliais le hard tissé de
blues guitare, les riffs brutaux et les rythmiques implacables. Le rock se montrait
alors autre, en théâtre magique aux reflets de Fantasy, de contes et légendes,
de sombres mystères ruraux dans les sous-bois et les villages à la Tolkien (ou autres), d’êtres à peine entraperçus
courant sur la lande derrière les écharpes de brouillard en serpentins tortueux.
La musique se faisait ombre et soleil, brumes et prairies infinies, humus et couchers de soleil rougeoyants.
Aucun autre groupe de rock progressif ne m’a par la suite
offert cette impression magique de frôler des mondes autres teintés de féérie.
Même Marillion, digne successeur de l’époque Gabriel, m’a paru pale
écho de ce qui fut avec Gabriel. Bizarrement, en toute logique, j’ai
suivi le chanteur le long de sa carrière solo … il m’y manquait ses compères de
l’époque, cette osmose qui fit un tout.
Genesis nouvelle mouture a couru sur son élan, à la
rencontre d’un succès plus grand encore, est venu s’accrocher aux sensibilités
d’autres auditeurs. Mais perso, une porte s’est refermée lentement, la musique
s’est étouffée peu à peu … et quand, comme aujourd’hui, j’y reviens pour ces
quelques mots je retrouve intact mes raisons d’antan d’avoir idolâtré ce Genesis
là, rien ne s’est ouaté, ne s’est affaibli, gommé, voilé; la magie opère toujours, quelque chose
vibre en moi et c’est du bonheur.
Et ce dimanche soir de 1975, sortant du Palais des Sports,
le dos tourné à une scène qui peu à peu éteignait ses lights-shows, tandis que
courraient encore sur mes tympans les échos des chansons, je tournais sans le
savoir un pan de ma vie, ayant assisté à une mort douce de laquelle, à mon
sens, le phénix Genesis ne renaitrait jamais de ses cendres.
Genesis façon Gabriel va de 1969 à 1974, le
temps de 6 albums que, le premier mis à part, je ne saurais classer par ordre
de préférence.
Des décennies plus tard, un tribute band intitulé "The musical Box" (un des titres fétiches de Genesis) reprend l'intégralité du show de la tournée de l'époque et la présente sur scène, elle même titrée "The Lamb Lies Down on Broadway" (dernier album du groupe avec Gabriel). La photo qui suit est tirée de ce spectacle. Elle a l'avantage de restituer l'ambiance visuelle du spectacle de 1975.
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