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vendredi 12 mars 2021

Led Zeppelin - 3 (1970)


1970. Page, Plant, Jones et Bonham se heurtent à une frange non négligeable de la critique rock internationale d’alors. Cela n’ira qu’en empirant, l’apex de la brouille se situera peu avant la mise en bacs du 4ème album (celui qui mettra tout le monde d’accord). La presse papier leur reproche, à l’orée du 3, musicalement beaucoup de bruit pour rien ; mais surtout d’être, commercialement, hors de sa zone d’influence via un simple bouche à oreille qui fera le tour du monde. Ces journalistes, espérés pro et omniscients, se voient contraints de prendre un train en marche qu’ils ont laissé partir, celui irrémédiablement poussé vers l’avant d’un hard-rock naissant et déjà triomphant. Ces juges de paix n’ont rien pressenti, rien vu venir, mais n’en taillent pas moins des costards miteux au Dirigeable de plomb. Jugé chef de file des groupes de hard responsables de leur maigre flair, le Zep ramasse sévère, plie mais ne rompt pas, confiant dans son plan de carrière. Le groupe, furieux et fataliste, s’en remet financièrement, et ne s’en porte pas plus mal, au téléphone arabe qui pulse les ventes au-delà de toutes espérances et rend « sold out » leurs concerts des deux côtés de l’Atlantique. Tout le hard balbutiant est confronté à ces critiques papier qui, le dos tourné au genre et furibardes d’opportunisme raté, auront beaucoup de peine par la suite à se raccrocher aux branches. Grand Funk Railroad (surtout), Black Sabbath et Deep Purple en font les frais ; mais basta, l’Histoire du rock est en marche et oubliera (sauf Page, il a la rancune tenace). Tout le monde peut se tromper, certes ; le pardon serait facile si quelques années plus tard les mêmes (ou presque) mettront sur la touche le génie atypique de Queen (quelle monumentale erreur). L’auditeur, celui qui raque, a toujours raison. Les fans n’ont pas intellectualisé le job du Zep, la critique si au prix de coups d’épée dans l’eau. Les addicts et ceux peu à peu convaincus, malgré ce qui s’est longtemps écrit, y ont vu la seule magie d’un boucan fait pour le corps et … basta rien d’autre.

1970. Le Zep s’interroge. Que faire ? Que proposer ? C’est l’heure du troisième album, si peu de temps après les deux premiers (1969 et … 1969). La pression du succès foudroyant n’est même pas encore retombée que, déjà, dans le sillon de la galette vinyle, il va falloir graver l’ivresse de nouvelles et belles chansons. Le Zep est espéré comme le messie et attendu au tournant, fans en transe et critiques aux aguets du moindre faux pas. Le destin, conduit par les choix tactiques du groupe, en fera un opus mi ange mi bête ; mi-figue mi-raisin pour les uns, pour les autres magnifique 33 tours de transition posé entre passé récent triomphant et futur en attente d’apogée. A mon sens, il a sa place parmi les meilleurs de la discographie du groupe. Chaque titre a son charme et ses raisons d’être là, à telle ou telle place du listing, dans une étonnante alternance de brûlots saignants et de bonbons sucrés.

Rock dans les labours, folk dans les pâquerettes, le Zep prend le vert à la campagne pour trouver l’inspiration (un cottage sans eau ni électricité), aux antipodes de la fureur des concerts, et fait le choix de riffs lourds sur 220 volts et de papillonnages bucoliques en acoustique. Les empreintes blues du 1 se gomment (seule subsiste la lenteur de « Since j’ve been loving you »), celles hard à donf du 2 se font metal-rock en fusion (« Immigrant song » et « Celebration day »), les racines folk creusent les chemins de traverse et s’imprègnent de verdure, de tranquillité et de sérénité. On entrevoit Pentangle, Judy Collins, l’ Incredible String Band ... Certes, un tel schéma bipolaire était déjà perceptible sur le 1 et le 2, mais sur le 3 la diversité d’ambiances se fera règle d’or. Page, en finaud revanchard (il le sera toujours) veut moucher la rock critic et l’obliger à reconnaitre le génie du Zep (le mec est ambitieux, il ne sera pas pour rien le moteur marketing du groupe avant et après le split). Montrer le Zep tout terrain, à l’aise et inspiré, divers et varié, éclectique, toujours ivre d’innovations décibéliques et de bluettes tendres et sereines, de celteries ancestrales. Le pari est osé en cette époque où le boucan-rock sort du berceau et fait mode (elle se révèlera durable et c’est tant mieux, Le hard enterrera maints sous-genres éphémères). Le Sabbath fait dans la continuité monolithique d’un rock lourd, gras et sombre (attitude payante au constat des nombreux groupes se réclamant ultérieurement de son influence) ; le Pourpre Profond enquille derrière « in rock » une belle salve d’albums en copiés-collés l’un de l’autre et ce jusqu’à l’effritement que l’on sait ; le Zep mise sur l’alternance prudente de plages énergiques et de morceaux plus soft. Au final, il restera, à ce titre, un groupe multi-facettes, peu imité car inimitable.

Que rajouter, si ce n’est que la version CD ne recrée hélas pas la magie de la pochette en version 33 tours. L’originale incluait en effet dans l’épaisseur du premier rabat une roue en carton tournante, constellée de divers dessins et photos en miniatures, que l’on entrevoyait (pour la plupart) dans des trous à l’emporte-pièce sur la une de couv. Qui voulait les voir toutes devait débricoler le montage. Je le sais, je l’ai fait et comme les hommes savent démonter mais pas remonter….

Au final, j’ai beaucoup d’affection pour ce troisième album dans l’entre-deux genres, tour à tour bourrin et rentre-dedans, puis léger et aérien, sombre et lumineux, entre le dirigeable de plomb et son alter ego de plumes.

Long live rock n' roll. 

 

Robert Plant / Jimmy Page / John Paul Jones / John Bonham 


01 Immigrant song

02 Friends

03 Celebration day

04 Since j've been loving you

05 Out on the tiles

06 Gallows pole

07 Tangerine

08 That's the the way

09 Bron-y-Aur stomp

10 Hats off (Roy) Harper





 


 


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