Accueil

Accueil
Retour à l'Accueil

jeudi 24 juin 2021

Le navire des glaces – Michael Moorcock

Réédition Omnibus SF (2005)(sous le titre modifié de "La Goélette des glaces" et traduction revue et corrigée) +  Réédition Livre de Poche SF n° 7030 (1978) 

Je vous le dis : se plonger dans « Le navire des glaces » (il y fait froid, très froid) vous sera un bon plan fraicheur quand cet été en amorce sera un sauna brûlant et étouffant. Les pages défileront comme autant de glaçons dans le Pastis de midi. Un bienfaisant effet kiss-cool littéraire rafraichira l’atmosphère sous le parasol à l’abri de la canicule. Le récit est relativement court, mineur (parait t'il ?), néanmoins à mon sens presque culte au rang des productions mésestimées, divertissant et fertile en péripéties. Juste le temps d’un bref apéro avant le barbecue de lectures plus conséquentes (vous aurez envie, pour le coup, de vous frotter au « Fahrenheit 451 » de Ray Bradbury).

Paru en VO en 1969, puis en VF deux ans plus tard dans la mythique collection SF du CLA (Club du Livre d’Anticipation), « Le navire des glaces » est un roman en one-shot, hélas peu réédité à mon goût (Livre de Poche  SF 1978, Presses Pocket SF 1988 & 1991, Omnibus « Catastrophes » en 2005 sous la bienveillance de Michel Demuth).

C’est un post-apo nucléaire à variante glaciaire. Moorcock y dessine l’anticipation à long terme d’un monde, le nôtre, à quelques siècles de là. C’est ici et pas encore pour maintenant (l’amorce du récit linéaire prend racine dans deux millénaires environ) le Planet-opera d’une Humanité conditionnée autour d’un processus historique régressif.

Depuis ce qui lui semble être à tort l’aube des temps, notre planète, pour la rare humanité qui la compose, est cadenassée par un froid ambiant extrême (d’un bout à l’autre de l’année et d'une année sur l'autre, de siècle en siècle) ; des glaces éternelles recouvrent mers, océans et continents ; la banquise est omniprésente et devient le composant principal du postulat moorcockien. On raconte, du bout des légendes, qu’une guerre mystérieuse fut à l’origine des conditions climatiques actuelles. Le froid règne en maitre, l’homme plie mais ne rompt pas, sa simple survie est en jeu. A la veille de révélations sur son origine, la Terre subit un redoux inattendu et honni (La seule pensée hérétique qu’en dehors du froid il y aurait salut est blasphématoire). Ce qui lentement émerge du froid laisse entrevoir un passé en décors truqués, construit sur des mensonges et/ou des arrangements mystiques avec la réalité, un présent bâti sur des chimères et un futur enfin retrouvé (l’espoir, enfin, de temps nouveaux).

En Sf, rien que du très classique en somme ; le genre qui nous occupe a connu de bien similaires secousses romanesques qui, des ténèbres, laissent remonter l’Homme vers la Révélation de ce qui fut. Quand les conséquences s’éclairent à la lumière des causes, quand le monde bousculé sur ses bases renait du Cataclysme Premier ... L'éternel leitmotiv d'une certaine SF post apocalyptique qui connut son heure de gloire ..!

De grands voiliers des glaces montés sur de gigantesques patins sont les atouts charme du roman. Le lecteur les trouvera dans les abris portuaires des cités-crevasses ou sillonnant le monde gelé depuis les Huit-Cités du haut plateau du Mato Grosso (ex-Brésil); ce sont des brigantins, des bricks et des schooners ; les coques sont en fibre de verre (que l’on ne sait plus fabriquer), les mâtures en bois antique (on prétend que jadis la Terre était couverte de forêts), les voilures de nylon rare (il n’existe plus qu’en stocks que l’on ne peut pas renouveler) ; les capitaines chassent la baleine terrestre (à la baleinière, au harpon ; carnage et dépeçages systématiques jusqu’à l’os de rigueur) ; « L’Esprit des Glaces » de Konrad Arflane est à la recherche de la mythique New-York, mère de toutes les glaces, source potentielle des réponses aux questions que tous se posent. Fruits amnésiques de nombreuses générations successives, les rares survivants de la Terre d’Avant, se replient sur un quotidien organisé comme le fut celui du vieux monde maritime d’antan, entre passé effacé, nouvelles traditions et croyances induites. L’homme, dans sa frange scientifique et aristocratique (bien entendu un brin hautaine et condescendante) est en quête initiatique d’échos lointains de ses jours d’Avant lentement éteints, oubliés, voire soigneusement tus, biffés des mémoires.  Une nouvelle mythologie (presque un dogme) s’est installée peu à peu : celle de la Glace-Mère, avec ses dieux tutélaires bienveillants et ses démons bannis et honnis (le Tiède, le Chaud, la Lumière). Les marins, des baleiniers pour la plupart, sont des êtres primitifs, bruts et mal dégrossis, basanés, barbus, au cuir calleux et bardé de cicatrices ou de tatouages, vêtus de peaux de phoque ou d’ours, aux regards barrés d’une visière presque opaque, montée sur un cadre d’os, pour se protéger de la réverbération des glaces ; on les a déjà croisés à Nantucket ou aux côtés d’Achab sur le pont du Pecquod dans le Moby Dick de Melville.

Le monde imaginé par Moorcock prend tournure de Planet Opera inspiré, astucieux, bien pensé, correctement articulé dans sa progression thématique, réfléchi, riche en détails essentiels et suffisants à un bref one shot équilibré ... Il est relativement crédible même si, dans notre réalité de 2021, la menace planétaire vient davantage d’un réchauffement climatique que de son pendant inverse. Ici, bien au contraire, le curseur du postulat science fictif se déplace de la canicule vers le froid, version super-freeze d’un monde devenu congélateur. Le vert est off, place au blanc glaciaire. Fi de l’actualité écologique de 2021, c’est le postulat de Moorcock qui intéresse ici, à une époque d’écriture où, à l’orée des 70’s, on était plus proche d’Hiroshima et de Dr Bloodmoney (P.K. Dick) que d’Aqua TM de Ligny. Les cauchemars réservés à la Terre ont, depuis, quelque peu changés de nature, même si Fukushima, il y a peu, s’est chargé de nous prévenir que c’est dans les vieux pots que se mijotent les pires désastres.

Voilà pour le fond, il est classique ; on sait que l’Atome surchauffé a du répondant en SF et un long passé romanesque derrière lui, que notre genre chéri lui a beaucoup donné (jusqu’à la nausée, peut-être ?), que le postulat de l’hiver nucléaire est thème-bateau et parfois peau de banane, que maints auteurs y ont trempé leurs plus belles plumes. Qu’allait en faire Moorcock du haut de la rupture instaurée par New Worlds, sur le fil quelques fois trop aventureux de ses expérimentations de forme ... ? J’attendais un chamboulement du fond par une forme narrative avant-gardiste pour l’époque, une prise de risques tous azimuts ? J’y croyais et avais confiance (l’auteur m’est chouchou via son rôle de déclencheur de la New Wave). Paradoxalement, la voie choisie est celle d’un classicisme romantique, d’une prose lyrique et travaillée, dans un récit strictement linéaire et aisé d’accès, dans la droite filiation du roman, maintes fois croisé, d’aventures maritimes. Quelques fois, la forme, à elle seule, crée le fond, c’est le cas ici et c’est très bien comme çà. Les personnages sont chatouillés à la presque perfection dans leurs psychologies respectives (Konrad Arflane, le héros principal, est brassé, fouillé jusqu’à l’os, enserré comme dans un étau entre les dilemmes qui l’entourent) ; les descriptions s’accrochent poétiquement au background visuel glaciaire ; le roman prend son temps et se fait bavard, gravite en orbite très lente autour de son postulat de départ (certains diront même trop lente ; est-ce le défaut de Moorcock ?). L’auteur se fait charmeur 320 pages durant, offre un fort agréable moment de détente au détriment, peut-être, d’une mise en garde des risques induits par l’Atome. Qui pour oublier, lecture bouclée, le rêve éveillé de ses superbes voiliers qui, souvent, m’ont remis en mémoire une citation issue des Chroniques martiennes » de Bradbury : « "Dans des bateaux bleus et légers, se dressaient des formes violettes, des hommes masqués, des hommes aux visages d'argent, avec des yeux d'étoiles bleues, des oreilles d'or sculpté, des joues d'étain et des lèvres serties de rubis, des hommes aux bras croisés, des martiens.". La prose de Bradbury est bien trop belle pour être celle de Moorcock, mais le même esprit règne, celui propice au rêve éveillé. J’ai retrouvé au fil du « Navire des Glaces » mon âme d’adolescent, les routes maritimes tracées sur les lourds parchemins roulés sur eux-mêmes, les vents dominants claquant dans les voiles, les nids-de-pie au bout du bout des mats, les ordres criés au porte-voix, les tempêtes secouant les coques de noix … et toute cette quincaillerie magique des romans de mer dont je me gavais jadis.

Il y a ressemblance de thème et d’école (l’auteur est issu de la New Wave) avec Helliconia d’Aldiss (on connait mon empathie féroce à l’égard d’une œuvre à mon sens bien trop négligée). «Le navire des glaces » se clos à New-York comme le fit Niourk de Stefan Wul, la mise en abime de Moorcock est prévisible, anecdotique et pour tout dire un tantinet négligée (après tout, quelle importance quand l’essentiel a été dit avant ?). On retrouve un cousinage très voisin avec les 62 tomes de la « Cie des Glaces » de G.J. Arnaud : la Terre de glaces revêtue, la banquise omniprésente, le rail à perte de vue, les stations-dômes climatisées, les baleines-solinas qui comme des dirigeables sillonnent le ciel ; on y trouve même sur le tard du cycle des goélettes sur patins toutes voilures dehors …

N’hésitez pas. Ce roman vaut le détour. Il n’est pas parmi les plus connus de l’auteur (« Voici l’homme » et « Elric ») mais il possède un charme énorme qui saura vous conquérir.

 


Édition originale en VF, Club du Livre d'Anticipation (1972)

 

Rééditions PP SF n°5286 (sous deux moutures: 1988 et 1991)



 

 

21 commentaires:

  1. C est le genre qui me plait...même si, comme tu dis, on va plus vers le réchauffement que l'inverse :-D

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Rien n'est véritablement exclus, de belles bombes A ou H à la Folamour lâchées dans le paysage (ou autres joyeusetés atomiques) et nous voilà partis pour la doudoune bibendum, les chaussettes polaires, le bonnet à oreilles d'épagneul et les gilets pare-balles. L'hiver attendra longtemps le printemps..!

      Supprimer
  2. Quelques beaux titres dans cette collection du Livre de Poche SF (1977 à 1981)sous les signatures prestigieuses de Dick, Silverberg, Del Rey, Moorcock, Ballard, Watson, Roberts, Wolfe, Lem, Pohl, Heinlein, Le Guin .... etc. Il sont reconnaissables à leurs couvertures photographiques dégueux, à leurs titres ondulants en 1 de couv, au fait qu'ils sont numérotés 7000 et la suite (>7069), que les bords de pages bavaient le bleu de méthylène (ou autres couleurs). Le problème est que çà fait très très longtemps que je n'en ai plus vu un seul dans les bacs des bouquinistes d'occasion.

    RépondreSupprimer
  3. juste pour chipoter :
    "Paru en VO en 1969" : en fait non (il ne faut pas croire ce que raconte Noosfère), c'est sorti dans le magazine Science Fantsy/Impulse/SF Impulse en 1966, ce qui explique sans doute (par la date et le lieu de parution) l'absence de feeling "New-Wave".
    "à leurs titres ondulants en 1 de couv" : pas à partir de 1980 (il y aura un chevauchement des deux types)

    Sur le livre lui-même, je l'ai lu il y a 40 ans (peu ou prou) et j'avais trouvé cela distrayant mais sans plus.
    Je pourrai sans doute t'en dire plus sur la génese du texte si cela t'intéresse

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. @s'anonyme, citation: "juste pour chipoter :" >>>>> MDR. J'étais sûr..! En tous les cas, comme à chaque fois, ta venue est précieuse.

      @s'anonyme, citation:"ce qui explique sans doute (par la date et le lieu de parution) l'absence de feeling "New-Wave"." >>>> C'était donc çà. Oui j'ai été très surpris par le classicisme de forme (on est loin des exubérances/expérimentations de prose de la New Wave) et de fond (1966 nous rapproche encore plus d'Hiroshima et de Nagasaki, des peurs induites par le risque atomique guerrier, le texte au regard de tes explications fait ainsi encore plus "vieux de la vieille" que sa réalité d'édition laisse paraitre) .

      @s'anonyme, citation: "à leurs titres ondulants en 1 de couv" : pas à partir de 1980 (il y aura un chevauchement des deux types)>>>> Oui. "La ballade de béta-2", par exemple, présente un titre d'ouvrage beaucoup plus classique et linéaire. Il me semble itou que les illustrations avaient aussi un tantinet changées de nature (plus science-fictives graphiquement).

      @s'anonyme, citation: "Sur le livre lui-même, je l'ai lu il y a 40 ans (peu ou prou) et j'avais trouvé cela distrayant mais sans plus." >>>> Oui, itou. Mes chros s'emballent trop facilement vers le dithyrambique. Le côté distrayant de l'ouvrage est son charme principal, l'explication finale est de mauvais raccord, banale et bâclée; mais cela ne m'a guère gêné (Moorcock aurait presque pu s'en passer).

      @s'anonyme, citation: "Je pourrai sans doute t'en dire plus sur la génese du texte si cela t'intéresse" >>> Oui. Bien sûr. Et merci pour ce qui viendra éclairer la lanterne. Ta remarque première sur la non-appartenance du roman à New Worlds est intrigante et appelle des compléments d'informations. Je trouve étonnant ce silence éditorial, cette omission qui laissent à penser qu'Opta a cherché à se raccrocher au train en marche de la New Wave.

      Supprimer
    2. J'entreprends actuellement la relecture de "Voici l'homme" (il y aura chro, même si elle me sera difficile à monter au regard du thème abordé). La couleur New Wave y est prégnante. Je n'ai pas encore consulté les paramétrages d'édition offerts par Noosfere. A peine ai-je entrevu (où ?) une pré-parution en feuilleton dans New Worlds. Et, chose curieuse qui apporterait peut-être des infos complémentaires, une version simplifiée qui aurait été gonflée par la suite à la hauteur du volume d'un roman (novela).

      Supprimer
    3. au sujet de "The Ice Schooner", un certain nombre de précisions dont tu es, je le sais, fort friand :
      - le roman a été acheté par Kyril Bonfiglioli (le troisième rédacteur en chef de la revue) mais sera publié sous la direction de Harry Harrison (le quatrième et dernier) quand il reprendra les rênes du magazine à la fin 1966 au #8, ce qui donne une date de composition en début 1966 (source Boston & Broderick). A noter que le texte tel que publié dans Impulse est donné comme étant une version abrégée de la version livre (celle de Sphere en 1969). Plusieurs sources (Currey, Davey) ainsi que les mentions de copyright indiquent deux autres révisions du texte, en 1977 puis en 1985.
      - d'après l'interview fleuve de Moorcock par Greenland, ce roman marque un retour de Moorcock à une "narration traditionnelle" suite à la déception causée par la réception par le public de "The Final Programme". Moorcock emploie même les termes de "ordinary science fiction narrative" ou "very simple stuff". Il confesse s'être fortement inspiré (il dit "steal") d'un roman de Joseph Conrad "The Rescue" ("La rescousse").
      - le copyright indiqué sur le CLA pour la VO (tu m'as fait remuer mes piles de CLA), est 1969 ce qui correspond donc à la première version "livre".

      Supprimer
    4. @s'anonyme, citation: "Impulse" >>> Un nom, lui aussi, magique.
      @s'anonyme, citation: "d'après l'interview fleuve de Moorcock par Greenland, ce roman marque un retour de Moorcock à une "narration traditionnelle" suite à la déception causée par la réception par le public de "The Final Programme"." >>>> je ne comprend plus, "The final program" remonte à68 (encore une histoire de prépublication ?)
      J'aime bien ce principe de héros à "qui-voudra-l'utiliser", même Moebius se l'ai accaparé pour des histoires disons très éthérées.

      Supprimer
    5. "The final program" remonte à68 (encore une histoire de prépublication ?) >>>
      encore mieux, ce roman est en fait un fixup de trois textes parus dans New Worlds (logique) en 1965-1966

      Supprimer
    6. MDR. Rien n'est simple, tout se complique ... mais j'ai compris..! Merci s'a..!

      Je pense à un truc: Jerry Cornélius (le nom et le prénom), Moorcock l'a voulu sans copyright,à usages multiples, utilisable à volonté, à la dispo de qui souhaite l'emprunter. T'as une idée de quelques unes de ses déclinaisons au fil des diverses plumes emprunteuses..? Ce fut d'usage exclusif New Worlds ou çà fit tache d'huile ailleurs ?

      Supprimer
    7. ça a surtout été une opération de com' de la part de Moorcock pour ajouter à sa légende.
      La majorité des quelques textes relatifs à JC par d'autres plumes que Moorcock (il n'y en a même pas une dizaine) se trouvent dans l'anthologie "The Nature of the catastrophe" où l'on trouve la demi-douzaine de textes concernés écrits par le petit cercle habituel (Aldiss, Sallis, Harrison -M. John- pas Harry, Spinrad) dont une grosse partie a été initialement publiée dans New Worlds. On peut ajouter Greenland (dans un fanzine) et le mystérieux et célèbre (pour être sans doute le seul texte français paru dans le magazine) "Joli mois de mai..." dans 2GA97.
      Comme souvent avec la NW, beaucoup de vent pour rien.

      Supprimer
    8. Merci s'a..!

      Oui, Moorcock semble avoir eu un côté "m'as-tu-vu" assez prégnant. Mais bon, il y en a eu d'autres à chercher à prendre la lumière. S'y rajoutent ainsi son rôle de parolier hard-rock chez "Blue Oyster Cult" et "Hawkwind" (parait t'il..?, je ne suis jamais allé jusqu'à vérifier si son nom apparaissait dans les copyrights de quelques titres), de guitariste dans son propre groupe ("Deepfix"), son côté communautariste hippie. Il me semble me souvenir à ce sujet que Ballard et plus surement Priest (Bifrost 41) étaient plutôt satellitaires et prudents (voire absents) du mouvement.

      Je me suis souvent demandé pourquoi le LOSF n'avait pas (comme il le fit pour Orbit)fait rentrer "New Worlds" dans "le Temple" ? (manque de matière, de récit accessibles ou plus simplement du fait que maints auteurs du mouvement avaient déjà eu leur tour dans la série ?)

      Supprimer
    9. >>"Je me suis souvent demandé pourquoi le LOSF n'avait pas (comme il le fit pour Orbit)fait rentrer "New Worlds" dans "le Temple" ? (manque de matière, de récit accessibles ou plus simplement du fait que maints auteurs du mouvement avaient déjà eu leur tour dans la série ?)"

      je crois surtout qu'il y a une part non négligeable de fantasmes quand on parle du New Worlds de Moorcock. Dans la pratique, MM a dirigé NW durant 4 années, de mi-1964 à mi-1968 (à partir de là il ne sera plus seul et en mi-1969 il quittera le navire). Cela fait moins de 40 numéros avec, si l'on exclut les nombreux serials (il y en aura même parfois deux dans un même numéros), 5 nouvelles (et c'est vraiment un maximum, on tombe parfois à 2) par numéro.
      En gros, on a 150 textes dont une bonne partie de MM himself (sous pseudo parfois) et des choses aussi surprenantes qu'un texte de Harness par dans Astounding (sérieux !) en 1948 (il y a en a un autre de 1949 dans Planet Stories). Dans le lot, une bonne dizaine de "classiques" (par Leiber, Bailey, Disch, Zelazny, Aldiss), des textes mineurs d'auteurs débutants (on y trouve du Wolfe ou du Pratchett), des choses qui resteront à jamais confidentielles ou qui ne sortiront jamais de parutions autour de cette mouvance (Masson, Jones, Cawthorn) et des auteurs complètement oubliés (Sam Wolfe ?, Norman Brown ?).
      Pour en avoir un certain nombre (de New Worlds), il n'y guère de quoi en faire un LdO une fois retirés les serials, les Ballard et quelques pépites parce que le reste est soit juste passable (du Tubb) soit illisible de nos jours tellement c'est caricatural (voir comment un texte phare comme " The Heat Death of the Universe" de Zoline a vieilli).

      Supprimer
    10. Est-ce que le New Worlds de la New Wave, dans la lignée de la forme écrite qui la caractérisait, se mit parallèlement à l'époque à l'expérimentation graphique, à la recherche d'une nouvelle façon de présenter ses unes de couverture, ses illustrations internes (s'il y en avait)? Est ce qu'il y avait une marque, une empreinte iconographique qui était propre à la revue ?

      Il est étonnant de constater que, dès les premiers numéros de Metal Hurlant, Moebius, certes dans une mouvance graphique SF que le magazine recherchait très prioritairement (çà changera plus tard), se soit attaché, au point d'en faire des albums à lui seul consacré, au personnage de Jerry Cornelius. Le fait peut être interprété de maintes manières mais je me plais à y entrevoir une volonté d'imiter la manière contre-culture de New Wave. C'est personnelle comme réflexion, pas forcément bien étayé, peut-être à côté de la plaque, mais le cousinage (voire le désir d'imiter) ne me parait pas si incongru que çà. Est-ce que tu as déjà trouvé échos de cet Age d'Or de la BD de SF française dans les pages de NW ?

      Au vu de notre discussion de ces quelques jours, j'ai un regret (énorme): celui de ne pas l'avoir inscrit dans une interview, au fil d'un thread à la New Wave spécialement consacré. Tu es inusable et insubmersible.

      Supprimer
    11. >>>"Est-ce que le New Worlds de la New Wave, dans la lignée de la forme écrite qui la caractérisait, se mit parallèlement à l'époque à l'expérimentation graphique, à la recherche d'une nouvelle façon de présenter ses unes de couverture, ses illustrations internes (s'il y en avait)? Est ce qu'il y avait une marque, une empreinte iconographique qui était propre à la revue ? "

      sujet intéressant (tu vas m'épuiser).
      Tout d'abord, il faut sans doute intégrer le fait que, jusqu'en mi-1967, le format de NW est celui d'un livre de poche à peu près indiscernable d'un autre livre de poche du même éditeur, cf. par exemple, le #166 (avec "Behold the Man") ici que l'on peut comparer à "The Floating Continent" (même illustrateur, ton chouchou Keith Roberts) . Il y a juste une ou deux illustrations intérieures dans la magazine, illustrations qui n'ont rien d'exceptionnel.
      On passe ensuite à un format A4 avec des choses emblématiques comme JC himself. Cette période (moins d'une trentaine de numéro) possède une identité graphique qui lui est effectivement propre avec un gros travail sur l'illustration où chaque texte a droit à plusieurs illustrations parfois en pleine page. Je lisais moi aussi Métal Hurlant quand j'étais jeune et intéressée par la BD mais je ne vois pas beaucoup de correspondances entre les deux revues (je viens de ressortir les MH 1&2). On est plus dans l'écrit supplémenté par le visuel chez NW : jeux typographiques comme pour le poème "Flower-Gathering" dans ce numéro, illustrations n&b au trait et pas mal de photographies alors que MH est quand même une revue de BD à la base où le (para)texte supplémente l'écrit.
      En fait ce qui est frappant est l'extrême ressemblance graphiquement parlant entre les dernières livraisons de NW de cette période (je t'épargne les ultimes avatars de la revue) et les premières d'Interzone alors qu'il y a quand même 25 ans d'écart entre les deux.

      Supprimer
    12. Oui, NW file vers le graphisme typographique; MH, presque à l'inverse, vers un paratexte quelquefois accessoire et éthéré (Druillet + Giraud métamorphosé en mystique Moebius). L'inverse l'un de l'autre, peut-être ? Pouvait t'il en être autrement, au final? Dans les deux cas: "oser" en seul mot d'ordre. Cà a été payant et assez longtemps fécond pour MH, plus aléatoire en matière de descendance pour NW qui a vite fait le tour de ses possibilités. Il y avait une volonté novatrice de part et d'autre, l'idée de changer la donne.

      Keith Roberts ("Pavane", "Survol", "Molly Zero" en "tu narratif") illustrateur ? Je ne savais pas. C'est pas mal ce qu'il faisait. J'aime bien celle de "Voici l'homme" tout en idées noires et fulgurances graphiques (on y retrouve l'esprit tordu du roman). Je connaissais celle du NW 191 (je n'allais pas louper la gratte sur l'épaule)qui m'est, je crois passé sous les yeux via, peut-être, Rock & Folk.
      Interzone >>>>> Une explication à cette continuité graphique repoussée ? Une raison éditoriale, les mêmes noms, autre(s)?

      Supprimer
    13. "On passe ensuite à un format A4" >>> Cà me fait penser à https://www.bedetheque.com/media/Revues/Revue_40452.jpg (par exemple), c'était quand sacrément enthousiasmant ce "grand large" graphique souvent pleine page (voire même poster plié inclus qui finissait sur les murs de chambre). On en retrouve l'équivalent entre les pochettes 33 tours et le format riquiqui de celles des CDs.

      Supprimer
  4. "Voici l'homme" = pratiquement, il y a deux textes sous ce nom (y compris en VF), la novella parue en 1966 dans New Worlds qui, si j'en crois mon exemplaire du magazine fait à peine 55 pages et le roman (qui date de 1969) qui lui-même n'est pas très long (en dessous de 200 pages en VO). On trouve la nouvelle dans la GASF ou le livre d'or de Moorcock (sous ses diverses incarnations).

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Sous le même titre en LOSF (special Moorcock)(Itou pour le Grand Temple de la la SF "Le cavalier chaos")/ Sous la forme d'une novela qui semble avoir la préférence des lecteurs (Nebula 67).

      Itou en GASF dans le recueil "Histoires divines" (bien entendu).
      Cà va m'aider pour la chro. Merci

      Supprimer
  5. Merci pour cette belle chronique.

    C'est drôle : j'ai peu lu de romans se déroulant sur de grandes étendues glacées et/ou maritimes alors même que celles-ci occupent une place de choix dans mon imaginaire (c'est peut-être d'avoir grandi avec des montagnes sous les yeux : on rêve d'autres paysages...)

    _"De grands voiliers des glaces montés sur de gigantesques patins sont les atouts charme du roman. (...) ce sont des brigantins, des bricks et des schooners (...)"

    Ah, ces termes de marine... Avec ça, pas besoin d'inventer tout un tas de néologismes SF, que le lecteur voyage déjà !

    _s'anonyme :
    "Voici l'homme" = pratiquement, il y a deux textes sous ce nom (y compris en VF), la novella parue en 1966 dans New Worlds qui, si j'en crois mon exemplaire du magazine fait à peine 55 pages et le roman (qui date de 1969) qui lui-même n'est pas très long (en dessous de 200 pages en VO).

    C'est une exemple de réussite dans les deux formats, à mon avis, la novella capitalisant sur l'extraordinaire de son sujet, là où le roman creuse la psychologie torturée de son héros.

    RépondreSupprimer
  6. @jim, citaion: "C'est drôle : j'ai peu lu de romans se déroulant sur de grandes étendues glacées et/ou maritimes alors même que celles-ci occupent une place de choix dans mon imaginaire (c'est peut-être d'avoir grandi avec des montagnes sous les yeux : on rêve d'autres paysages...) >>>> C'est l'effet Conrad, Melville, Simmons ("Terreur") celui aussi de Saint Malo dans ma jeunesse; il fut même un temps où les aventures maritimes s'accaparaient la télé et surtout le cinéma (Errol Flynn). Les montagnes aussi je ne détestent pas: j'ai en garage "Abominable".
    @Jim, citation: "C'est une exemple de réussite dans les deux formats, à mon avis, la novella capitalisant sur l'extraordinaire de son sujet, là où le roman creuse la psychologie torturée de son héros.">>>> Quelle synthèse en quelques mots.

    RépondreSupprimer

Articles les plus consultés