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dimanche 9 octobre 2022

Boomerang - Jérémiah n°10 - Hermann (BD)

 


Réédition Hachette ed., Collection "Jeremiah, la collection" (2020)

 

Voila. M’étant imposé la lecture des tomes dans l’ordre de parution (une fois n’est pas coutume), je suis longtemps resté bloqué par ce 10ème épisode qui ne daignait pas se mettre à ma disposition. Je lui ai, enfin et récemment, mis la main dessus. Retour donc en pays SF teinté de western ; la sauce prend t’elle toujours ?

La BD est initialement parue en 1984 chez Novedi éditeur. Je l’ai lu en réédition (2020) via Hachette Ed.

Quel plaisir de retrouver Jeremiah et son trublion d’acolyte Kurdy. Ils ne seront pas restés longtemps brouillés à l’épreuve d’une inimitié brutale. « Un clone en hiver », l’épisode précédent, se passait de Kurdy et compensait vainement son absence par la bien trop transparente et attendue personnalité de Léna dans son rôle de fiancée décalée. Le manque de l’ami de toujours, Kurdy, de ce personnage si haut en couleurs, si fort en actes et en gueule, était patent ; il convenait d’en retrouver le chemin de vie qui ne pouvait se contenter d’être parallèle. Kurdy se montre ainsi le phare indiscutable de la série, l’élément moteur masqué, le héros principal, celui par qui passe l’essentiel ; c’est lui qui crève l’écran des vignettes, marque par les propos qu’il tient et les actes inattendus et imprévisibles qui sont les siens ; il devient, comme chez Christin/Mezières, le pendant d’une Laureline, devenue omniprésente et indispensable, face à un Valerian désormais trop effacé et pourtant seul en tête d’affiche. Kurdy, à l’opposé de Laureline, n’a jamais eu droit au partage des places d’honneur. Dommage. La une de couv de « Boomerang » ne s’y trompe néanmoins pas, Kurdy y prend tout l’espace, de plain-pied, il pose en vainqueur désinvolte et rigolard, comme en figure de proue de rôles enfin redistribués à son avantage ; Jeremiah n’est pas étendu à ses pieds, mais c’est tout comme … presque en effet boomerang. L’épisode aurait pu s’intituler : « Kurdy, le retour ».

A l’orée de ce 10ème tome nous sommes toujours dans le premier quart du cycle (40 tomes parus à ce jour). L’intérêt pour la série ne faiblit que peu même si … on commence à y sentir un semblant de ventre mou, un ronron satisfait de lui-même ; les mêmes ficelles sans cesse tirées pour les mêmes effets laissent le lecteur sur sa faim (ou, peut-être, n’est ce que moi ?). L’histoire n’est pas en cause, elle tient debout et intéresse. Seul le versant SF, s’étiolant, semble en panne d’inspiration ; il se délite et n’apparait plus qu’en filigrane, en échos de plus en plus affaiblis du postulat natif. La SF initiale est encore moins qu’à l’ordinaire mis à contribution et ne subsiste que par la force intuitive qu’a le lecteur de s’y référer par tacite reconduction. Hermann a beau conduire chaque parution en one-shot, le paramètre science-fictif initial ne perdure plus qu’à minima de tome en tome. Ce plus petit dénominateur commun manque peu à peu d’emprise. Rien de rédhibitoire, néanmoins ..!

Le monde en background est le nôtre ou presque, il n’y a guère de différences (quelques images de ruines industrielles abandonnées par un futur mort-né) ; c’est pourtant une « Terre d’Après », une de celles qui, en post-apo nucléaire à court ou moyen terme (?), se bat pour sa survie et retrouver « la civilisation d’Avant » ; les rescapés s’empêtrent souvent, bien intentionnés ou opportunistes, dans les sempiternelles erreurs et faiblesses d’il y a peu, créent des ilots de barbarie ou des utopies pacifiques trompeuses et éphémères. « Boomerang » est des secondes, l’embryon de société nouvelle décrite se meure déjà sous un vernis structurel fragile et craquelé qui n’attend que la rupture inévitable. Le happy-end semble néanmoins de mise ; on ne vit que d’espoirs …

Le cadre géographique est, comme à l’ordinaire, circonscrit aux USA. Apparemment celui des Grandes Plaines. Rien n’est moins sûr. Mais quelle importance ? L’intérêt est ailleurs : dans le cadre geo-politique d’élections municipales où s’agitent l’opportunisme véreux et les intérêts de quelques-uns. Quoi de neuf, en fait, sous le soleil qui baigne l’épisode ? Pas grand-chose. L’action aurait pu, tout autant, se dérouler au cœur de bien d’autres lieux d’une Amérique récente, au sein des sempiternels jeux de pouvoir qui l’agitent.  Le caractère science-fictif attendu n’apporte rien de consistant, si ce n’est la force de cette habitude qu’à le lecteur de s’y référer. L’Homme reste l’Homme et les USA aussi, le futur n’y changera rien.

L’empreinte western habituelle, itou, s’estompe tranquillement, se fait discrète mais suffisante en simples rappels d’un leitmotiv graphique qui use toujours de diligences montées sur pneus, d’éperons et de chevaux scellés, de bars qui se montrent plus saloons que pubs. Le décor de l’épisode est citadin, dans une ville reconquise, semble t’il, par la Civilisation ; l’ambiance « conquête de l’ouest », habituée aux grands espaces, ne s’en estompe que davantage. La ville décrite (Langhorn) est peuplée, il semble y régner un certain renouveau, un ordre social égalitaire, mieux des élections y sont organisées (urnes, promesses et discours, campagnes d’affichage, défilés, majorettes, liesse et confettis) mais aussi promesses faites pour ne pas être tenues.

Le cycle, donc, continue sur sa lancée, sur ses bases et cette assise tacite mêlant SF et western. Il conviendrait de le regénérer un tantinet, d’y accorder un second souffle anticipatoire. « Boomerang » n’est t’il qu’un épisode d’attente, un one-shot satellitaire « entre parenthèses » ? La suite le dira. Je suis néanmoins venu pour de plus gros morceaux de SF ; viendront t’ils ? Je l’espère.

Reste que le talent de dessinateur d’Hermann est toujours au rendez-vous ; il sait mixer scénario et graphisme dans un style qui n’appartient qu’à lui ; une unité s’est créée et perdure, elle est habile et ingénieuse ; sa manière s’impose et plait. Hermann vient nous choper via l’osmose mise en avant entre ses textes et la mise en pages de bien beaux crobars. Il est seul aux manettes, cela n’en est que plus méritoire.

Pourvu que çà dure !

PS: les épisodes déjà chroniqués sur "La convergence des parallèles" sont accessibles via la colonne de droite du blog sous l'intitulé "Libélés" et l'étiquette "Jeremiah".

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