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mercredi 18 janvier 2023

Jeff Beck

 


    Mercredi 10 janvier au matin.
 
     Ben merde.

    Il y a, comme çà, de bien tristes nouvelles qui foutent une journée en l'air. Derrière, il faut accepter l'absence et oublier que la musique ne sera désormais plus comme avant.

    La veille, décès de Jeff Beck. Il avait 78 ans. Mon cœur est gros ...

    Un pied dans le vide, sur le fil fragile d'une méningite bactérienne, le guitariste "jazzambule" (ou "rockambule", "bluesambule" ou "hardambule", c'était selon son trip musical de l'instant) est parti, dans la nuit, à cheval sur une note filante. 

    RIP. 

    Je l'aimais bien le bougre, celui qui, pourtant, n'a jamais joué en pleine orthodoxie bluesy que j’idolâtre chez les six-cordistes (je suis resté souvent On/Off le concernant, lui ayant souvent coupé le courant lorsqu'il me laissait dérouté et dubitatif sur ses intentions de l'instant). Difficile de s'y retrouver, en outre, dans les virevoltes stylistiques étonnantes qu'il imposait à sa carrière. Je l'ai goutté blues (Yardbirds), adulé hard (Jeff Beck Group et BBA), abandonné puis retrouvé jazz, perdu/dérouté rockabilly ... Il semblait toujours volontairement décalé, un pas de côté, en avance ou en retard mais farouchement bien là où il s'imposait un temps avant d'aller gratter ailleurs. Lunatique bonhomme/lunatique musicien. Un être unique ...

    Beck: le guitariste de l'improbable, de l'inattendu, de l'instabilité constante, de l'immaturité accomplie, du "prenez-moi-comme-je-suis" ou alors "lâchez-moi-la-grappe"..! Beck, l'incertain, pied au plancher peu importe les conséquences, le montreur de sons, le novateur à l'épreuve de défis de lui seul visibles, du "çà passe ou çà casse" (sa discographie est l’écho de ces aléas entre réussites et échecs)..

    Tordre les notes, les essorer, les étirer comme de la guimauve de fête foraine, les rompre, les laisser en stand by comme suspendues en apesanteur, les briser comme du verre. Rien de franchement dissonant; tout en logique interne, en évidence d'après-coup...

    Les soirs de concert des Yardbirds: Beck venait, venait pas, c'était selon l'humeur, sur un jet de dés foireux, de pas envie-fait-chier, sur un renoncement fataliste de blues moite, un coup de moins bien, un reflux nauséeux de vague à l'âme, une biture/bagarre en cours, une amourette à concrétiser ... Les autres râlaient; Mister Calimero "c'est-vraiment-trop-injuste", c'était lui. Jamais sa faute, toujours celle les autres; à cette tournure d'allure variétoche que prenait le groupe. Une tête de c** (c'est pas moi qui l'ai dit), d'obstiné, de renacleur, de chercheur de merde ? Bientôt viré, lourdé, renvoyé ... même si, entre tes doigts, il avait tous les talents du monde, on sera mieux sans toi, tant pis, bon voyage. Et Page, opportuniste, vint lui chourer sa place en prémisses à Led Zep. En retard d'un coup, God en second, il foira BBA sur les traces de Clapton/Cream; le groupe n'était que du réchauffé; de toute manière il avait déjà le jazz-rock en tête.

    Pas étonnant si, au gré de sa versatilité innée, à hue et à dia toujours, il a musicalement flotté bâbord/tribord, se barrant au moindre pet de travers, splittant ses combos aux zéniths de leurs succès. La crainte de la stagnation, celle de se répéter, de ne pas avoir le temps de tout abordé. Envie d'ailleurs, d'horizons nouveaux, d'autres défis qui à peine entamés seront bouclés et aussitôt abandonnés. Beck nous est toujours venu par là où on ne l'attendait pas, à la surprise, au débotté, allant de l'avant (jazz-rock) ou rétropédalant (rockabilly), toujours mouvant, imprévisible. 
 
    Il a fait naturellement de ses défauts humains des qualités guitaristiques non conformistes. Va comprendre comment il s'y prenait au coeur de la non-orthodoxie de sa technique ? De son jeu atypique est né un phrasé d'E.T. tourneboussolant et convulsif, quelques fois aérien et éthéré. Quel p***** de jeu au pouce droit en presque exclusive sur la plupart des cordes, tout en pulpe et tranchant; le petit doigt flirtant avec le potentio de volume; le reste de phalanges secouant convulsivement la barre du vibrato. Les doigts en main gauche virevoltants comme des papillons frénétiques pris dans les pulsations stroboscopiques des lumières jetées sur la scène. Mais il savait aussi dompter ses cavalcades, redonner de la sagesse à ses gestes, nous inviter à des promenades sereines (souvent jazzy) comme un l'oeil au cœur d'un cyclone.
 
    Bongu: entendre jouer Hendrix et Beck ensemble dans la mouvance jazz-rock. Cà aurait pu se faire. Cà aurait du se faire. Penser à un univers parallèle. Rêver...

 Illustration sonore: Stratus

Ps: pour trouver le chemin de Beck, suivre le flanc gauche. Terminus en 1976 (au-delà, rien sur le net d'aussi précis). Zoom en clic gauche. (Je n'ai pas trouvé de copyright associé à ce magnifique travail).
 
 


6 commentaires:

  1. Réponses
    1. Merci. J'y ai mis beaucoup d'affectif et c'est venu tout seul.

      Depuis une semaine je réécoute ce que j'ai de lui sur la platine vinyle (et complète via You Tube), fais sauter les zones de blocage qui m'avaient fait zapper certains titres (et albums), me demande s'il n'était pas au final à caser dans un top très restreint des plus grands guitaristes de tous les temps ...
      Le seul côté positif est que son décès fera sans doute sortir des fonds de tiroirs d'excellentes factures au seul constat qu'il ne jouait jamais sur scène un morceau de la même manière.

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  2. Cà continue et çà s'arrête pas.
    Décès de David Crosby de (entre autres) Crosby, Stills, Nash & Young. RIP. Je me voyais bien, ces temps-ci, chroniquer "Déja vu", un des fers de lance discographiques du rock de la côte ouest des USA de la fin des sixties/début des seventies. Cà viendra ...

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  3. Sans être étonné au regard de son caractère, j'apprends que Jeff Beck à la cérémonie de l'intronisation des Yardbirds au Rock & Roll Hall Of Fame en 1992 a dit (je cite) en rigolant: “J’ai continué à faire de la musique ensuite. On me dit que je devrais être fier ce soir. Je ne le suis pas. Ils m’ont viré ! C’est vrai. Qu’ils aillent se faire foutre.” (Rolling Stones France, Février 2023, n°149, p 56)

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  4. "Live in Tokyo" en replay sur Arte.
    https://www.arte.tv/fr/videos/096928-006-A/jeff-beck-live-in-tokyo/

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  5. A Day in the Life toujours au Live at Ronnie Scott's !

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