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mercredi 11 octobre 2023

L’été en pente douce (BD) - Jean-Christophe Chauzy + Pierre Pelot

 

Fluide Glacial Ed. (2017)

 

Petit retour sur un roman de Pierre Pelot (1980), « L’été en pente douce », chroniqué par ailleurs sur les //s. En voici l’adaptation BD (2017). Entre les deux, un film culte éponyme (1987) vit le jour avec, au générique, Jacques Villeret, Pauline Lafont, Jean-Pierre Bacri et Guy Marchand dans les rôles principaux. Quelle place pour le 9ème art, trente ans après la métamorphose inattendue du texte initial en long métrage incontournable ? La présente BD deviendra t’elle culte à son tour, ou restera t’elle un simple coup d’épée dans l’eau ? Seul l’avenir le dira. Le pari BD était difficile à relever, en cause un scénario très typé 70’s (autres temps autres mœurs d’une décennie ouverte mais désormais enfuie, surannée), des personnages borderline, somme toute caricaturaux, immergés dans l’air de leur temps, rongés par leur anticonformisme choisi ou subi.

Jean-Christophe Chauzy est aux crobars ; Pierre Pelot, le fondateur en personne, donne un coup de main en réécriture ; les deux font la paire. Curieux je fus d’un auteur soumis à l’exercice difficile d’un scénario BD ; Pelot, au final, ne s’en sort pas trop mal.

Drôles de revers de situations pour un « petit » roman noir refusé sept fois, adapté magnifiquement au ciné (un coup de génie) puis, enfin, en BD … (sans oublier une réédition du roman en 2023 au « Diable Vauvert, les Poches du Diable »). Ainsi s’opère un tour d’horizon éditorial complet des médias exploitables ; qui l’eût cru ?

Le dessin est heurté mais plaisant. Comme à coups de griffes, le trait à l’encre noire se montre rapide, saccadé et virulent lors des scènes de violence (surtout au paroxysme de l’épilogue). Il se veut tout en courbes sensuelles quand il s’agit de montrer le corps de l’héroïne. Les couleurs s’offrent à l’aquarelle et laissent de par leurs tons ocre et chauds jaillir l’été dans toute son implacabilité caniculaire. Seul le jardin a l’honneur des tons froids ; la chiche verdure se montre un oasis bienvenu offert aux bières glacées et au farniente. La pénombre dans la petite maison appartient aux gris et aux rais de lumière jaillis des persiennes fermées. On sent, de vignette en vignette, s’exacerber la tension entre les acteurs du drame en cours ; on sent la moiteur des gestes, la lourdeur du moindre mouvement, la lenteur du temps qui se traine sous le poids de jours qui n’en finissent plus ; le quotidien plombé pèse lourdement sur les êtres et les choses.

« L’été en pente douce » est une parution « Fluide Glacial ». Qui d’autre que l’éditeur en question pour s’y coller ? Le roman, glauque à souhait, était, sous cet angle, difficile à adapter sans choquer. Certains y trouveront à redire (je peux comprendre) : la place laissée à la femme, les mots crus et l’argot omniprésent, les situations poisseuses presque nauséeuses … En somme : l’adaptation BD a-t’elle une place dans une France de 2017 où l’on ne peut plus parler de rien sans se heurter à un mur d’opinions ? Ce n’est pas tant pour les images que je crains, mais pour les situations in-situ et les réactions induites des personnages.

Certains détails scénaristiques (d’importance ou pas) modifient l’histoire initiale et éclairent différemment le drame : au générique BD, un des personnages, André Voke (Guy Marchand dans le long métrage) devient une femme au caractère bien trempé ; tout semble prendre une tournure encore plus glauque du fait de ses penchants amoureux ; Nonosse le chien (Pilou dans le film) devient un matou (pourquoi pas ..!). La 2cv Citroën (emblématique de l’époque) revient ; c’était curieusement une Ami 6 en 25 images/seconde. Inchangé, l’épilogue initial ne s’offre pas, comme dans le film, à un happy-end facile qui dénature l’ambiance générale, passant du noir-ténèbres à quelques nuances d’espoir incertaines ; l’ambiance y perdait de sa brutalité innée.

 Le scénario BD embarqué, s’il n’ajoute que peu de nouvelles scènes, laisse émerger les anciennes dans un ordre différent. Ce procédé de restitution est classique lors des adaptations à l’écran et des restitutions dessinées, il ne dénature pas le récit. L’importance quantitative donnée au contenu des phylactères, tout en abondants dialogues crus et argotiques qui empruntent au roman ET au film (faire le tri est maintenant difficile), construit un best of qui choppe et aligne le meilleur de ce qui a déjà été utilisé dans les deux précédents médias. En parallèle, la voix off de Pelot disparait totalement, laissant toute latitude aux dialogues sur lesquels se construit la totalité de l’intrigue. On a ainsi l’impression d’assister à une pièce de théâtre où les personnages seuls tiennent le récit en action.

 En cet été indien 2023, les brûlures récentes de l’été invitent le nouveau lecteur a partagé l’apéro à la fraiche, sur la petite table du jardin, en compagnie de Lillas, Mô et Fan … avant que le destin ne les prenne et les broie ; après c’est trop tard, rien n’y changera.  

1 commentaire:

  1. Olivier Culture SF12 octobre 2023 à 16:31

    La meilleure adaptation BD de Pelot reste pour moi Pauvres zhéros. Une âpre histoire vosgienne avec un personnage trouble et attachant tout à la fois. La mise en image de Baru, notamment son travail sur les trognes des personnages, ou les décors vosgiens, est juste sublime.

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