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mardi 31 octobre 2023

The Rolling Stones – Black and blue (1976)

 

 Ah si seulement… !

En 1976, lorsque sort l’album « Black and blue », les Stones font face, forcés et contraints, à un tournant décisif de leur carrière. Leur lead-guitar, Mick Taylor, les a lâchés en 1974. On ne peut pas court-circuiter l’opus nouveau de cet abandon qui, quelque part, l’a fait naitre … d’autant que le six-cordiste choisi, Ron Wood, montrera des qualités et des défauts, sur scène et en studio, à l’opposé du précédent titulaire. La donne a changé de la comparaison de l’un et de l’autre. De nouveaux Stones sont nés du changement de personnel. Comment vont-ils être reçus ? Le contenu de l’album s’en altère t'il ? S’en bonifie t’il ? Déçoit t’il ou se laisse t’il apprécier, irrite t’il ou rassure t’il ? Signe t’il la fin d’un règne ? C’est selon … !  Wood est t’il le sang neuf espéré ou un simple pis-aller, un choix par défaut … ou soigneusement calculé ?

Ron Wood second guitariste des Stones, çà n’a jamais été trop mon truc ; Mick Taylor, au même poste avant son départ, si. Alors, çà donne quoi mes Stones chouchous quand le premier cité prend la place du second et se cache docilement dans l’ombre tutélaire, amicale et protectrice de Keith Richards ? Ron Wood n'apparait en lead que sur "Hey negrita" et "Crazy mama" et en rythmique sur "Cherry Oh baby", soit 3 titres sur 8, mais on peut se faire une idée de son utilité à venir (On note Harvey Mandel, ex John Mayall's Bleuesbreakers et Canned Heat sur "Hot Stuff" et "Memory Motel")

A mon sens, une mort lente et inéluctable pointe en filigrane dans « Black and blue » ; elle prendra peu à peu corps sur le fil sans fin des opus qui suivront. Et, si Taylor n’avait pas abandonné le navire, en aurait t’il été autrement ? Une belle uchronie se dessine ; il m’aurait plu de la vivre. Mais tout est relatif, il y aura encore tant de soleil dans l’eau souvent tiède que nous proposera le groupe par la suite … ce sera souvent moins classe, inspiré et percutant, plus pépère et tranquille, parfois anecdotique, érodé par une routine lassante. La faute à Wood ?: pas que, bien évidemment; il y faudra une conjoncture collective.

Mon avis est purement subjectif, en écho d’un ressenti mitigé. Pas tapé, pas tapé ..!

Je suis enfant des Stones depuis 1968 (« Beggar’s banquet ») et ce, jusqu’en 1974 («It’s only rock n’ roll »). Quant au reste: trop jeune pour l’avant, trop vieux pour l’après. On ne peut être que sélectif tout du long des (fichtre, fichtre !) 60 ans de carrière du « plus grand groupe de rock au monde ». Cette parenthèse temporelle idyllique de 6/7 ans, c’est ma période totale « éclate » du combo anglais.

« Black and blue » me parait l’ultime chef d’œuvre des Stones, le chant du cygne d’une époque bénie des dieux, la queue de comète (à l’apex de leur carrière) de quelques albums mythiques successifs ; le rejeton fin de race d’une aristocratique lignée de LPs cultes. Il y bouillonnait, pour la dernière fois, un sang bleu princier. Ce fut, dans l’ordre : Beggar’s banquet, Let it bleed, Get yer ya-ya’s out, Sticky fingers, Exile on main street (et à moindre niveau Goats Head Soup et It’s only rock n’ roll).

En 76, avec « Black and blue », l’amorce d’un moins bien se fait sentir. L’opus peut se concevoir, pour se rassurer, comme une habile transition vers des horizons musicaux nouveaux, en gestation, plus variés (même si les Stones resteront toujours les Stones quoi qu’ils abordent). Est-ce, au pire, le dernier acte honorable d’une machine qui s’apprêtera, au-delà, à courir mollement sur son ère (même si de décrescendo en décrescendo The Rolling Stones’ll never die, ne mourront jamais vraiment) ?

1974. Un ange passe … Mick Taylor s’en est allé. Bye-bye blondin...! Le lead-guitariste est parti de son plein gré. Sous d’autres cieux espérés plus gratifiants pour son ego ? Raison invoquée (mais est-ce la bonne ?): on a trop souvent oublié de le créditer sur les chansons auxquelles il a participé. Pourtant, loin d’avoir été une banale cheville ouvrière plus rythmique que lead comme le sera son successeur, il offrit aux Stones toutes les couleurs de l’arc-en-ciel d’un jeu en solo volubile, précis, inspiré et mélodique. Son phrasé limpide et aérien, racé et élégant faisait de lui le lead guitar idéal.

1974. Le groupe auditionne et recrute Ron Wood, le meilleur pote de Keith Richards (avaient entre autres aussi postulé: Jeff Beck, Wayne Perkins et Rory Gallagher), . Un brin opportuniste, il rapplique dare-dare, les Stones étant LE train à ne pas rater. Il largue les Faces sans se retourner (le vilain ..!). Le voilà, en clone du jeu de Keith Richards, en copié-collé de ses tics et astuces rythmiques. A quoi sert t’il quand la différenciation est si peu marquée ? Là où le précédent duo jouait sur un contraste marqué, le suivant s’affiche en quasi similitude de jeux, d’autant plus marquée que les capacités de Wood en solo n’ont jamais fait de lui un guitar-hero vraiment crédible et fécond.

Rares sont les groupes, hors power-trios, où le leader est guitariste rythmique. Richards est content, Ron Wood ne lui fait guère d’ombre, là où Taylor prenait bonne part de la lumière. Somme toute, la nouvelle configuration des Stones se montrera d’autant plus équilibrée qu’en partage des soli, Richards est naturellement capable de brillants exercices incisifs, percutants mais … courts. De là à percevoir Wood en tant que bouche-trou … le groupe semble avoir fait le choix de se passer d'un vrai soliste.

D’un titre à l’autre, on trouve :

« Crazy mama » et « Hand of fate » : deux morceaux teintés rock « stonien » à l’ancienne, deux mid-tempos un tantinet trop tranquillo-mollassons, deux beuglantes « jaggeriennes » type. Les guitares n’y « riffent » qu’au minimum syndical, ne saignent qu’en minces filets discrets d’hémoglobine coagulée, oublient le sang vif-écarlate d’«Exile on main street». La basse rond-ronronne comme à l’accoutumée. La batterie minimaliste de Watts file, jazzytouch, en job métro-métronomique parfait et délicat. C’est du Stones un rien calibré FM, du soft rock bien huilé et vitaminé mais si prévisible, dans l’ombre de l’énergie et du feeling ébouriffé d’antan, comme sous adoucissant. L’horizon d’attente était quand même autre, un tantinet plus mordant, acéré et incisif C’est bien foutu, bien torché mais c’est bien tendre, privé de peps, d’électricité.

Pour le reste : les Stones se la font :

1_disco/funk (C’est l’époque ...!) avec « Hot stuff ». Cherchant le hit pay-cash à exporter sur scène et dans les charts, le titre se pose bille en tête face 1 (itou pour « Miss you » sur «Some girls », l’album à venir ). Apparait ici l’idée maitresse qui sous-tend l’album : celle d’y incorporer des styles musicaux variés, inhabituels au groupe … tout en prenant garde à ce que leur son soit d’emblée reconnaissable.

2_funk-rock-blues-reggae, lourd et graisseux, avec « Hey negrita ». Les Stones ne sont jamais aussi bons que lorsqu’ils mixent les genres au sein d’un même morceau. Les guitares prennent le devant et s’entremêlent, riffs béton, rythmique croisée et hachée, soli partagés. Le summum sur l’album de ce que peut offrir l’amalgame Richards/Wood.

3_ douci-doucement balli-ballades : l’une douceur et langueur, «Merry memory »; l’autre un tantinet slow midi-midinette frotti-frotta joli joli (« Fool to cry »).

4_ reggae brothers (C’est l’époque …!) en contre-temps de rigueur, basses roulantes bien en avant et beat batterie subtilement décalé (« Cherry oh baby ») ;

5_ un rien bastringue jazz-blues, limite honky-tonk piano (« Melody ») ; on y rêve de ce qu’aurait pu y laisser Taylor au titre d’enluminures guitaristiques (c’est à mon sens le meilleur morceau de l’album).

Le tout manque de mordante niak-niaque mais pas de sens méli-mélodique ; ce dernier fait toute la richesse de l’album, sa marque de fabrique, sa raison d’être. Overdose de mid-tempos, radinerie de morceaux vraiment énergiques et adrénalinés : « Black and blue » est à écouter fort-fort-très-fort sur les tympans pour camoufler le manque de boost patent.

Mais basta, au final, je l’aime bien, quand même, cette enfilade habilement agencée de 8 titres que j’avais, jadis, laissés en plan. Les récentes et plaisantes re-écoutes de l’album, celles nécessaires à la rédaction de la présente chronique, me font maintenant écrire que Wood, tout compte fait, participant au scénario, y a apporté sa patte et un talent suffisant … çà lui laisse une seconde chance. Comme quoi on peut presque changer d’avis. Rendez-vous avec « Some girls », et là, rien qu’avec « Miss you » comment dire … ?

Line-up :

- Keith Richards (guitares, basse, chant, chœurs)
- Mick Jagger (chant, guitare, pianos)
- Charlie Watts (batterie)
- Bill Wyman (basse)
- Ron Wood (guitare, chœurs)
- Harvey Mandel (guitare solo)
- Wayne Perkins (guitare solo)
- Billy Preston (claviers, synthétiseurs, chœurs)
- Nicky Hopkins (claviers, synthétiseurs)
- Ollie E. Brown (percussions)
- Arif Mardin (arrangement des cuivres)

Track list :

      01.   Hot Stuff / 02.   Hand Of Fate / 03.   Cherry Oh Baby / 04.   Memory Motel / 05.   Hey Negrita / 06.   Melody / 07.   Fool To Cry / 08.   Crazy Mama

En illustration sonore : « Melodie »


3 commentaires:

  1. A partir de Goats Head Soup, j'ai commencé à décrocher; j'achetais les albums mais par réflexe.
    Ecouté le dernier single des Beatles, ils auraient mieux fait de le laisser dans la naphtaline.

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    1. Rolling Stones: oui, le déclin s'amorce avec "Goats Head Soup" suivi de "It's only rock n' roll"; mais l'esprit du cycle précédent (échu avec "Exile") perdure à minima (d'autant que la patte Mick Taylor s'impose encore 2 Lps durant). J'espérais une volte-face .... qui n'est pas venue. Chose curieuse: "Exile", si je me souviens bien, Rock n' Folk nous avait été vendu comme des fonds de tiroir qui, en définitive, signent peut-être le meilleur LP des Stones. Le groupe sentait t'il la fin d'un cycle et la nécessité anticipée de passer à autre chose ?

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    2. Beatles: J'ai vu le clip avec l'impression d'un malaise du au fait qu'on ne devrait pas manipuler la mort pour offrir un ersatz de vie qui pose questions, va entrainer des polémiques ... etc. Même les LPs de Jimi Hendrix post-mortem, et Dieu sait qu'il a été essoré, n'avaient pas entrainé un tel trouble.

      La musique, la chanson: bof. Déjà que les Beatles, ce n'est pas ma tasse de thé.

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