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lundi 28 octobre 2024

Le rock aux trousses – Denis Núñez

 

L’Harmattan ed., collection « Rue des écoles »

 

L’I.U.T. de Bourges. De 71 à 73. Un cursus court sur deux ans. A la sortie, la promesse « pompidoulienne » d’un job de cadre à 1500 balles. Avoir alors 20 ans, au sein de Trente Glorieuses malgré tout bien tristounes, et rêver d’autre chose. « Le rock aux trousses » évoque la vie étudiante d’alors à l’aulne d’un déséquilibre. D’une part : une passion débordante et envahissante pour le Rock triomphant. D’autre part : la nécessité routinière de s’insérer correctement dans le tissu social professionnel.

C’est aussi le temps des copains, des bringues et des fêtes, d’une certaine liberté … l’attirance pour l’autre sexe…

En 1971, j’avais 16 ans et le rock, au cœur d’un de ses âges d’or, m’avait déjà bien harponné. En cette fin 2024, le titre évocateur d’un roman, « Le rock aux trousses » (clin d’œil à Hitchcock), m’a logiquement intrigué. S’y ajoutait, en 1 de couv, un mythique logo vissé sur la façade grillagée d’un ampli ; « Fender », l’un des symboles de la mouvance rock, ciblant la guitare dans son aristocratie électrique. Tout un programme ...!

Après tout, ces années-là furent aussi, nostalgiquement, les miennes. Ce furent celles lycée et fac, insouciantes et légères, consacrées pour la plus grande part à une passion musicale de tous les instants. C’est que le rock, à cette époque, quand il chopait, c’était serré-serré. Basta les cours et les partiels, il emportait tout. La 4 de couv a achevé de me convaincre. Il me fallait pousser plus avant pour, quelque part, me retrouver dans ces instants enfuis. Merci Babelio, Masse Critique, Denis Nunez et son éditeur.

Danny Lopez, le héros du «Rock aux trousses», propose en « je narratif » une évocation de l’IUT de Bourges à l’aulne de sa passion pour le rock. A sa mort (2022), son fils prend le relais et fouille le passé de son père.. !  Double chemin narratif qui, à la croisée des parallèles, réveille des instants enfuis.

Là, avec l’auteur, sans doute en évocation autobiographique, c’est Bourges la provinciale, son IUT, le mélange trompeur de ses classes sociales où la bourgeoisie récupèrera ses petits égarés en fin de cycle ; la mixité filles-garçons jusqu’en Cité U, dans ses résidences et son restau. Loin de père et mère, c’est une envie de liberté et d’infini qui jaillit, l’art d’être livré à soi-même et de faire du temps qui passe ce que l’on en attend.

On y cause partiels à venir ou échus, TDs et thèses, orientations et alternances, Pompidou et Chaban Delmas, mai 68 et ce qu’il en reste. On y parle à l’envie d’aristocratie rock : Bob Dylan, Joan Baez, Rolling Stones, Grateful Dead, Velvet Underground … tous ces noms qui bâtirent un Age d’Or. On oublie qu’aux franges de la fac on rêve d’un rock plus hard sur les soli « excrémentiels » d’Alvin Lee ou de Jimmy Page. Des discussions à n’en plus finir, presque des disputes … la quadrature du cercle.. !

On s’y fringue hippie, cheveux longs, mini-jupes et petites lunettes rondes cerclées de fer ; on s’y véhicule solex, on y teppaz mono et 33 tours qui grattent au fond des sillons ; on y écoute POP 2 à la TV, en différé d’Hérouville ou du Bataclan ; on y lit Rock & Folk, on s’y rêve rock-critique…. ou musiciens.

Et puis il y a celles et (surtout) ceux passés de la théorie à la pratique ; qui ont monté un groupe, commencé les répètes à la MJC voisine, qui jouent parfois au restau U débarrassé de son mobilier pour l’occasion … et qui rêvent de groupies. On y reprend, façon hymnes, «You really got me», «J wanna be your dog», «My generation», «Satisfaction» ou « Street Fighting Man»… etc.

Sur le fil d’une prose limpide, quelquefois un tantinet expérimentale (comme les temps d’alors), lire Denis Nuñez c’est retrouver une époque post-soixante-huitarde enfuie, c’est déplorer des projets laissés en berne et des visages quelques fois hélas maintenant disparus, des rêves envolés, des colères maintenant résignées, des personnalités alors marginales maintenant rangées et tranquilles dans le droit chemin il y a peu critiqué. Rangées les grattes électriques, les espoirs d’un futur qui n’a pas été celui attendu et espéré.

« On ne quitte jamais l’histoire de ses 20 ans. On la retient tantôt comme une blessure, tantôt comme une force, tantôt comme une différence… [ ] … du café froid, voilà ce qu’est devenue notre vie. »

PS : Denis Nuñez, au fil des pages, propose la bande-son de son propos. Une floppée de références en renvois bas-de-pages et annexes, ramènent vers les Stones, Dylan, The Who, Gallagher, Peter Green, Led Zeppelin, Jimi Hendrix …

 

 

 

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