Gilles, c’est un pote de ma vie réelle. Il dessine, il peint, il expose. Et il a une patte que je lui envie.
Son créneau graphique : revisiter à sa manière les discographies de groupes rock qui ont fait l’histoire musicale du genre en proposant pour chacun, par lots de 9, certaines illustrations de leurs pochettes d’albums respectives … Elles vous rappelleront, pour la plupart, bien des souvenirs nostalgiques. Sur le fil des 53 tableaux que comporte, à ce jour, la série se déroulent lentement les années passion-rock de mecs de mon âge qui ont plongé avec goinfrerie dans la zikmu-rock & consoeurs.
Ci-dessous, le 13ème de la série. A suivre pour les autres.
Alvin Lee, alors que se déroule chronologiquement la discographie de Ten Years After, même s’il en reste toujours le leader charismatique, s’efface peu à peu volontairement devant le collectif, estompe sa volubilité innée, laisse davantage de place aux claviers, à la basse et aux drums. Son omniprésence d’antan s’amoindrit. Le guitar-hero gomme du paysage collectif ce trop-plein d’envolées solitaires qui faisaient le son du groupe, raccourcit ses soli.
>>>> «Undead» (1968). La une de pochette met en scène les membres de TYA. Elle superpose deux négatifs photographiques couleurs identiques, l’un plus grand que l’autre. L’illustration ressemble alors à celle de « The Piper at the Gates of Dawn » de Pink Floyd (1967). Le tout se montre profondément psyché, bien dans l’air du temps, hippie en diable. «Undead» est le premier live de TYA. Il montre de forts accents blues et jazz mêlés. Il a été enregistré dans un petit club, l’auditoire y est religieusement à l’écoute. Alvin Lee, le boss, parade ; c'est ce que l'on attend de lui. Le show se termine sous les applaudissements respectueux, polis et appréciateurs d'un rare public manifestement plus habitué aux codes classiques du jazz joué live qu'à ceux, explosifs, du rock. Attention chef d’œuvre.
>>>> «Stonedhenge» (1969). Sans « d » entre le 1er « e » et le second, le titre de l’album devient Stonehenge, un célèbre monument mégalithique du sud anglais. Le « d » surnuméraire renvoie, jeu de mots, au contexte de l’époque, celui hallucinogène de substances de tous poils. « Stonedhenge », l’album, possède le mérite et l’intérêt de sa diversité d’atmosphères (hard, jazz, blues, psyché).
>>>> « SSSH » (1969). L’illustration en une de pochette rappelle certains plans cinématographiques mythiques de « J’m goin’ home » sur « Woodstock, le film ». Ce sont ceux s’attardant longtemps sur Alvin Lee, en gros plans-visage démultipliés via deux, voire trois axes de caméras. Le rapprochement est tentant et pourtant … l’album est dans les bacs en août 69, le festival a lieu le même mois et le film ne sort en salle qu’en mai 70.
>>>> « Cricklewood green » (1970). Sur la double-pochette, les objets hétéroclites recensés renvoient à la diversité instrumentale embarquée : la photo au pourtour brûlé d’une canette à moitié décapsulée (et aux seins de verre ?), d’un jeune chat et d’une forêt enneigée ; un colibri peint et encadré ; la statue d’un guerrier manchot.
>>>> « Watt » (1970). En recto et verso de double pochette : une idée cousine de celle tout aussi champêtre du « A Space In Time » à venir, montgolfière et HLM en bonus ; une photo solarisée, couleurs flashy bleu et rouge. Une idée en communion avec l’époque, entre ville et campagne. Un uppercut hard blues-rock ouvre l’opus : "I’m Coming On", du genre calibré pour la scène et à mettre KO qui l’écoute. Une guitare volcanique qui crache de la lave en fusion, bouillonnante, vive, incisive, tranchante. Un titre, pourtant, peu repris en live.
>>>> « A Space in Time » (1971). La une de pochette est bucolique (tout ce vert tendre, ce groupe en balade champêtre et photo souvenir !). Son verso montre la Gibson signature Alvin Lee ES-335 posée sur la vitre d’un flipper ; ses cordes démontées du sillet semblent promettre une lassitude de l’électrique et un virage unplugged. L’intention est t’elle à mi-chemin, dans une prédominance électro-acoustique ? Nombre de morceaux entremêlent en effet paysages acoustiques (y compris violons d’ambiance symphonique) à des atmosphères branchés « 220-volts-les-doigts-dans-la-prise ». Avec cet album TYA nous offre des horizons musicaux variés et sensibles, majoritairement au large des épanchements caractéristiques du leader, même si sa gratte pèse d’un poids conséquent sur la globalité de l’album.
>>>> « Rock and roll music to the world » (1972). AMHA, une des plus belles double-pochettes que le rock n’ait jamais enfantées, un travail photo admirable à l’objectif fish-eye, un mix inspiré et réussi de couleurs solarisées mêlées, une mise en place parfaite des éléments intégrés. « Rock and roll music to the world » : à mon sens, un album sous-estimé, voire dénigré, à tort.
« Positive Vibrations » (1974). Une sombre pochette via l’objectif rotatif d’un kaléidoscope, quatre visages semblant s’effacer dans le lointain. Le dernier LP de la première époque. Celui immédiatement pré-split. Une sous-production regrettable, un son à l’étouffée ; en conséquence un succès en demi-teintes. Le sentiment d’avoir loupé le coche. Une six-cordes comme en retrait, moins présente ... en attente d’une carrière solo moins volubile. On dirait que Lee prépare l’après TYA, l’éclectisme à venir de « & Co », le partage des taches, le guitariste dans l’ombre d’un vrai collectif. Il donne rendez-vous chez « Alvin Lee & Co » (1974) et aux côtés de Mylon Lefevre (1973).
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