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lundi 13 janvier 2020

Les Sept Vies d'Alejandro Jodorowsky - Sous la direction de Vincent Bernière et Nicolas Tellop





Les Humanoïdes Associés - 2019

Alejandro Jodorowsky, du haut de ses 90 ans, est un personnage atypique, passionné, passionnant, foisonnant d'idées bourgeonnantes, libre, un touche-à-tout polyvalent, un insatiable défricheur malgré son age d'horizons nouveaux. Tour à tour metteur en scène de théâtre d'avant garde, réalisateur de cinéma, scénariste de BD, essayiste, romancier, pantomime, taromancien ..etc. Je suis allé vers lui, au mitan des 70's, via la SF ("Dune"...) et la BD de même eau ("L'Incal"...). Je ne savais pas encore qu'il s'était attaché à remodeler bien d'autres domaines artistiques, certains me touchant moins, mais d'autres beaucoup (le rock par exemple). C'est ce que m'a apporté ce livre: l'univers complet d'un curieux qui est allé au-delà de bien des horizons, est passé au travers de bien des miroirs, a agencé bien des possibles via le filtre de son imagination féconde, miraculeusement hors normes et sans entraves.


En 2019, les Humanoïdes Associés sortent un beau livre intitulé "Les sept vies d'Alejandro Jodorowsky" à l'occasion de ses 90 ans . Comment résister ? J'aime bien le personnage, son poids sur certains domaines artistiques où je pêche certains de mes "mauvais genres": la SF, la BD et le Rock. J'aime les beaux livres. En voici un. Comme d' habitude chez les Humanoïdes Associés, me direz-vous. Le bout des doigts caresse l'épaisse couverture, courre sur la tranche, repère le long et luxueux signet de tissu blanc, apprécie la qualité du papier, le rendu couleurs des très nombreuses illustrations. Un bon gros bouquin, lourd comme une enclume, un grand format à montrer comme un trophée, que l'on est fier de posséder, que l'on veut à soi, rien qu'à soi. Une pépite en bibliothèque, parmi les autres belles bêtes accumulées au fil des ans. Il m'est venu en SP (merci Babelio, merci Masse Critique, merci les auteurs et l'éditeur).


Après avoir énormément travaillé, au début des 70's, sur son projet "Dune" d'adaptation ciné du roman de Frank Herbert, Jodo se heurte à un financement qui ne vient pas et renonce. Bientôt, dans certains médias spécialisés, apparaissent quelques images du storyboard. Ce sont les croquis préparatoires signés Moëbius (alias Giraud à l'oeuvre  dans Blueberry), le mythique dessinateur à l'origine, pour partie, de la naissance de la revue BD Metal Hurlant. D'autres pointures graphiques auraient été mis, dit t'on, à contribution: Giger et ses peintures obscures et angoissantes que l'on verra plus tard dans Alien de Ridley Scott; Chris Foss et ses vaisseaux spatiaux paradisiaques. A cette imagerie SF devait s'ajouter quelques icônes rock de l'époque (et pas des moindres), elles furent pressenties pour la bande son: Pink Floyd, Magma. Il y a peu, Arte diffusait un docu, sous le titre "Jodorowsky's Dune"; il retraçait l'histoire d'un échec; mais quel échec, presque une victoire. Les investisseurs craignaient la versatilité et le besoin de liberté totale du réalisateur, ses débords financiers inévitables. Cette frilosité nous a valu la demi-réussite de David Lynch et l'ignorance totale de ce qu'aurait valu le "Dune" de Jodo jusqu'à en faire un chef d'oeuvre mythique que personne n'a jamais vu.


C'est autour de cet épisode raté que s'articule mon rapport avec Jodo, il y eut un avant le concernant dont j'ignorais tout, et un après le temps de suivre, quelques années durant, le scénariste de BD qu'il devint.
Son "Dune" me fut, ces jours-ci, une clef pour entrer en résonance avec "Les sept vies d'Alejandro Jodorowsky". C'est le grand et étonnant mérite de l'ouvrage: il offre des portes d'entrée différentes, comme dans un répertoire ou un dictionnaire, en fonction des diverses attentes de lecteurs. Autant y entrer par la porte qui nous parait la plus familière, celle en accord avec ce que sait de l'auteur le lecteur potentiel. Le chemin n'en sera que plus facile.

Le pavé est divisé en sept chapitres, des "Vies", les sept qu'a vécues Jodo en une seule.
Au gré de 28 articles signés de 22 intervenants issus d'horizons divers:

1_"sa vie d'avant" qui appartient à ses jeunes années (naissance en 1929 au Chili, des souvenirs authentiques ou phantasmés ... déjà une vision d'un ailleurs philosophique).

2_"sa vie en panique" en tant que metteur en scène de théâtre d'avant-garde. On y croise Fernando Arrabal, Roland Topor sur les chemins avancés du surréalisme.

3_"sa vie à l'écran" en tant que réalisateur ciné atypique. "El Topo". "La Montagne Sacrée". "Santa Sangre"... où il explose les cadres traditionnels de fond et de forme. Longs métrages imprégnés de surréalisme, d'ésotérisme, de mysticisme, métaphysiques et métaphoriques L'échec, non accepté, de "Dune" le conduit à un horizon visuel voisin du 7ème art, celui graphique du 9ème art via un chemin de traverse. La BD sera son terrain de prédilection.

4_"Sa vie en bulles" en tant que scénariste, sera sa partition principale. Une multitude de dessinateurs célèbres apparaissent à ses côtés: Moëbius (déjà cité), Gimenez, de la Fuente, Gal,  Boucq, Bess, Manara, Arno ...  etc

5_"sa vie noir sur blanc" en tant que romancier, essayiste, poète, autobiographies ... etc

6_"Sa vie en musique" dans ses rapports avec le rock. Il côtoie les Stones, les Beatles dont Lennon et Harrisson, le Grateful Dead, Marylin Manson, le Floyd, Magma, Dylan, Zappa, Vince Taylor ... On se souvient de l'échec de "Dune". Je ne savais pas que pareille mésaventure allait mettre un terme à une autre association, celle tout en promesses mort-nées entre Jodorowsky et Peter Gabriel, le leader charismatique de Genesis, via une adaptation du mythique dernier album du groupe (époque Gabriel): "The lamb lies down on Broadway".. Quel dommage quand on se plait à penser que les deux hommes avaient tant d'univers communs à partager..!

7_"Sa vie mystique": taromancie et psychomagie (?)

Alejandro Jodorowsky a 90 ans. Les Humanoïdes Associés lui rendent un hommage fort et appuyé, retraçent sept vies à la croisée des parallèles, point focal à la verticale d'un seul homme. Quel poids pour un être seul qui a fait de sa liberté et de sa ténacité une force à nulle autre pareille.







19 commentaires:

  1. Belle chronique! ça semble être un sacré bouquin pour un sacré bonhomme !
    Honte à moi, je n'ai entendu parlé de cet homme que très dernièrement, en voyant passer son nom sur les réseaux sociaux.. jamais avant ça :-(
    L'histoire de l'humanité semble jalonnée d'êtres prolifiques comme lui, dont certains, bien connus, ont marqué les sciences de leur génie.

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    1. De Jodo je ne savais pas grand chose. Il se situe quand même un peu à part dans le corpus SF. Je ne l'ai suivi que peu de temps en territoire BD, son Incal devenant de plus en plus complexe et hermétique.

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  2. La plus grande de ses qualités d'homme est sa puissance de rebond. Il a fait de l'échec de Dune une réussite. On pardonne plus à Jodo de ne nous avoir rien montré qu'à Lynch d'avoir essayé. C'est quand même fort de bouchon.

    Malin celui qui réitère avec le disque de Genesis..! :-)

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  3. _ « De Jodo je ne savais pas grand chose. »

    Alors pour ma part j’en savais moins que pas grand-chose.

    Qu’il était un grand nom de la BD pour ces travaux avec Moebius, Métal Hurlant,etc., que je n’ai pas lus ; qu’il avait fait des films bizarroïdes, que je n’ai pas vus, qu’il participa au mouvement Panique, que je connais très mal.


    _ « 3_"sa vie à l'écran" en tant que réalisateur ciné atypique. "El Topo". "La Montagne Sacrée". "Santa Sangre"... »

    Est-ce que cette partie traite aussi de ses derniers films, ceux des années 2010 : "La danse de la réalité" et "Poésie sans fin" ?


    _ « On pardonne plus à Jodo de ne nous avoir rien montré qu'à Lynch d'avoir essayé. C'est quand même fort de bouchon. »

    C’est clair. ^^

    (Le tournage du Dune de Jodorowsky, ç’aurait sûrement été tout un poème, au regard des egos engagés.)

    Et à la fin de l’année, quand on verra en salle la version de Denis Villeneuve, nul doute les réseaux sociaux s’enflammeront...

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    1. @Jim, citation: "Qu’il était un grand nom de la BD pour ces travaux avec Moebius, Métal Hurlant,etc.," >>>> J'ai relu, pour l'occasion, le premier tome de l'Incal. Jodorowsky y propose un scénario qui tient la route, une SF qui flirte avec l'idée d'un polar US versant détective privé. Décidemment je baigne dans cet atmosphère depuis quelques temps. Moébius y dessine une ville-puits dans laquelle on s'attache à piocher les détails qui crédibilisent. S'Anonyme parlerait de wordbuilding, ici je le trouve réussi.

      @Jim, citation: "Est-ce que cette partie traite aussi de ses derniers films, ceux des années 2010 : "La danse de la réalité" et "Poésie sans fin" ?" >>>> Oui, le temps d'un article de six pages illustrées de quelques photos. Cela semble être deux autobiographies filmées qui semblent plus abordables que ce qu'il a tourné précédemment. On en trouve des trailers sur le Net.

      @Jim, citation: "(Le tournage du Dune de Jodorowsky, ç’aurait sûrement été tout un poème, au regard des egos engagés.)" >>>> Oui. D'autant qu'apparurent les noms tout en retenue de Dali et de Delon.

      @Jim: citation: "Et à la fin de l’année, quand on verra en salle la version de Denis Villeneuve, nul doute les réseaux sociaux s’enflammeront..." >>>> Perso, je pense que Dune est inadaptable, que c'est trop tard, que plus rien n'y fera, jamais. Nous avons tous notre propre vision des vers, des dunes, de l'Epice, de la cour impériale.... Par exemple, quand je vois, page 60 de "les sept vies" la vision du Sardaukar par Jodo en latex noir façon SM (il la revendique en ce sens), je me dis non, ce n'est pas possible, même les soldats Harkonens ne méritaient pas çà.

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    2. https://www.arte.tv/sites/olivierpere/files/2013/05/Alejandro-Jodorowsky-Sardaukar-and-Jean-Moebius-Giraud.jpg

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    3. _ Avin : « Nous avons tous notre propre vision des vers, des dunes, de l'Epice, de la cour impériale.... »

      N’ayant pas lu Dune (mea maxima culpa), je n’ai pas de vision personnelle pouvant être déçue par une adaptation.

      Ce qui me décevrait toutefois, c’est que le film ne propose pas de décors, costumes, bestiaire, qui soient, en termes d’images cinématographiques, un tant soit peu originaux.

      Au vu du précédent film de SF de Villeneuve, je ne m’attends pas à des merveilles ; mais j’espère une bonne surprise.


      _ Avin : « la vision du Sardaukar par Jodo en latex noir façon SM (il la revendique en ce sens), je me dis non, ce n'est pas possible, même les soldats Harkonens ne méritaient pas çà. »

      Ah, oui, on ne regrettera pas de ne pas l’avoir vu sur grand écran, celui-là... ^^

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    4. @Jim, citation "Ce qui me décevrait toutefois, c’est que le film ne propose pas de décors, costumes, bestiaire, qui soient, en termes d’images cinématographiques, un tant soit peu originaux." >>>> çà va être difficile pour Villeneuve: innover et rester fidèle, éviter de faire dans la post commercialisation à visée jouets et autres.

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  4. Je suis persuadé que beaucoup donneraient cher pour la possession du storyboard original.

    https://gwardeath.files.wordpress.com/2015/05/dune-script.jpg

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  5. J'ai lu Dune quand j'étais jeune ( peut-être ado? me souviens plus), en tout cas, c'est un roman qui est resté dans ma tête.. je ne me souviens de l'histoire, mais des images de sables, des vers géants et de la fameuse épice.. et puis aussi le système de récupération des urines pour les recycler, et que chaque habitant porte pour survivre :-D
    Je n'ai lu que le premier.. sans savoir qu'il y avait une suite..
    Cette suite est dispo dans ma médiathèque, donc un jour il me faudra tout lire !

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    1. Selon "Ailleurs & Demain" chez Laffont il y a 7 tomes signés de Frank (dune, le messie, les enfants, l'empereut-dieu, les hérétiques, la maison des mères) suivis sous la plume du fils Brian (+ K.J. Anderson)une ribambelle de sous-cycles. Du pain sur la planche, donc. Perso j'ai mis un frein avec l'Empereur (un mur que je n'ai jamais pu franchir qui pour certains amorcent la partie la plus intéressante du travail d'Herbert père. J'ai lu un sous-cycle du fils qui m'a laissé dubitatif.

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    2. Me suis trompé. 6 tomes pour le père, pas 7.

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  6. Je suis allée chercher sur Internet.. apparemment, il y a 6 tomes.
    Le mien c'est l'édition de 1973.. la couverture est toute abimée, argentée avec des circonvolutions qui rappellent les dunes ^^

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    1. La couverture argentée fut très longtemps la marque de fabrique d'Ailleurs et Demain. Elle a une histoire étonnante que raconte G. Klein (le directeur de collection)dans le Bifrost qui lui est consacré. Le problème est que la pellicule externe argentée ne résiste pas au temps et s'enroule souvent sur les bords comme une cigarette qu'on roule.

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    2. oui, c'est tout à fait ça!! le livre est tout écorché, pelé!

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    3. C'est marrant. Certains titres échappent à cette malédiction et restent indemnes malgré le temps qui passe. Pour les autres on dirait des blocs d'argent sur lequel un rabot aurait laissé des copeaux enroulés.

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  7. si je me lance dans Le cycle de Dune, je ne lirai que ceux du père.. j'aime pas les suites des fils :-D :-D :-D

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  8. Il y a 6 tomes, mais qd on en voit 7, c'est que le premier a été divisé en deux..
    je pense que mon édition est complète, donc je passerai directe au tome 2.

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    1. MDR. C'est moi qui ne sait pas compter. C'est bien 6 qu'il me fallait écrire. Je faisais bel et bien référence à l'édition A&D et pas à celle de Presses Pocket SF. Mille excuses.

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