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vendredi 7 mai 2021

Si çà saigne – Stephen King

 


Albin Michel Ed. (2021)

 

Un recueil de nouvelles (novelas ?) paru en 2021.

1_Le téléphone de Mr Harrigan :

Où il est question de la mainmise des technologiques informatiques sur l’homme du XXIème siècle, plus particulièrement celles à l’œuvre dans nos téléphones portables que, par dérive psychologique fâcheuse, nous avons tendance à personnifier au-delà du raisonnable et du rationnel. 

Harlow, une petite ville du Maine (King y retournera décidément toujours ..!), près de Castle Rock (comme par hasard ..!). Tout du long des deux premières décennies du XXIème siècle, King nous parle de Craig : son parcours initiatique sur le fil de sa jeune vie, d’écolier lambda à jeune adulte prometteur, son quotidien étrangement et ponctuellement teinté de Fantastique. Ce dernier jaillit à la convergence de deux évènements : Craig, d’une part, hérite d’un richissime vieillard sur le fil d’une sincère amitié réciproque; d’autre part, son initiative farfelue mais grave de conséquences à l’occasion des obsèques de … mais, chut, la suite appartient au récit. L’auteur revisite, à nouveau, l’enfance et l’adolescence via le prisme de l’époque qu’il met en scène, en parallèle avec «l’American Way Of Life » de ces années-là (autre leitmotiv cher à l’auteur).

« Le téléphone de Mr Harrigan » s’étale sur une centaine de pages, là où certains auteurs SFFF en auraient compressé une dizaine (Fredric Brown deux, à peine), l’intrigue s’amorce (trop ?) lentement au rythme d’une mise en place, qui faute d’être directe, s’avère sinueuse, précautionneuse et précise. L’expérience de King en tant que conteur lui permet de garder néanmoins le contact avec son lecteur; ce qui ennuierait chez un autre devient passionnant chez lui, le superflu se métamorphosant en essentiel. Cette approche méthodique va crédibiliser le fantastique irrationnel en approche lente, lui faire rendre le son du réel ; on se plait à y croire. Le format novela astreignant l’auteur à une relative économie de mots à contrario de l’effervescence des pavés habituels, il resserre les boulons de l’intrigue, compresse un tantinet son propos ; les digressions s’évadent à minima. Mais on est encore loin de la longueur communément admise pour une nouvelle qui file à l’essentiel, en cœur de cible. Mais, basta, c’est la méthode King à qui il faut accorder du temps, si elle fonctionne à merveille il convient de s’y faire ; le lecteur ne s’en porte d’ailleurs pas plus mal, lui qui depuis tant d’années n’a fait qu’en redemander. Le suspense va crescendo, le tout vire bientôt page turner, embraye d’une molle lenteur vers une attente impatiente de chaque mot. King ne lâche pas son emprise. Il hameçonne d’une multitude de petites mises en abime successives avant celle finale, ferre, bientôt mouline … le fin mot se révèle enfin et peu importe s’il se voit venir de loin quand le lecteur y trouve son compte.

2_La vie de Chuck :

Où, quand l’imaginaire de King brasse mal ses ingrédients au menu, perd son lecteur (du moins m’a t’il laissé perso perplexe ; d’autres sensibilités y trouvant leur came). On trouve, à mon sens, mal appareillées : une apocalypse classique de science-fiction dans laquelle s’annonce la fin imminente d’une Terre en bout de course à celle, personnelle, d’un individu lambda qui se délite vers une mort toute proche. L’explication se fait trop longtemps attendre ; je me suis cru à deux doigts de m’en passer. La révélation, toute bête, empreint d’un Fantastique classique, mange l’épilogue, le laisse transparent et vain (même si émouvant). Tout çà pour çà. Je me suis cru dans une bluette SF des 50’s qui, de nos jours et sous la plume d’un autre que King ne serait jamais parue.

3_ Si çà saigne :

Ressenti rien moins que mitigé. « Si çà saigne » : une novela satellitaire, un greffon d’« Outsider » (que je n’ai, hélas, pas lu) , une excroissance d’une deux centaines de pages (rien que çà.. !). La 4 de couv prévient du fait (pas d’entourloupe, le lecteur prend le train en marche et le sait). Le problème vient des critiques qui, sur le net, affirment que la lecture peut se faire indépendamment de ce qui précède. C’est, en effet possible ; mais, parfois, on avance à l’aveugle sur le fil de protagonistes dont on ignore tout et de faits qui surgissent comme des cailloux sur une moquette rase. Je ne comprend pas pourquoi 200 pages ce n’est pas suffisant pour une parution à part, isolée des nouvelles incluses dans le présent recueil ? De plus, King abandonnant « l’American Way of life » de l’américain moyen dans son quotidien me plait beaucoup moins que la trajectoire qu’il choisit ici de suivre l’évocation/l’exorcisme des démons US en prise avec le libre accès aux armes.

4_ Le rat :

King revient, ici, vers une de ses antiennes : les affres de l’écrivain confronté au syndrome de la page blanche. Cette fois-ci le thème est accouplé à un pacte faustien où un rat remplace le génie sorti de la lampe magique. Si la (une nouvelle fois longue) nouvelle se laisse lire sans déplaisir, le lecteur est rapidement confronté à un épilogue qui se voit venir de bien trop loin. Reste, qu’une nouvelle fois, l’auteur se montre convaincant en décrivant les affres du vide face à l’ordi.

Ce que j’en pense :

Au final : King n’est pas, à mon sens, un bon nouvelliste au sens traditionnel du terme ; quand il s’agit de flirter avec peu de signes sous le clavier il ouvre, hélas, le puits sans fond des digressions. Ce flot incessant qui m’enthousiasme dans ses pavés m’horripile dans ses nouvelles. Je crois rentrer en pays du cœur de cible et me perd dans des trajectoires sinueuses, tortueuses, qui semblent se perdre, se diluer, s’amoindrir, s’effacer … Cette sensation m’a fait, par le passé, passer à côté de « Minuit 1 et 2 » et de « Différentes saisons » (pour ne citer que ces deux recueils). J’ai cru me régaler alors, qu’au final, King m’a laissé, une nouvelle fois, perplexe sur sa manière d’user de la forme courte.

4 commentaires:

  1. C'est vrai ça, 200 pages, il pourrait le sortir seul. Et on est d'accord, King n'est clairement pas un auteur de nouvelles, pourquoi en écrit-il encore. Ou alors, c'est parce que le public s'est habitué à de gros volumes et les éditeurs se sentent obliger d'en faire des recueils. Dommage car dans ses premières années, il faisait des courts et c'était plutôt pas mal.

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    1. C'est peut-être un simple à-priori qui me pousse à ne pas apprécier King sur sa conception de la forme courte qu'il impose. Toutes mes tentatives sur ce format le concernant ont été des échecs. Je rentre en nouvelle d'auteur avec le minimum de signes espérés, dans l'espoir d'admirer les moyens concis mis à l'oeuvre dans cet exercice difficile qu'est la nouvelle ...et King m'offre du cinémascope grandiloquent qui digresse à tout va. Non, King me passionne via ses pavés; et là il peut me livrer toutes les boursoufflures qu'il juge nécessaires: je suis preneur (et comment).
      J'ai l'habitude de picorer dans un recueil de nouvelles au hasard des trous d'attente entre deux lectures plus volumineuses, histoire de boucher un petit trou temporel ... et King propose du chronophage, de la nouvelle ventrue ... et souvent gache-temps. Non, je ne suis pas preneur de cette conception là de l'art de la forme courte.

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  2. _ "(...) au final, King m’a laissé, une nouvelle fois, perplexe sur sa manière d’user de la forme courte."

    J'ai bien aimé deux de ses premiers recueils : Danse macabre (ne contenant que des textes courts, dont la déchirante nouvelle "Le dernier barreau de l'échelle") et Différentes saisons (quatre novellas renvoyant dans l'ordre au printemps, à l'été, à l'automne, à l'hiver).

    Des recueils suivants, je n'ai pas lu grand chose mais je trouvai aussi que ça manquait de tenue.


    _ "« Si çà saigne » : une novella satellitaire, un greffon d’« Outsider »
    (...) il choisit ici de suivre l’évocation/l’exorcisme des démons US en prise avec le libre accès aux armes."

    Vu la mini-série (plus intéressante par ses personnages/acteurs que son intrigue, guère originale).
    Elle contient une scène de tuerie à l'arme à feu assez éprouvante.
    Même si ça n'apparaît pas au premier plan de son oeuvre, la question des armes aux USA touche King : il écrivit un article sur le sujet (sobrement intitulé "Guns") suite à la polémique sur son roman Rage.

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    1. @Jim, citation: "Danse macabre (ne contenant que des textes courts, dont la déchirante nouvelle "Le dernier barreau de l'échelle")" >>>> Je ne l'ai pas lu mais le possède sous forme d'un omnibus qui contient aussi "Shining" et "Salem". Peut-être, ainsi, le recueil qui me fera changer d'avis ?

      @Jim, citation: "la question des armes aux USA touche King" >>>> Dans "Si çà saigne" (la novela), des "métamorphes",des espèces de "Fantomas" journalistes, sont à l'origine d'un problème remis entre les mains d'entités difficiles à cerner.

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