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lundi 30 août 2021

Laurie – Stephen King

 

Albin Michel (2019)

Une courte nouvelle de Stephen King (40 pages). Inédite et gratuite (en ebook exclusivement, pas de version papier semble t’il). Une demi-heure environ à lui consacrer. Guère plus ; d’autant que le style coule d’une belle source tranquille et sereine. La plus grande force de l’auteur est, comme à son ordinaire, de se montrer conteur émérite, d’abord aisé, usant de mots et de formulations simples et immédiatement accessibles. La nouvelle vaut le détour par sa fraicheur et, sans doute, son authenticité (certaines pages du Web s’en font l’écho). On s’y croirait. Une intrigue simple, réaliste et logique nous est proposée sans artéfact terrifiant.

« Laurie » : une histoire douce. Une tranche de vie autour du mal-être d’un homme ordinaire. Celui d’un septuagénaire, Lloyd, veuf récent, désormais seul, qui peine à reprendre pied dans le bout de vie qu’il lui reste. Il s’y laisse aller, fataliste, résigné, peu soigneux de sa personne et de sa maison, balloté physiquement et moralement par un chagrin qu’il ne parvient pas à dénouer et la monotonie résignée qu’il accorde à chaque jour sans son épouse. Le rebond, sans elle, ne lui semblable ni souhaitable ni accessible. Une petite chienne à lui offerte, Laurie, va tout chambouler, changer la donne d’une vue rompue.

La suite appartient au récit …

Vous vous en doutez, deux êtres vont s’apprivoiser l’un l’autre ; c’est ce chemin qu’emprunte l’auteur, celui d’une renaissance accordée à un vieillard résigné.

Maintenant, qu’attend t’on classiquement du maitre de l’horreur ? Une jolie petite histoire ? Non. De la littérature générale ?  Non plus (quoi que.. !). Et pourtant, au détour de ses romans baignés de « mauvais genres » (y compris dans ses grasses novelas) on découvre de larges pans digressifs de littérature blanche (qui font, pour ma part, tout l’intérêt de sa bibliographie), ils jalonnent de loin en loin et souvent d’abondance les interludes entre deux passages houleux offerts à la terreur et au frisson. J’ai toujours suspecté King d’être opportuniste sur les terres SFFF, alors qu’en filigrane il se serait bien vu auteur généraliste. Je ne connais pas suffisamment son œuvre pour étayer ce qui, après tout, ne m’est qu’une intuition. De la même manière il semblerait que la nouvelle contienne des références autobiographiques. Je ne les ai pas repérées. « Laurie » semble, en outre, avoir un rapport avec « L’outsider » que je n’ai pas lu (certains éléments graphiques des deux 1 de couv les rapprochent) mais je ne suis sûr de rien.

Au final : un instant (éphémère ?) de lecture plaisante et rafraichissante autour de la solitude de l’âge avancé. A lire comme un bonbon sucré, gorgé de bons sentiments, de sourires de connivence entre un simple chien, comme tant d’autres, et un vieux monsieur à la dérive. L’happy end est de rigueur, pas de secousse ultime due à une mise en abime dévastatrice ; la finalité est de miel au gré d’un propos tendre. On dirait qu’un smiley souriant nous attend en lieu et place du traditionnel mot FIN.

Bienvenue au royaume des confiseries littéraires.

 


 

vendredi 7 mai 2021

Si çà saigne – Stephen King

 


Albin Michel Ed. (2021)

 

Un recueil de nouvelles (novelas ?) paru en 2021.

1_Le téléphone de Mr Harrigan :

Où il est question de la mainmise des technologiques informatiques sur l’homme du XXIème siècle, plus particulièrement celles à l’œuvre dans nos téléphones portables que, par dérive psychologique fâcheuse, nous avons tendance à personnifier au-delà du raisonnable et du rationnel. 

Harlow, une petite ville du Maine (King y retournera décidément toujours ..!), près de Castle Rock (comme par hasard ..!). Tout du long des deux premières décennies du XXIème siècle, King nous parle de Craig : son parcours initiatique sur le fil de sa jeune vie, d’écolier lambda à jeune adulte prometteur, son quotidien étrangement et ponctuellement teinté de Fantastique. Ce dernier jaillit à la convergence de deux évènements : Craig, d’une part, hérite d’un richissime vieillard sur le fil d’une sincère amitié réciproque; d’autre part, son initiative farfelue mais grave de conséquences à l’occasion des obsèques de … mais, chut, la suite appartient au récit. L’auteur revisite, à nouveau, l’enfance et l’adolescence via le prisme de l’époque qu’il met en scène, en parallèle avec «l’American Way Of Life » de ces années-là (autre leitmotiv cher à l’auteur).

« Le téléphone de Mr Harrigan » s’étale sur une centaine de pages, là où certains auteurs SFFF en auraient compressé une dizaine (Fredric Brown deux, à peine), l’intrigue s’amorce (trop ?) lentement au rythme d’une mise en place, qui faute d’être directe, s’avère sinueuse, précautionneuse et précise. L’expérience de King en tant que conteur lui permet de garder néanmoins le contact avec son lecteur; ce qui ennuierait chez un autre devient passionnant chez lui, le superflu se métamorphosant en essentiel. Cette approche méthodique va crédibiliser le fantastique irrationnel en approche lente, lui faire rendre le son du réel ; on se plait à y croire. Le format novela astreignant l’auteur à une relative économie de mots à contrario de l’effervescence des pavés habituels, il resserre les boulons de l’intrigue, compresse un tantinet son propos ; les digressions s’évadent à minima. Mais on est encore loin de la longueur communément admise pour une nouvelle qui file à l’essentiel, en cœur de cible. Mais, basta, c’est la méthode King à qui il faut accorder du temps, si elle fonctionne à merveille il convient de s’y faire ; le lecteur ne s’en porte d’ailleurs pas plus mal, lui qui depuis tant d’années n’a fait qu’en redemander. Le suspense va crescendo, le tout vire bientôt page turner, embraye d’une molle lenteur vers une attente impatiente de chaque mot. King ne lâche pas son emprise. Il hameçonne d’une multitude de petites mises en abime successives avant celle finale, ferre, bientôt mouline … le fin mot se révèle enfin et peu importe s’il se voit venir de loin quand le lecteur y trouve son compte.

2_La vie de Chuck :

Où, quand l’imaginaire de King brasse mal ses ingrédients au menu, perd son lecteur (du moins m’a t’il laissé perso perplexe ; d’autres sensibilités y trouvant leur came). On trouve, à mon sens, mal appareillées : une apocalypse classique de science-fiction dans laquelle s’annonce la fin imminente d’une Terre en bout de course à celle, personnelle, d’un individu lambda qui se délite vers une mort toute proche. L’explication se fait trop longtemps attendre ; je me suis cru à deux doigts de m’en passer. La révélation, toute bête, empreint d’un Fantastique classique, mange l’épilogue, le laisse transparent et vain (même si émouvant). Tout çà pour çà. Je me suis cru dans une bluette SF des 50’s qui, de nos jours et sous la plume d’un autre que King ne serait jamais parue.

3_ Si çà saigne :

Ressenti rien moins que mitigé. « Si çà saigne » : une novela satellitaire, un greffon d’« Outsider » (que je n’ai, hélas, pas lu) , une excroissance d’une deux centaines de pages (rien que çà.. !). La 4 de couv prévient du fait (pas d’entourloupe, le lecteur prend le train en marche et le sait). Le problème vient des critiques qui, sur le net, affirment que la lecture peut se faire indépendamment de ce qui précède. C’est, en effet possible ; mais, parfois, on avance à l’aveugle sur le fil de protagonistes dont on ignore tout et de faits qui surgissent comme des cailloux sur une moquette rase. Je ne comprend pas pourquoi 200 pages ce n’est pas suffisant pour une parution à part, isolée des nouvelles incluses dans le présent recueil ? De plus, King abandonnant « l’American Way of life » de l’américain moyen dans son quotidien me plait beaucoup moins que la trajectoire qu’il choisit ici de suivre l’évocation/l’exorcisme des démons US en prise avec le libre accès aux armes.

4_ Le rat :

King revient, ici, vers une de ses antiennes : les affres de l’écrivain confronté au syndrome de la page blanche. Cette fois-ci le thème est accouplé à un pacte faustien où un rat remplace le génie sorti de la lampe magique. Si la (une nouvelle fois longue) nouvelle se laisse lire sans déplaisir, le lecteur est rapidement confronté à un épilogue qui se voit venir de bien trop loin. Reste, qu’une nouvelle fois, l’auteur se montre convaincant en décrivant les affres du vide face à l’ordi.

Ce que j’en pense :

Au final : King n’est pas, à mon sens, un bon nouvelliste au sens traditionnel du terme ; quand il s’agit de flirter avec peu de signes sous le clavier il ouvre, hélas, le puits sans fond des digressions. Ce flot incessant qui m’enthousiasme dans ses pavés m’horripile dans ses nouvelles. Je crois rentrer en pays du cœur de cible et me perd dans des trajectoires sinueuses, tortueuses, qui semblent se perdre, se diluer, s’amoindrir, s’effacer … Cette sensation m’a fait, par le passé, passer à côté de « Minuit 1 et 2 » et de « Différentes saisons » (pour ne citer que ces deux recueils). J’ai cru me régaler alors, qu’au final, King m’a laissé, une nouvelle fois, perplexe sur sa manière d’user de la forme courte.

vendredi 3 avril 2020

Dolores Claiborne – Stephen King




Albin Michel 1993 Edition originale française

Certains romans de Stephen King (« Jessie », « Dead Zone ») se déroulent, pour partie, durant l’éclipse totale de soleil du 20 juillet 1963 au-dessus du Maine. « Dolores Claiborne » est l’un d’eux. On retrouve sur une carte annexe certaines localités récurrentes de l'oeuvre de Stephen King: Derry, Bangor, Castle Rock… etc. L’action du roman se déroule sur une petite ile côtière : Little Tall Island. Ce choix géographique n'est pas anodin, l'unité de lieu cerne ainsi un huis clos où vont s'agiter trois personnages principaux.  Le lecteur rencontre tour à tour Dolores, une simple femme de ménage, confrontée à un mari violent et engluée dans les rapports ambigus qu'elle entretient de longue date avec Vera Donovan, sa richissime et esseulée patronne; Selena, la fille de Dolores, l'axe humain autour duquel le drame va tournoyer, passer du statu quo au drame. L'intrigue, lourde et complexe, peut se résumer comme suit sans trop déflorer: un crime, si c'en est un, peut-il en cacher un autre, si c'en fut un aussi ?


L’éclipse totale de Soleil est une parenthèse temporelle de courte durée dédiée à l’obscurité. Elle prive la Lumière de ses prérogatives diurnes. Temporairement, le monde est rendu à ses craintes ancestrales : ce qui se cache dans les ténèbres ressurgit face au savoir qui vacille. La Lune occultant le Soleil, évènement rarissime, bouscule le vivant, et surtout l’humain, dans ses certitudes immuables d’avoir bâti un monde sécure.

Tout peut arriver…

Les regards, curieux mais craintifs, se lèvent au-dessus de l’horizon vers une déité céleste, une créature païenne noire et aveuglante à qui tous les pouvoirs semblent désormais offerts. Les yeux se protègent derrière le fragile rempart de verres teintés de suie. La Lune semble se retourner comme un gant et montrer son côté obscur et froid. La température ambiante chute en promesse imminente d’un enfer de glace. Le temps s’arrête comme englué dans l’instant.
L’éclipse apparait comme un bref laps de temps en équilibre instable entre jour et nuit, chaleur et froid et au final, de manière très manichéenne, entre bien et mal.

C’est l’instant rêvé et tranché, confié à Dieu et au Diable, pour que certains hommes paient pour leurs fautes. Et dans la tête de Dolores Claiborne c'est enfin le moment de frapper pour qu’enfin meure son p***** de mari. Son geste rationnel et prémédité n’emprunte pourtant pas au sacré de l’offrande à l’éclipse, il suit un processus réfléchi et déterminé sur les chemins du pragmatisme et de l’utile. Elle associe le meurtre à l’éclipse pour détourner les regards d’autrui vers les cieux : ils ne témoigneront pas contre elle.  Il lui reste un bout de vie à vivre et elle le désire loin de la prison. Dolores attend de cette mini apocalypse lumineuse une rédemption, une mise à jour de son existence, un retour à zéro.

Le crime est presque parfait si ce n’est que… la suite appartient au roman

Elle va nous raconter l’Avant (ce qu’elle a subi et qui explique tout), le Pendant qu'elle livre sans fards (comment elle s’y est pris) et l’Après (les conséquences qui découlent du meurtre). Les aveux se feront au rythme d’un « Je narratif » prenant et émouvant qui peu à peu taille le portrait attachant d’une femme de bon sens, bousculée par des événements qu’elle ne maitrise pas, meurtrie entre amour et haine, entre instinct maternel,  empathie pour autrui et désir farouche qu’enfin la « bête » meure.

Dolores en offrant son crime à l’éclipse le renvoie à Dieu et à sa justice divine ... ce qui lui permet de passer aux aveux même si elle ne se cache pas d’un certain cynisme

Stephen King dégoupille les attraits du thriller sans emprunter un seul instant au Fantastique. L’auteur semble pourtant utiliser les armes traditionnelles de ce dernier. Il n’en est rien. Tout n’est que trompe l’œil astucieux et intelligent, magie de forme qui maquille tout d’un Fantastique qui n’est qu’ambiance et rendu d’atmosphère. Chapeau.

De plus, en dressant un portrait réaliste taillé dans une vie quotidienne éprouvante, en détaillant au plus près de chaque instant les ressentis de son héroïne, qu’ils fassent froid dans le dos ou emportent la compassion, King endosse l’habit de l’écrivain généraliste de talent. Sacre tour de magie.

"Dolores Claiborne", de part son caractère atypique, apparait un peu comme un des romans perdus de King. C'est dommage, quand, avec lui, on est pas loin du chef d’œuvre ...

Dernière chose. En prenant l’ouvrage en rayon de bibliothèque j’ai cru me débarrasser le temps d’une lecture de l’emprise psychique de la crise du coronavirus en cours. Il n’en a rien été tant nous sommes dans une parenthèse de temps comparable à celle d'une éclipse de Soleil.


PS: en 1995, Taylor Hackford réalisa une version ciné du roman. On y trouve Kathy Baytes (celle qui tint le rôle terrifiant d'Annie Wilkes dans Misery) campant Dolores Claiborne. Le film eut un succès modéré ... et pourtant. L'adaptation est réussie même si le scénario explose, sans le trahir, l'ordre chronologique du roman; allège un peu le poids des événements des épaules de l'héroïne au profit de celles de Selena, la fille. L'intention première de King est préservée ... et le spectateur ne sort pas indemne du récit.



 Insert cartographique présent dans le présent roman, dans "Jessie" et peut-être (?) dans Rose Madder. 

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