Albin Michel (2019)
Une courte nouvelle de Stephen King (40 pages). Inédite et gratuite (en ebook exclusivement, pas de version papier semble t’il). Une demi-heure environ à lui consacrer. Guère plus ; d’autant que le style coule d’une belle source tranquille et sereine. La plus grande force de l’auteur est, comme à son ordinaire, de se montrer conteur émérite, d’abord aisé, usant de mots et de formulations simples et immédiatement accessibles. La nouvelle vaut le détour par sa fraicheur et, sans doute, son authenticité (certaines pages du Web s’en font l’écho). On s’y croirait. Une intrigue simple, réaliste et logique nous est proposée sans artéfact terrifiant.
« Laurie » : une histoire douce. Une tranche de vie autour du mal-être d’un homme ordinaire. Celui d’un septuagénaire, Lloyd, veuf récent, désormais seul, qui peine à reprendre pied dans le bout de vie qu’il lui reste. Il s’y laisse aller, fataliste, résigné, peu soigneux de sa personne et de sa maison, balloté physiquement et moralement par un chagrin qu’il ne parvient pas à dénouer et la monotonie résignée qu’il accorde à chaque jour sans son épouse. Le rebond, sans elle, ne lui semblable ni souhaitable ni accessible. Une petite chienne à lui offerte, Laurie, va tout chambouler, changer la donne d’une vue rompue.
La suite appartient au récit …
Vous vous en doutez, deux êtres vont s’apprivoiser l’un l’autre ; c’est ce chemin qu’emprunte l’auteur, celui d’une renaissance accordée à un vieillard résigné.
Maintenant, qu’attend t’on classiquement du maitre de l’horreur ? Une jolie petite histoire ? Non. De la littérature générale ? Non plus (quoi que.. !). Et pourtant, au détour de ses romans baignés de « mauvais genres » (y compris dans ses grasses novelas) on découvre de larges pans digressifs de littérature blanche (qui font, pour ma part, tout l’intérêt de sa bibliographie), ils jalonnent de loin en loin et souvent d’abondance les interludes entre deux passages houleux offerts à la terreur et au frisson. J’ai toujours suspecté King d’être opportuniste sur les terres SFFF, alors qu’en filigrane il se serait bien vu auteur généraliste. Je ne connais pas suffisamment son œuvre pour étayer ce qui, après tout, ne m’est qu’une intuition. De la même manière il semblerait que la nouvelle contienne des références autobiographiques. Je ne les ai pas repérées. « Laurie » semble, en outre, avoir un rapport avec « L’outsider » que je n’ai pas lu (certains éléments graphiques des deux 1 de couv les rapprochent) mais je ne suis sûr de rien.
Au final : un instant (éphémère ?) de lecture plaisante et rafraichissante autour de la solitude de l’âge avancé. A lire comme un bonbon sucré, gorgé de bons sentiments, de sourires de connivence entre un simple chien, comme tant d’autres, et un vieux monsieur à la dérive. L’happy end est de rigueur, pas de secousse ultime due à une mise en abime dévastatrice ; la finalité est de miel au gré d’un propos tendre. On dirait qu’un smiley souriant nous attend en lieu et place du traditionnel mot FIN.
Bienvenue au royaume des confiseries littéraires.