Accueil

Accueil
Retour à l'Accueil

vendredi 11 avril 2025

Fort Navajo – Blueberry 01 – Jean-Michel Charlier + Jean Giraud (BD)

  

Réédition Hachette Collections 2013

 

« Fort Navajo » est une BD western en grand format, prépubliée dès octobre 1963 dans « Pilote, le magazine des jeunes de l’an 2000 ». C’est le premier épisode d’une saga d’importance, compartimentée en sous-cycles, doublée de préquels, d’intermèdes en one-shots ou en diptyques. Au total : c’est un foisonnement de planches, de bulles et de vignettes, d’onomatopées et de récitatifs en voix off, de personnages fortement typés, souvent récurrents, d’intrigues imbriquées ou se prolongeant l’une l’autre. C’est aussi le bébé d’un duo d’auteurs parmi les plus brillants que le 9ème Art ait connu. Aux décès de Jean-Michel Charlier (aux scénarios) et de Jean Giraud (aux dessins), d’autres talents prendront la relève au rythme du cycle principal, de séries satellitaires ou de hors-séries divers.

 Un héros de papier comme Blueberry ne meurt jamais vraiment.

Western à tous les étages, donc. Fin de la Guerre de Sécession et début des Guerres Indiennes qui suivirent. Mike S. Blueberry, un lieutenant de l’armée d’active (à deux doigts de la radiation), fils de riches confédérés, prend son service dans l’Ouest américain entre Nouveau-Mexique et Arizona. S’en suivent maintes péripéties où le héros, au sein du conflit en cours, cherchera à se positionner socialement… une longue histoire commence.

Winchesters, colts et canons à mitraille. Arcs, flèches et tomawaks. Saloons enfumés, ranchs pillés, incendiés, rancheros et péones scalpés. Tipis apaches et calumet de la paix. Fort assiégé et drapeau blanc. Peaux-rouges sur le Sentier de la Guerre, Visages-Pales et Tuniques-Bleues. Poneys montés à cru et étalons fougueux, l’écume aux mors. Diligences attaquées et signaux de fumée sur la crête des collines. Désert de sable et de pierraille, soleil de plomb, cactus solitaires, gigantesques mesas esseulées. Paysages arides à perte de vue, panoramas époustouflants tendus d’or et de cumulo-nimbus bourgeonnants. 

 

 

1963, on est au crépuscule de l’Age d’Or du cinéma de western ; avec « Fort Navajo » on est encore en plein classicisme du genre si ce n’est que semblent y poindre quelques signes de réinvention et, surtout, un renversement de positionnement envers les Indiens. Les temps ne sont pas encore à Little Big Man, le film (1970) et à Dylan Stark (dès 67) en Marabout Junior, sans parler de la révolution formelle du Western Spaghetti à venir ; mais Blueberry ne va pas tarder à leur emboiter franchement le pas. Tout allait changer, se réinventer, se reformuler. L’indien perçu jusqu’alors primitif, sauvage, mauvais, rusé, traitre et fieffé menteur allait montrer peu à peu toutes les richesses humaines de sa civilisation et surtout sa légitimité territoriale. Et certains blancs, en corollaire de dévoiler hypocritement leur duplicité sous couvert de légalité.

« Fort Navajo », le premier épisode de la série BD consacrée au « Lieutenant Mike S. Blueberry », parait, version cartonnée, en 1965. J’avais 10 ans à peine et ne savais pas alors, qu’en commençant à suivre la série quelques années plus tard, j’allais m’embarquer passionnément pour de nombreuses années dans les méandres d’une longue épopée tutoyant la grande Histoire de l’Ouest des USA via les aventures d’un anti-héros légendaire.

1963, date de prépublication. J’étais, alors, un minot au chiche argent de poche qui ne pouvait se payer en kiosque à journaux que les petits formats peu coûteux de chez « Mon Journal ed.» ou autres (Blek, Zembla, Akim …) ; un matru obstiné à dévorer la BD populaire au kilomètre en prélude à ma passion toujours actuelle pour les « mauvais genres ». Passaient entre mes mains, tout ce qui, vignettes, phylactères et onomatopées incluses, se trouvait à l’étal ; tout ce qui me venait au hasard, des prêts de potes de la communale, dans les caves et greniers du voisinage, à l’étal des bouquinistes ambulants lors des marchés hebdomadaires, dans les feux du mardi-gras issus de Fahrenheit 451 annuels. Quelle hérésie que ces allume-feux peuplés de squaws, d’or dans les tamis d’orpailleurs, de scalps pendus aux selles des chevaux, de shériffs à étoile d’argent. Tout un monde évanoui dans les flammes. Impossible sacrilège … Blueberry allait échapper à l’holocauste, on a vite repéré en lui la BD de qualité, presque de la vraie littérature, celle qu’il fallait garder, qu’on ferait lire plus tard à ses descendants.

Étonnamment la une de couverture de « Fort Navajo » n’est pas signée du dessinateur mais de Jije qui fit, antérieurement, les beaux jours de Jerry Spring, un autre western BD tout aussi mythique. On perçoit en « Blueberry » l’hommage rendu au-delà du mimétisme.

Blueberry a la trogne abimée de Jean-Paul Belmondo. C’est voulu. Sa figure de boxeur cabossée de gnons, sa gueule d’anti-héros m’as-tu-vu grognon et jouisseur, son mauvais caractère rentre-dedans et bagarreur, son humour ironique et frappadingue firent merveille ; même si parfois et plus tard se devinèrent aussi les faciès de Charles Bronson, Keith Richards (si si.. !) et Schwarzenegger …

Tout le plaisir de lecture réside dans l’ambiance embarquée. Couleurs western ; what else.. ? et parfums de « Dernière séance ». L’histoire, le déroulé attendu des péripéties, on s’en fiche un peu. Pourvu, qu’aujourd’hui, 60 ans plus tard, rejaillissent encore et toujours les étoiles des rêves éveillés d’antan. Magie de ces récits destinés à de jeunes ados qui allaient peu à peu s’habiller de tournures plus adultes. En ouvrant ce premier billet je prends le pari que rien n’a vieilli de la suite.

 


2 commentaires:

  1. Oh, Blueberry, oui, oui...
    Etant plus jeune, quand j'ai commencé à les lire et relire, nombre d'albums étaient déjà parus (je me rappelle avoir eu entre les mains des numéros de Tintin où était prépublié l'album Angel Face [17e de la série] vers 1975?)...
    Dans Fort Navajo, l'art du tir aux bouteilles: casser, ou déboucher? Je ne sais plus si c'est avant, ou bien après, que Lucky Luke perçait le fond d'une canette lancée en l'air en faisant passer la balle par le goulot...
    Il me semble qu'il y a eu des participations croisées entre Giraud et Jigé (chez lequel Giraud avait commencé comme assistant)... y compris pour quelques planches dessinées par le Maître pour ce tout premier cycle.
    Je pense connaître tous les albums signés Gir/Giraud, mais être très loin du compte pour les "continuateurs".
    "Les héros [de papier] ne meurent jamais"? Nonagénaire à Chicago en 1933, paraît-il (mais ça n'a pas encore été dessiné sauf erreur de ma part). Je suis étonné en tout cas de voir que Wikipedia mentionne à peine le "cross-over" avec la série Les gringos où il apparaît au temps de Pancho Villa (début XXe s.) [j'ai dû lire ça jadis, je ne sais pas si j'ai ou non les albums].
    (s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola

    RépondreSupprimer
  2. Citation: "Etant plus jeune, quand j'ai commencé à les lire et relire, nombre d'albums étaient déjà parus" >>>> Me concernant, au regard de l'age, j'aurais pu les lire lors des premières parutions album. Cà ne s'est pas fait. Je pense avoir lu le plus gros de la saga, le plus souvent dans le désordre total (tant pis si la compréhension a du en souffrir)... d'où les relectures quand les circonstances assemblaient les tomes plus chronologiquement.

    Citation: "Dans Fort Navajo, l'art du tir aux bouteilles: casser, ou déboucher? Je ne sais plus si c'est avant, ou bien après, que Lucky Luke perçait le fond d'une canette lancée en l'air en faisant passer la balle par le goulot." >>>> Le bouchon précède le goulot et le fond de bouteille. Ce qui, somme toute est chronologiquement normal quand on boit. MDR.

    Citation: "Il me semble qu'il y a eu des participations croisées entre Giraud et Jigé (chez lequel Giraud avait commencé comme assistant)..." >>> Oui, dans "tonnerre à l'ouest" (dont je suis en train d'écrire la chronique). Les pages 28 à 36 sont signées Jije car Gir était parti en vacances au Mexique et qu'il y aurait eu des trous dans la prépublication Pilote. Franchement on ne voit pas la différence de mains.

    Citation: "Les continuateurs".>>> Quelque chose s'est cassé, ce n'est plus pareil même si, par exemple, j'aime bien le coup de crayon de Vance.



    RépondreSupprimer

Articles les plus consultés